Grand débat palois, acte II

L’acte II du grand débat palois s’est déroulé au parc des expositions, ce mercredi 6 février 2019. Il y avait beaucoup moins de monde que lors de la précédente édition. Il fallait s’y attendre. Cette fois-ci les thèmes étaient définis : démocratie et citoyenneté.

Deux grands témoins nouveaux : Françoise Pons, magistrat et Philippe Terneyre, professeur de droit public.

François Bayrou toujours dans le rôle de monsieur Loyal précise quelques idées en rapport avec les thèmes retenus : la sincérité de la représentation, le vote proportionnel, le vote blanc et le rôle des médias.

Puis Jean Marziou expose une réflexion sur l’engagement citoyen. Il est suivi de Philippe Tugas qui aborde la notion de représentation.

Interviennent ensuite des gilets jaunes qui sont là pour se faire entendre. Plusieurs personnes de différentes origines prennent la parole. Dans cet ensemble on ne peut éviter, une réflexion sur l’Europe. Il y en a même un qui nous a parlé de la Chine. Bon ! il faut de tout pour faire un monde. Mais ce qui est pénible est de devoir subir des prises de parole qui n’en finissent pas de la part de ceux qui trouvent un plaisir intense à s’écouter eux-même pendant de grands moments, comme si ce qu’ils avaient à dire était d’une importance capitale. Enfin c’est la loi du genre…

Pour ma part, j’avais à cœur de pouvoir poser deux questions aux professeurs de droit public que sont Jean Gourdou et Philippe Terneyre. Et ô miracle, j’ai pu poser ces questions. L’une portait sur les modalités et les conséquences de l’élection des députés à la proportionnelle ; l’autre concernait la prise en compte des votes blancs.

Sur le vote à la proportionnelle, c’est Jean Gourdou qui s’y est collé. Il a fait, selon moi, une approche du sujet en disant qu’il s’agissait d’une procédure qui permettait une meilleure représentation des électeurs mais qu’elle comportait des inconvénients. En réalité ce qu’il a dit, était, à mon sens, pour le moins insuffisant.

J’aurais attendu de lui qu’il nous précise :

  • Qu’il s’agit d’un scrutin de liste.
  • Que ces listes peuvent être constituées soit au niveau des départements, soit, pourquoi pas, au niveau des régions et enfin éventuellement au niveau national.
  • Il aurait pu évoquer les règles fixant la répartition des restes. Ce dernier point, particulièrement technique, aurait pu faire toucher du doigt à ceux qui prônent cette forme d’élection comme une panacée, que ces difficultés ont de quoi faire réfléchir même les plus convaincus.
  • Il aurait dû rappeler l’expérience de la quatrième République (1940 – 1958) caractérisée par une instabilité ministérielle chronique puisque la durée de vie moyenne des gouvernements était de sept mois.
  • Il aurait pu également faire allusion à quelques périodes de la troisième République (1870 – 1940) qui a connu des élections des députés à la proportionnelle (1885 – 1919 – 1924).
  • Que, sur décision de Mitterrand et pour des raisons de politique politicienne, les députés avaient été élus à la proportionnelle le 13 mars 1986. Et qu’aux élections suivantes (5 et 12 juin 1988) nous étions revenus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription. Cet épisode de 1986 avait permis à des partis comme le Front National et le parti Communiste de détenir chacun 35 sièges à l’Assemblée Nationale. Lorsqu’on sait qu’à l’époque, il fallait 30 députés pour constituer un groupe et lorsqu’on connaît les prérogatives dont bénéficient les groupes, on enrichit sa réflexion. Mais l’objectif poursuivi par le chef de l’État était de faire barrage au R.P.R.

Ce sont là des éclairages que j’attendais du professeur Jean Gourdou, mais peut-être n’a-t-il pas voulu se positionner en donneur de leçon. Pour ma part, je suis resté sur ma faim…

Mais s’il fallait chercher des éléments qui plaident en la défaveur du vote à la proportionnelle, il faudrait aller les cueillir chez François Bayrou lui-même. Et pourtant il est un ardent défenseur de ce mode électoral. Il faut d’ailleurs noter ici que ce sont principalement les « petits partis » qui défendent la proportionnelle. Normal quand on sait que les partis politiques, subventionnés par l’argent public, le sont en fonction du nombre de leurs élus. Ou, si vous préférez, quand les convictions politiques cèdent le pas aux intérêt financiers.

Au début de la soirée, le maire de Pau s’est lancé dans un plaidoyer en faveur du vote à la proportionnelle, oubliant son engagement de neutralité. Il a même spécifié que tous les pays de l’Europe avaient adopté ce mode de scrutin, ce qui est contestable. Mais surtout dans sa démonstration, il a dit que les élections municipales se font à la proportionnelle et qu’à Pau 95% des décisions sont votées à l’unanimité. A entendre cela, on imagine la satisfaction de l’électeur qui, ayant voté pour l’opposition, constate que dans la réalité, l’opposition qui devrait s’opposer ne s’oppose pas. Il doit en ressentir, à juste raison, un sentiment de trahison.

L’autre argument tient au vote récent des députés du MoDem sur la loi dite anticasseurs. François Bayrou l’a souligné : Josy Poueyto s’est abstenue. Elle a considéré, comme lui-même d’ailleurs, que le pouvoir d’interdire à certaines personnes la possibilité de manifester ne pouvait être confié au Préfet mais au juge. Or sur les trois députés MoDem seule Josy Poueyto a fait ce choix, les deux autres, Bru et Matteï, ont voté pour. Cette donnée nous permet de constater que dans un même parti politique, les convictions de chacun divergent. Lorsqu’on vote pour une personne on vote pour quelqu’un dont on connaît les options politiques. C’est le cas actuellement selon le système d’élection des députés au scrutin uninominal. Lorsqu’on votera selon le mode proportionnel on votera pour une liste présentée par un parti. Malgré un affichage officiel des engagements, il se trouvera des candidats dont les opinions divergent. En votant pour le Modem, par exemple on ne pourra savoir à l’avance qui votera pour ou contre la loi anti casseurs, ou qui s’abstiendra. Une inconnue qu’il faudra bien accepter.

Enfin il y a d’autres arguments qui résultent des petits arrangements entre amis. Pour la constitution des listes par exemple, c’est à celui qui obtiendra une place à un rang éligible, il faudra savoir se placer. L’expérience a montré qu’avec l’émiettement des partis tel qu’il résulte d’un vote à la proportionnelle, il ne sera pas toujours facile au sein de l’Assemblée Nationale de trouver une majorité pour voter une loi. Alors s’ensuivront des petites négociations d’arrière boutique. Si tu me suis sur cette loi je te renverrai l’ascenseur pour telle autre décision. C’est ce qu’on appelle des magouilles. Cela est d’autant plus lourd de conséquences que maintenant les députés ont la possibilité de déposer des projets de loi ce qui n’était pas le cas au début de la cinquième République.

Soyez vous-mêmes juges de ces revendications exprimées par les gilets jaunes, mesurez en les modalités et les conséquences et surtout considérez que la constitution de la cinquième République, par sa conception et sa souplesse, a permis à notre pays de traverser bien des épreuves.

La prochaine fois il faudra parler de la prise en compte des votes blancs.

Pau, le 11 février 2019

par Joël Braud

Crédit image : Le Figaro (source Ministère de l’intérieur – Kantar Sofrès One point)

 

 

Disqualification

Habituellement, ce terme de disqualification est utilisé dans le langage sportif. Ici, il concerne plutôt le monde des politiques objet d’un discrédit persistant. Les gilets jaunes les conspuent et osent s’attaquer à leur image. Les élus de tous niveaux sont-ils vraiment conscients de l’ampleur de ce rejet ?

Que des permanences de députés soient l’objet de dégradations, que certains, et il faut le regretter, se voient adresser des menaces, qu’un ministre doit être exfiltré pour garantir sa sécurité physique est déjà symbolique. Cependant il existe d’autres éléments d’appréciation qui viennent confirmer cette ambiance. Ainsi dans le Journal du dimanche du 6 janvier 2019, figurait un sondage de l’IFOP donnant des résultats significatifs. Questionnés sur les cinq mesures qu’ils jugent les plus importantes à prendre, les sondés répondaient :

-82 % réduction d’un tiers du nombre des parlementaires ;

-80 % prise en compte du vote blanc lors des élections ;

-80 % référendum d’initiative citoyenne ;

-77 % rétablissement de l’I.S.F. (dont 61 % des LREM) ;

-74% la proportionnelle aux élections législatives.

Le fait que la diminution du nombre des parlementaires arrive en tête de ce classement avec un si fort pourcentage, est en soi bien évidemment lourd de sens. On peut toujours critiquer un sondage et dire qu’il ne reflète que l’opinion d’un instant, il n’en demeure pas moins qu’il traduit en la circonstance le sentiment que les parlementaires sont trop nombreux et partant inutiles.

Ce sondage présente un autre intérêt. Dans le fatras des revendications formulées par les manifestants, il faudra bien un jour savoir les classer par ordre d’importance et surtout de faisabilité. C’est un premier pas qui va dans ce sens. Il appartiendra, le moment venu à ceux qui sont en responsabilités de savoir en tirer parti.

Les maires qui se disent des élus de proximité très à l’écoute de leurs administrés ont ouvert des cahiers de doléances accessibles à qui veut. Ils recueillent par ce moyen, sinon toutes les revendications, du moins les inquiétudes et insatisfactions de ceux qui osent s’y exprimer. Celles-ci sont à la fois diverses et bien souvent inattendues. Il faut bien admettre que si ces édiles avaient réellement été à l’écoute des préoccupations de leurs administrés, comme ils le prétendent, et avaient su être entendus au plus haut niveau, il n’auraient pas eu besoin de cet artifice pour connaître ce qui motive la colère actuelle. Enfin en se prêtant à cet exercice, ils répondent à une demande du pouvoir central. Nul doute que cette démarche, aussi honorable soit-elle, ne débouchera pas sur grand chose. Seront-ils alors les plus qualifiés ?

Alors puisqu’il faut écouter le citoyen, a été réactivée sous le présidence de Chantal Jouanno, la Commission Nationale des Débats Publics (CNDP), qui a pour but de récolter toutes ces revendications. Une vaste consultation qui va coûter au contribuable la somme de 4 millions d’euros. Si l’ex ministre ne réussit pas elle aura de quoi se consoler avec un traitement digne des plus grands de la République. Ce qui, d’ailleurs au moment où les principales préoccupations des gilets jaunes portent sur le pouvoir d’achat ne manque pas de piquant. Bon courage à elle ! Il faut souhaiter pour la réussite de l’entreprise, qu’elle ne soit pas déjà disqualifiée.

Mais pour être honnête, il convient de ne pas oublier de dire qu’en exerçant des violences inadmissibles, les gilets jaunes nuisent à leur propre image et entrent eux-mêmes dans la spirale de la disqualification. Il faut maintenant que ces mouvements de foules incontrôlées par les organisateurs cessent et que s’ouvre le temps du dialogue. Mais les conditions sont-elles réellement réunies ?

De notre côté, à Pau, on entend François Bayrou qui, à l’occasion de ses vœux, affirme que les politiques ne sont pas responsables de la situation actuelle. On va le croire par politesse et parce que c’est le début de l’année. Samedi dernier 5 janvier, les gilets jaunes sont allés déranger les deux députés du coin, Josy Poueyto et Jean-Paul Matteï. Ils étaient en train de présenter leurs vœux à ceux qui méritent leurs égards dans un hôtel palois. Plus tard,  Matteï dira, lors d’une interview à France Bleu Béarn, qu’il fera tout pour être à l’écoute de ses concitoyens. En y pensant plus tôt, il n’aurait pas pris le risque d’être disqualifié.

Pau, le 7 janvier 2019

par Joël Braud

A la conquête de l’opinion publique

Les réformes engagées ont un impératif besoin, pour être menées à leur terme, de s’appuyer sur le soutien de l’opinion publique. Actuellement tant dans le domaine de la SNCF que des institutions, le pouvoir en place mène une bataille de communication. Pas facile surtout lorsque ce sont des politiques qui sèment le trouble.

Considérons en premier lieu la SNCF. Ce conflit qui est organisé d’une manière inédite, ne recueille pas l’avis favorable de l’opinion publique. Un dernier sondage de l’IFOP pour le Journal du Dimanche, paru le 8 avril 2018, fait ressortir que 62% des sondés disent soutenir la position du gouvernement, ce chiffre était de 51% lors du précédent sondage. Prochainement le Président de la République va être interviewé sur une chaîne de télévision, il va préciser le sens de la réforme engagée. Il s’agit là d’une bataille de la communication, cependant nous savons tous que l’opinion publique est versatile.

Dans un autre domaine, le président du MoDem, président du pôle métropolitain du Pays de Béarn, président de la communauté d’agglomération de Pau Béarn Pyrénées, maire de Pau, président de l’Office palois d’habitat, président de la Béarnaise habitat, président du conseil d’administration de l’hôpital de Pau, président de l’office de tourisme de Pau, président du Centre communal d’action sociale de la ville de Pau (si je n’ai rien oublié) exprime son mécontentement haut et fort sur les médias nationaux. François Bayrou déclare que le chef de l’État ne tient pas ses promesses initiales. Il lui reproche en effet de limiter à 15 % au lieu de 25% le niveau de proportionnelle aux prochaines législatives et de ne rendre effective la limitation du cumul des mandats dans le temps qu’à partir de 2035. En affirmant « qu’il ne peut accepter ce qui est en train de se tramer », il lance lui aussi une bataille de la communication. Souvenons-nous que la proportionnelle avait été mise en place en 1986, et abandonnée très vite. On sait ce que cela avait donné. Le Front National avait suffisamment d’élus pour constituer un groupe. Souvenons-nous également que sous la quatrième République, le gouvernement connaissait une durée moyenne de vie de sept mois. Mais lorsqu’on est à la tête d’un petit parti, on sait que seule la proportionnelle permet d’augmenter le nombre de ses élus.

Même David Habib, député de la 3è circonscription des Pyrénées Atlantiques (La République des Pyrénées du 7 avril 2018), dénonce le projet de diminution du nombre de députés. Sous le titre « Le charcutage électoral est en marche » il se prononce contre une réforme institutionnelle qui réduirait le nombre de ces élus, les faisant passer de 577 à 400. Selon lui : « Où serait la proximité de ces élus avec les territoires ruraux ? » Il dit également que « le mode de scrutin mixte, proportionnel et majoritaire (…) ne fonctionne pas. Il instaure une double légitimité. Très vite un conflit apparaîtra entre ceux élus au scrutin majoritaire et ceux élus à la proportionnelle ». En cela, il s’oppose farouchement à la position de François Bayrou et se prononce pour le maintien du scrutin majoritaire. Rappelons qu’en 1962 (après l’indépendance de l’Algérie) le nombre des députés était de 482. La France était un pays rural et 95 députés de moins, n’avait pas entraîné une absence de proximité entre les élus et le peuple.

En cette période où plusieurs réformes sont engagées, les opinions divergent. La bataille de la communication ne fait que débuter. Les politiques sont à la manœuvre. C’est à celui qui parviendra à convaincre parce que l’opinion publique demeure une référence sur laquelle chacun cherchera à s’appuyer pour légitimer son point de vue. Mais celle-ci est fluctuante, évolutive, voire versatile.

Pau, le 10 avril 2018

par Joël Braud

Crédit image : ethiquejournalistique.wordpress.com

Un système électoral à revoir ?

Le résultat du premier tour des élections législatives est tout à la fois un rappel et un avertissement. Un rappel parce plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes, manifestant ainsi un désintérêt voire du mépris pour l’expression qu’on prétend démocratique. Un avertissement parce que quand un système électoral ne reflète plus la réponse des urnes, il conduit tôt ou tard à sa disparition.

Quand,  avec au mieux 17 % des inscrits un mouvement est assuré d’une représentation largement majoritaire,  il n’y a que les aveugles pour ne pas voir qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est une de ces anomalies que le peuple ne comprend pas avant de dire d’une manière ou d’une autre qu’il ne l’admet plus.

L’abstention en est une manifestation pacifique, une révolte passive qui pourrait un jour prendre une forme plus vive. Les gouvernants, et beaucoup d’élus, n’en veulent pas, les uns parce qu’ils prétendent qu’ils ont besoin d’une majorité pour diriger le pays, les autres parce qu’une répartition proportionnelle des sièges en condamnerait beaucoup à une retraite forcée ou au chômage. Chacun a les justifications qui l’arrangent, mais pourront-elles indéfiniment prospérer devant des évidences aveuglantes et contraires au bon sens le plus élémentaire, la vérité mathématique dont la rigueur est implacable. La proportionnelle n’empêche pas de gouverner, elle condamne parfois à des compromis. Mais est-ce moins injuste que de considérer des millions d’électeurs comme des sans voix ou des laissés pour compte.

Le premier ministre vient d’évoquer la possibilité d’instiller une dose de proportionnelle. Sans doute pour tempérer  les réactions et gagner du temps car cette dose de proportionnelle sera sans effet réel. Tôt ou tard il faudra en venir à la proportionnelle et pour une moralisation complète au scrutin à un tour comme dans la plupart des pays démocratiques.

Pierre ESPOSITO

Crédit image : La Croix.com

Rédhibitoire

Voter, ce n’est pas choisir entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. (Raymond ARON). Le premier tour de l’élection présidentielle nous a conduit à une situation inédite où les partis traditionnels ont été exclus du paysage politique. Restent deux candidats, l’un n’a jamais assumé un mandat, l’autre n’a jamais exercé de fonctions au sein d’un gouvernement. Alors s’il fallait faire un choix à partir de leurs engagements que serait le préférable, que serait le détestable ?

Le journal Sud Ouest, dans son édition du dimanche 30 avril 2017, présente le programme des deux candidats à la loupe. Dix domaines sont analysés, ce sont : l’éducation, la défense et la sécurité, la justice et l’immigration, l’emploi et les retraites, l’économie et la fiscalité, l’environnement, la santé, l’Europe et l’international, la vie politique et enfin la culture. On peut débattre à l’envi de ces programmes en notant au passage que certains engagements sont comparables. Mais il en est un proposé par Marine le Pen, qui sera lourd de conséquences : « mettre en place un scrutin proportionnel à toutes les élections ».

Qui en lisant cela aura la curiosité de se demander ce que cette mesure implique ? Qui sera soucieux de se souvenir que cette forme d’élection à la proportionnelle a existé par le passé ? Qui sera capable de faire référence à l’instabilité qui en a découlé ? Pas grand monde en vérité. Beaucoup préfèrent dire que cette forme d’élection est plus juste parce que toutes les tendances sont représentées. Et parmi ceux qui tiennent ce raisonnement figurent bien évidemment les petits partis politiques qui avec un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, disposent de peu d’élus à l’assemblée nationale. Le besoin d’exister en quelque sorte. François Bayrou d’ailleurs figure parmi les tenants de ce mode d’élection.

Mais souvenons-nous de la IV° République. Même si l’histoire ne ressert jamais deux fois les plats il existe des constantes. Lors de ce régime (1946 – 1958) parlementaire, les députés étaient élus à la proportionnelle. Les gouvernements ne disposaient pas d’une majorité dans une assemblée disparate où les députés négociaient entre eux avant d’adopter les textes. Il en résultait une instabilité ministérielle importante. La durée moyenne d’un gouvernement était de sept mois. On peut évidemment se demander comment, dans de telles conditions, un pouvoir peut entreprendre des réformes. Les guerres d’Indochine puis d’Algérie ont eu raison de cette République.

Plus récemment, pour mettre en œuvre l’une des ses propositions, en 1986, Mitterrand a modifié le mode électoral aux législatives. La proportionnelle a donc été instituée pour la première fois dans la V° République. Résultat l’union RPR-UDF obtient la majorité absolue (291/577) tandis que 35 députés FN siègent à l’assemblée. Se met alors en place la première cohabitation, Jacques Chirac devient premier ministre. A noter que c’est à cette occasion que le nombre des députés passe de 491 à 577 (+ 17,50%). Cette chambre sera dissoute par Mitterrand lui-même après l’élection présidentielle de 1988 qui lui a permis d’être réélu. Retour à l’élection de l’assemblée nationale au scrutin majoritaire.

Ce qui est impératif est de faire en sorte que les institutions fonctionnent et que l’État dispose d’un pouvoir suffisamment fort pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Or lorsque l’assemblée nationale est composée de tendances politiques disparates, il est difficile de pouvoir y parvenir. Les partis s’entendent avec des arrangements des accords, des connivences, des accommodements, des négociations en interne et, dans certains cas, des tambouilles d’arrières cuisines. Les combines et les alliances prennent le pas sur le souci de l’intérêt général. Les politiques sont ainsi faits…

Il serait contradictoire qu’une candidate qui prône un État fort et autoritaire, mette en place un système électoral qui affaiblisse de manière notoire l’exécutif. Cette disposition qui vise à faire élire les députés au scrutin proportionnel est détestable, donc rédhibitoire.

Pau, le 3 mai 2017
par Joël Braud

Crédit image : nw-science.com

Ça ne marche toujours pas !

 imgresIl y a quelques mois, lors du changement  de premier ministre, nous avons écrit ceci :
« Un nouveau gouvernement, très bien, mais ça ne marchera pas ! »

Ça ne marchera pas tout simplement parce que ça ne peut pas marcher ! Et à cela plusieurs raisons.
La première est que le président de la république n’a pas été élu sur un programme que la plupart des votants n’ont pas lu ou compris. Son élection n’est pas une victoire. C’est en réalité la défaite de son concurrent qui l’a fait président.
La seconde est que, quoi qu’on dise ou fasse, les responsables politiques qui, pour beaucoup d’entre eux n’ont jamais géré une entreprise ni même exercé une activité professionnelle, sont incapables de réformer un code du travail qui dans le souci d’une protection sans cesse plus grande des salariés décourage ceux qui accepteraient de se lancer dans une création d’entreprise.
Quand un système d’allocations en tous genres, permet à certains de gagner plus sans travailler que d’autres en travaillant, il faut trouver les recettes correspondantes et la compétitivité en prend un coup, en même temps que la consommation.
La troisième est que l’Assemblée Nationale ne reflète pas les sensibilités politiques du pays. Le président de la république avait promis la mise en œuvre d’un scrutin proportionnel, où en sommes-nous ? Cette réforme était sans doute plus urgente que celle du « mariage pour tous « .
La quatrième est que nous sommes en présence de responsables politiques faibles qui, soucieux de conserver leurs privilèges d’élus, n’ont pas le courage d’imposer les réformes qui s’imposent pour ne pas déplaire.
Nous ne pouvons rien espérer du nouveau gouvernement. Nous en serons au même point dans trois, quatre, cinq mois.
Rappelons-nous les incantations du président de la république, des premiers ministres ou d’autres membres des trois derniers gouvernements; la reprise était toute proche et il n’en est rien.
Reconnaissons, toutefois, que nous avons les dirigeants que nous méritons. Nous avons été mal habitués par un État-Providence dont nous attendons tout.
Ça ne changera donc pas non plus tant que ceux qui en profitent généreusement ne feront pas un examen de conscience en se demandant ce qu’ils laisseront à leurs enfants ou petits-enfants.
Il y a urgence à changer nos mentalités qui consistent tout à la fois à dénoncer certains privilèges et à revendiquer le maintien d’avantages archaïques qui ne se justifient plus. »
Nous constatons,  au vu des dernières statistiques sur l’emploi, sans en être fier, ni heureux, que ces propos sont toujours d’actualité. Et nous pensons pouvoir affirmer que le chômage ne baissera pas de façon significative tant que des mesures drastiques ne seront pas adoptées.
Notre pays peut-il continuer à entretenir des clandestins dont beaucoup d’ailleurs rejettent notre civilisation, accepter que des casseurs sévissent sans grands risques, que des tricheurs bénéficient d’allocations en tous genres, qu’on conserve des niches comme le conseil économique, social et environnemental, bien utile pour caser des copains n’ayant plus de mandat électoral, ou maintenir à leur  niveau  les nombres de députés et de sénateurs ?
Des économies, le pays peut en faire, mais encore faut-il une volonté politique en ce sens.

                                                                                                                                                       – par  Pierre  ESPOSITO
Ancien bâtonnier du barreau de PAU

Denys de Béchillon devant l’UDI.

imagesBien connu à Pau et sur le plan national, Denys de Béchillon que notre publication a eu l’honneur de rencontrer par le passé, est professeur à la faculté de droit de Pau et agrégé de droit public. Dans le domaine constitutionnel, par ses réflexions, il a acquis plus qu’une réputation, il est certainement une référence. Le mardi 25 novembre 2014, invité par l’UDI locale, il planchait sur les sujets suivants : réforme de nos institutions, non cumul des mandats, vote à la proportionnelle.

 En préliminaire, un certain nombre de constats s’imposent :

  • 82 % des personnes interrogées estiment que les politiques n’agissent pas dans l’intérêt des Français,
  • 96 % des Français sont contre le cumul des mandats,
  • La réforme des institutions ne réglera pas les problèmes actuels,
  • Il n’y a pas actuellement de majorité des 3/5ème au parlement pour engager une réforme de la constitution.
  • Le mode de scrutin pour l’élection des députés n’est pas inscrit dans la constitution mais relève du domaine de la loi.
  • Actuellement pour une réforme des institutions, nous ne disposons pas d’argent ni de consensus politique.

Sur les institutions en premier lieu.

On entend parler de la VIe République. La constitution de la Ve République ne mérite pas la critique qui lui est faite actuellement. Il s’agit de la meilleure constitution que nous n’ayons jamais eue. C’est sans doute la meilleure du monde. Grâce à elle nous sommes sortis d’un grand nombre de difficultés sans crise institutionnelle majeure. La guerre d’Algérie, mai 68 et plus récemment la crise que nous connaissons encore aujourd’hui. Elle permet un certain nombre d’adaptations dont la cohabitation. Cette cohabitation n’est d’ailleurs rien d’autre que la volonté des Français.

Quand on touche aux équilibres constitutionnels  on ne sait jamais à l’avance ce que l’on fait et où l’on va. En matière constitutionnelle il faut en faire le moins possible autrement nous risquons l’aventure constitutionnelle.

La réforme de 2008, voulue par Sarkozy, a eu comme objectif de renforcer le pouvoir parlementaire. Le projet de loi  porte sur le texte de la commission et plus sur le texte du gouvernement. Autrefois de Gaulle avait voulu qu’un projet de loi émanant du gouvernement soit discuté en commission et qu’ensuite ce soit le texte du gouvernement qui soit soumis au débat de l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, c’est le texte de la commission qui est soumis au vote des parlementaires. On s’aperçoit que c’est probablement une catastrophe. Le pilote ne peut pas être quelqu’un d’autre que le gouvernement. On a maintenant des textes qui sont mauvais, cela ne marche pas bien.

Enfin toujours sur la constitution, Denys de Béchillon considère que la réduction  du mandat présidentiel du septennat au quinquennat est une erreur. On ne reviendra pas en arrière par référendum; il n’est pas envisageable que les  électeurs veuillent augmenter la durée du mandat d’un président dont la cote de popularité est aussi faible.

Sur le cumul des mandats.

La règle du non cumul des mandats sera donc en vigueur en 2017. Elle présente certains avantages parmi lesquels, les parlementaires seront des spécialistes plus présents.  Mais elle présente aussi des effets pervers. Il y aura un découplage avec les sénateurs, sur le plan pratique cela ne peut pas bien marcher. Un député ne pourra pas avoir un autre métier ce qui interdira le cumul professionnel. Par contre s’il est fonctionnaire, il sera protégé car assuré de retrouver son emploi à la fin de son mandat. Autre conséquence un député soumis au non cumul aura comme préoccupation essentielle sa réélection, celle-ci deviendra vitale car sa seule source de revenus. Il lui faudra donc être soumis à son parti s’il veut obtenir son investiture. Le clientélisme apparaîtra. Egalement son temps de présence locale sera en concurrence avec sa présence nationale.

A terme nous risquons de voir apparaître une homogénéisation des parlementaires. Les origines professionnelles seront moins diversifiées, ce qui n’est pas bon. On trouvera principalement des fonctionnaires et d’anciens attachés parlementaires.

Alors on parle du statut de l’élu. Il s’agit dans le projet d’un statut protecteur mais on ignore son contenu. Les français se méfient à ce sujet surtout à une époque de défiance  vis-à-vis du monde politique.

Le scrutin proportionnel.

Denys de Béchillon l’affirme : «  J’aime le scrutin majoritaire, il permet stabilité et pérennité ». Il conçoit bien sûr que pour les centristes ce système soit pénalisant. Le scrutin majoritaire c’est très bien lorsqu’on a une majorité. Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas de majorité. On peut imaginer une coalition comme en Allemagne et en Angleterre. Mais, il le redit, il ne croit pas que la constitution de la Vème république soit compatible avec la proportionnelle. Avec une proportionnelle à 50 % il est certain de ne pas disposer d’une majorité. Sous la troisième et  la quatrième République, l’instabilité gouvernementale tenait à la proportionnelle. Par ailleurs cette proportionnelle, n’est pas à son avis, compatible avec l’élection du Président de la République au suffrage universel.

                                                                                               Pau, le 29 novembre 2014

                                                                                               Par Joël BRAUD