Harcèlement de rue

Le législateur français est invité à réfléchir sur la rédaction d’une loi visant à qualifier pénalement le harcèlement de rue que l’on pourrait aussi nommer outrage sexiste. Convenons que l’intention est louable, ô combien ! Mais attention cela suffit-il pour être efficace ?

L’objectif est fixé par Marlène SCHIAPPA, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, de réprimer « tous les actes qui créent des situations offensantes, humiliantes ou intimidantes pour les hommes et les femmes dans l’espace public ». Des exemples sont cités certainement pas d’une façon limitative : suivre avec insistance dans la rue ; demander avec une insistance tout aussi prononcée, un numéro de téléphone ; s’approcher d’une personne au point d’entrer dans son espace intime, ou encore, chercher à l’intimider.

Ce serait, selon les promoteurs de cette loi, une contravention de quatrième classe. Le montant de l’amende s’échelonnerait de 90 à 750 €. Les juristes qui sont un peu au parfum jugeront. Les contraventions existent au nombre de 5 classes différentes. La cinquième étant la plus grave eu égard aux amendes encourues. Pour qu’une infraction de cette classe puisse faire l’objet d’une mesure de répression – traduisez d’un P. V.- il faut que l’agent verbalisateur la constate et procède en flagrance à la rédaction dudit P.V.

Ainsi dans la rue des policiers, ou des gendarmes, en uniforme, observeront le comportement de certaines personnes, susceptibles – a priori – de se livrer à ce genre de comportement répréhensible.

Alors, faites un effort, même si cela vous coûte parce ce n’est pas dans votre nature, mettez-vous à la place du flic et considérez que vous appartenez à cet effectif de 10.000 fonctionnaires recrutés par le Ministre de l’intérieur avec pour mission principale de relever ces infractions. Vous commencez par vous gratter le tête et et vous interroger sur la façon dont vous allez déterminer ce qui est contraire à cette loi.

Supposez maintenant que vous apercevez un monsieur qui siffle dans la rue. Qui siffle-t-il ? Une dame qui passe par là, un copain qui se trouve un peu plus loin ou son chien ? Admettons que c’est la dame qui est l’objet de sa part, d’une telle goujaterie. Devrez-vous demander à la « victime » si cette façon de l’aborder lui convient ou lui déplaît ? Car après tout il s’est trouvé récemment des actrices célèbres pour dire qu’il ne leur était pas forcément désagréable d’être ainsi apostrophées. Le consentement de la personne sifflée constituerait-il un élément de l’infraction ? Parmi les questions que l’agent verbalisateur devra se poser est celle de savoir à partir de combien de demandes d’un numéro de téléphone on se trouvera dans le cas de harcèlement. Et puis, qu’est-ce donc que cet espace intime dans lequel la loi interdit d’entrer ? Comment le définir.

Il faudra bien ensuite tracer de façon précise les limites entre la drague et le harcèlement ou outrage sexiste. Pas facile tout ça ; la jurisprudence promet d’être abondamment fournie. L’intention pour être très louable, aura du mal à se concrétiser.

Un loi pénale qui pose tant de difficultés pour la répression risque d’être une loi inutile et ne pas revêtir le caractère dissuasif pour lequel elle existe. Mais après tout le législateur est là pour préciser les éléments constitutifs de cette infraction bien spécifique. Nous devons lui souhaiter bien du plaisir.

« Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » (Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu.)

Pau, le 27 mars 2018

par Joël Braud

Crédit photo : dailymotion.com

Enfin !

Une esquisse de la loi sur la moralisation de la vie publique vient d’être dévoilée, avec un titre reformulé. Sera-t-elle votée à l’unanimité ?

C’est douteux, car peu de lois en dehors de la loi Edgar Faure ont eu l’assentiment unanime de l’assemblée. De plus, ce n’est pas de gaieté de cœur que les députés voteront la limitation de leurs privilèges. Mais la majorité des citoyens de ce pays attend des mesures fortes pour redonner confiance dans notre vie politique.

Cette attente donnera un semblant de justification pour ceux qui ne voudront pas voter la loi, en prétextant qu’elle ne va pas assez loin. Le subterfuge ne serait pas nouveau. Mais il ne peut nous berner. Si la loi contient des avancées, il faut la voter. Quitte à l’amender.

Voyons son contenu.

 Un casier judiciaire vierge

C’est la moindre des choses ! Comme c’est déjà exigé des fonctionnaires, les élus devraient donc présenter un casier judiciaire vierge des infractions les plus graves (crimes, agressions sexuelles, atteintes à la probité…). Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faudrait aussi exiger des élus qu’ils présentent la preuve qu’ils sont en situation régulière avec les impôts. C’est notamment la position du député PS René Dozière, spécialiste des questions de transparence.

 Interdiction du cumul des mandats dans le temps et dans la simultanéité

Les parlementaires ne pourront plus aller au dela de trois mandats de même nature. Des associations comme Anticor proposent d’élargir cette mesure aux mandats locaux et que la limitation s’arrête à deux mandats. Le but étant évidemment de favoriser le renouvellement et le lien entre élus et activité normale.

• Interdiction des recrutements familiaux

Les emplois familiaux au sein des assemblées concernent actuellement plus d’une centaine de parlementaires. Leur rémunération peut correspondre à une activité vérifiable. Mais aux yeux des citoyens elle apparaît comme une possibilité d’enrichissement indu et une forme de népotisme.

• Disparition de la réserve parlementaire

Il est des sources d’économies plus importantes que la suppression de la manne que peuvent distribuer les parlementaires à leur convenance. Mais c’est une forme de clientélisme qui ne peut être encouragée et qui a des effets pervers.

• Fiscalisation et contrôle des indemnités représentatives de frais de mandat

Ces indemnités peuvent être assimilées à un complément de revenu. Leur usage discrétionnaire choque ceux qui rendent des comptes pour leurs déplacements, qu’ils travaillent dans le public ou dans le privé. De plus, une vie plus sobre rapprocherait les élus de leurs électeurs.

• Interdiction ou encadrement des activités de conseil

Le but recherché est d’éviter les conflits d’intérêts et les causes de dévoiement des lois en faveur d’intérêts privés contraires à l’intérêt collectif. Mais la tâche n’est pas simple car il est bon que les lois soient élaborées par des personnes connaissant les dossiers.

• Traque des activités des lobbyistes

La loi Sapin 2 votée en 2016 prévoit déjà la création d’un registre des représentants d’intérêts et un code de déontologie pour le lobbying pratiqué à l’égard du gouvernement et de l’administration. Mais il faudrait l’approfondir et l’élargir, ainsi que le demandent des associations comme Transparency et Anticor. La lutte contre le lobbying n’est pas chose aisée. Mais ses enjeux sont considérables et les pratiques anciennes et bien masquées.

• Encadrement du financement des partis politiques et des campagnes électorales

Le financement des partis politiques et des campagnes électorales est considéré par beaucoup comme le point faible de notre démocratie et une source de scandales. Il n’est que de voir la multiplication des micro-partis pour deviner qu’il s’agit là d’un moyen de capter de l’argent public.

• Introduction d’une meilleure représentation par injection d’une dose de proportionnelle

C’est un objectif d’équité, mais aussi de sérénité. Il vaut mieux canaliser le diversité des opinions dans un cadre stable plutôt que de voir des débordements dans les rues. Mais la mise au point doit être faite de telle sorte qu’elle préserve la facilité de gouverner et qu’elle ne soit pas suspecte d’intérêts partisans.

La tâche est exaltante, mais pas simple. Bon courage M. le Garde des Sceaux !

Paul Itaulog

Crédit photo : Le Figaro