Clemenceau

Ce mercredi 13 juin 2018, le Président de la République s’est rendu en Vendée visiter la maison natale de Georges Clemenceau*. Hasard ou coïncidence, de mon côté, je terminais la lecture d’une biographie du Tigre signée Michel Winock. Cet homme politique ne peut être réduit à l’image que l’on donne de lui de « Père la Victoire ». Il est à l’origine de bien d’autres engagements politiques, novateurs pour son époque.

Vendéen d’origine, donc, fils d’un médecin, il fait lui-même des études de médecine. Il n’exercera en réalité que très accessoirement cette profession. Attiré par la politique, il est de ceux qui, le 4 septembre 1870, avec Gambetta, après la défaite de Sedan proclame la troisième République. Puis, maire de Montmartre, il s’engage dans la Commune en 1871. Homme aux quatre visages : le Tigre, le dreyfusard, le premier flic de France puis le Père la Victoire.

Le Tigre surnom donné en 1903 fut repris par tous. Il correspond à cette personnalité très engagée, tombeur de ministères, député sans concession dont les discours aux formules violentes blessent par leurs coups de griffe.

Le dreyfusard a joué un rôle fondamental dans ce procès qui a divisé le pays (1894). Antidreyfusard au départ de « l’Affaire », très vite il comprend qu’il y a là un déni de justice dont le capitaine Dreyfus est victime. Il fera tout pour la réhabilitation du militaire qui interviendra seulement en 1906. Acharné contre ce qu’il considérait comme un mensonge et une lâcheté, il sera celui qui permettra à Zola de faire paraître dans le journal « L’aurore » ce fameux article intitulé « J’accuse ». Pamphlet adressé au président de la République de l’époque Félix Faure. A ce propos il faut se souvenir que c’est lui, le Tigre, qui a trouvé le titre de l’article.

Le premier flic de France correspond à son rôle de ministre de l’intérieur en 1906. Clemenceau cumulait alors les fonctions de ministre de l’intérieur et de président du Conseil (actuel premier ministre). Ce cumul était habituel à l’époque de la troisième République. Il a créé ce que la télévision, grâce à un feuilleton, a rendu célèbre : « La brigade du Tigre ». Actuellement encore l’insigne de la police judiciaire reproduit une image mêlant le visage de Clemenceau et le dessin d’un tigre.

Enfin le titre de « Père la Victoire » lui vient de la responsabilité qu’il a exercée lors du traité de paix de Versailles. Il représentait la France et a dû adopter des positions difficiles pour convaincre à la fois les Anglais et les Américains et même les Italiens, afin d’obtenir une paix négociée. La signature le 28 juin 1919 mettait un terme définitif à la guerre de 14-18. Clemenceau en était le principal artisan.

Au cours de sa vie politique, le Tigre a su prendre et initier d’autre engagements moins connus. Anticlérical affiché il a été à l’origine de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Dès son entrée en politique en 1870 il avait esquissé la réalisation de cette séparation.

On parle peu également de son opposition à la peine de mort. Il est à l’origine d’un projet de loi visant à son abolition. Mais à son grand regret, cette abolition n’a pas été votée par la Chambre (assemblée nationale). Dans ce domaine encore il a été un précurseur.

Pour terminer il faut évoquer l’impôt sur le revenu que le Tigre avait placé dans son programme de président du Conseil. C’est en effet sous le gouvernement Clemenceau, en 1906, que Joseph Caillaud, Ministre des Finances présente un projet de loi instituant l’impôt progressif sur le revenu. Rejetée par le Sénat, elle ne sera votée qu’en 1915.

On ne retient généralement de Clemenceau que l’image de Père la Victoire. Même si celle-ci constitue, sans aucun doute, la plus glorieuse partie de son investissement politique elle ne doit pas faire oublier qu’il a été un précurseur dans d’autres domaines.

Pau, le 18 juin 2018

par Joël Braud

* « Clemenceau » s’écrit sans accent. Longtemps indifférent à l’orthographe traditionnelle de son nom, il l’a imposée en 1884 dans son journal La Justice.

**Clemenceau de Michel Winock. Éditions Perrin. 685 pages. 12 €

Maison natale de Clemenceau (Ouest-France)