J 33 et 34 – La leçon du Vignemale

Face Nord du Vignemale depuis le refuge de Gaube
Face Nord du Vignemale depuis le refuge de Gaube

En quittant le refuge La Grange de Holle (1495), situé au-dessus de Gavarnie, « la mule et son intello », accompagnés d’Iñigo, ont un objectif simple : remonter la vallée d’Ossoue qui conduit au refuge de Bayssellance (2651). Pour l’intello, qui a déjà parcouru cette longue vallée pour « faire le Vignemale », c’est un peu comme s’il se retrouvait chez lui. Rien de bien nouveau pour exciter sa soif de découvertes.  

Le jour suivant, il en sera de même pour le trajet entre le refuge des Oulettes de Gaube, au pied du Vignemale, et les cols des Mulets et d’Arratille avant de descendre vers Pont d’Espagne, terme de la traversée des Pyrénées centrales 2015. « Business as usual ! » diraient les anglo-saxons.

Pendant qu’Iñigo est tout à la découverte de la « langue frontale » du Glacier d’Ossoue et du Petit Vignemale, l’intello, lui, ne fait que parcourir les 40 kilomètres de ces deux dernières journées de traversée. Il n’est pas fatigué. Il avance. L’excitation de nouveauté n’y est pas. Il connait déjà. C’est presque frustrant.

Pendant 18 jours, à chaque instant, du lever au coucher du soleil,  tout était objet de curiosité, de coup de cœur, d’extase quelques fois, comme lors de l’étonnante découverte, par au-dessus, du canyon d’Aniscle ou, celle du massif de la Maladetta depuis le col de Mulleres.

Sous le Vignemale, les sentations sont éteintes, même si sa vue depuis le refuge des Oulettes reste un grand moment visuel. La leçon du Vignemale est là : ce qui fait avancer le « traverseur » des Pyrénées, c’est un désir, jamais éteint, de découvertes. Derrière chaque nouveau virage, chaque nouveau sommet, chaque nouveau col ou fond de vallée, se cache une part de rêve, de beauté, d’excitation dont l’homme a tellement besoin.

La traversée des Pyrénées, c’est un peu une antidote à la routine. Cette routine qui endors les capacités, d’observations et de réflexions, de l’Homme.

Ce besoin d’antidote a sa traduction dans un constat : l’intello n’a jamais croisé un randonneur faisant pour la seconde fois la traversée. Ce serait entrer dans la routine. Tout au plus, a-t-il vu des Suisses faire la traversée des Pyrénées une seconde fois mais… en sens inverse ! Avez-vous déjà rencontré un pèlerin faisant deux fois Saint Jacques-de-Compostelle par la même voie ? L’Homme et ses excitations visuelles !

De la montée à Baycellance, les deux randonneurs et leur fidèle mule retiendront qu’elle fut champêtre pendant un long moment. Au lieu-dit du « pont à neige », changement d’ambiance : Un gros névé couvre le gave des Oulettes. Un troupeau de moutons y prend le frais, à moins que cela ne soit une tentative pour tuer les parasites qui se logent sous leurs sabots.

Frigidaire ou tue-parasites ?
Clim ou tue-parasites ?

Plus haut, l’équipe laisse, à sa gauche, l’embranchement qui conduit vers la grotte Henry Russell, le glacier d’Ossoue et finalement au Vignemale. Arrivée, quelques minutes plus tard, au plus haut refuge de la chaîne pyrénéenne : celui de Bayssellance situé à 2651 m. Un refuge cosy à l’intérieur avec une magnifique vue, non pas sur le Vignemale, mais sur… le massif de Gavarnie, au fond de la vallée. Pas de douche, ni chaude, ni même froide. Repas de cantine. Bonne nuit dans un dortoir pour 4.

Le lendemain, passé le col de la Hourquette d’Ossoue, c’est la descente vers le refuge des Oulettes de Gaube. Café sur place et, séance photo avec la face nord du Vignemale en toile de fond. Un grand classique. Montée au col des Mulets pour la belle traversée qui le relie au col d’Arratille dans un univers 100% minéral. Derrière le col, la descente sur les lacs d’Arratille et le refuge Wallon marque la fin de la traversée des Pyrénées, en commun, d’Iñigo et de l’intello.

Iñigo, réplique du « basque bondissant », décide de ne pas s’arrêter au refuge Wallon et de faire « deux étapes en une ». Il doit aller jusqu’à Hendaye. Il lui reste 12 étapes. Il les réduira à 7 ! Après de chaleureux abrazos, Iñigo file vers le col de la Fache et le refuge de Respumoso. La mule et son intello le regardent s’éloigner. En 2016, ils partiront aussi dans cette direction.

Bonne surprise, Iñigo parti, c’est MaryMar, femme de l’intello, qui arrive à Wallon. Deux basques de Bilbao viennent de se rater de quelques minutes. De nouveaux abrazos et descente vers Pont d’Espagne pour terminer la traversée 2015 par une dernière étape de près de 25 kilomètres. « La mule et son intello » sont maintenant bien rodés !

– par Bernard Boutin

PS : Pour la « petite histoire » : à l’arrivée, sur la balance, la mule a perdu 2 kilos après la traversée des Pyrénées centrales. En 2014, pour les orientales, elle en avait gagné 2. Tentative d’explication : L’étape moyenne 2014 était de 20,3 km pour 1059 m de dénivelé. En 2015, elle est de 16,8 km pour 1080 m de dénivelé. Les Pyrénées centrales sont plus raides. On le savait déjà !
Il y a aussi plus de gîtes, aux menus « bio » ou gastronomiques, dans les Pyrénées orientales que dans les centrales où les menus des refuges rappellent bien souvent ceux de cantines ou de cafétérias de périphérie des villes.

Nota :
– Le verdict du GPS :
J 33 La Grange de Holle – Refuge de Baycellance : 3,3 k/h, 5 h 08 de marche, 7 h 03 de rando, 17,1 km parcourus, 1361 m de dénivelé positif
J 34 Baycellance – Pont d’Espagne : 3,5 k/h, 6 h 54 de marche, 9 h 55 de rando, 24,2 km parcourus, 709 m de dénivelé positif
–  Les précédentes étapes de la traversée des Pyrénées, d’est en ouest, pour  la « mule et son intello » : c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin

J 32 – Passage de la Brèche de Roland

Le cirque de Gavarnie
Le cirque de Gavarnie

Après avoir fait la queue pour le petit déjeuner, la cuadrilla quitte le refuge de Goriz sans regret. Une usine, ce refuge ! Un très beau lever du soleil sur le Mont Perdu (3355) et un univers minéral au col de Millares, le font vite oublier. Asmosphère Atlas pour démarrer la journée.

Au col, spectacle inédit : 4 izards tournent en rond dans le sens des aiguilles d’une montre, chacun de son côté, en léchant le sol fait de gravillons fins pour se nourrir de sel. Ils dessinent des cercles presque parfaits. De temps à autre, les izards changent de cercle et passent à celui du voisin !!! Un beau spectacle, vu de trop loin pour faire des photos précises. Dommage.

Etape suivante : passer au-dessus du col du Descargador. La fausse brèche et le Taillon (3144) apparaisent à l’horizon. Le cirque de Gavarnie n’est plus loin. La trace tourne en direction du nord-ouest et, très vite, c’est la Brèche de Roland qui montre la voie.

La pente, plutôt raide, est enneigée aux environs de la célèbre grotte gelée Norbert Casteret. Toute l’équipe met les crampons à neige. Une glissade serait fatale. Passé le « Pas des Izards », la Brèche de Roland est atteinte. Une surprise attend la cuadrilla. Elle est classique : une mer de nuages recouvre la vallée au-dessus de Gavarnie. Comme si souvent: ciel dégagé au sud, couvert au nord de la chaîne !

Wikipedia raconte que « selon la légende, la Brèche fut ouverte par Roland, le neveu de Charlemagne, alors qu’il tentait de détruire son épée Durandal en la frappant contre la roche à l’issue de la bataille de Roncevaux. Voyant qu’elle ne cassait pas, il l’aurait envoyée de toutes ses forces dans la vallée et elle se serait fichée dans une falaise à Rocamadour dans le Lot.

Roland est devenu un géant et a laissé des traces de son passage un peu partout dans les Pyrénées. Il y a la Brèche de Roland mais aussi, dans la sierra de Guara, le Salto de Roldán (Saut de Roland) constitué par deux sommets, séparés par un précipice, que le cheval de Roland aurait franchi d’un bond. Il existe aussi de nombreux Pas de Roland comme celui situé entre Itxassou et Bidarray, en Pays Basque,

Au Pays Basque, l’enfance de Roland est un thème récurrent : un berger trouve un enfant nouveau-né qui tète une de ses vaches. L’enfant grandit et révèle une force phénoménale. Devenu adulte, il se fait forger un makhila de fer, « gros comme une poutre ». Il s’en va combattre les Mairiak, dans ce cas clairement désignés comme les Maures… ». Passer par la Brèche de Roland est plus qu’un acte de randonneur, c’est aussi un retour sur l’histoire agitée des Pyrénées. Qui y pense réellement ?

Durandal, à son tour, frappe au milieu de l’équipe et la divise en deux. Connie et Jérôme terminent leur « traversée des Pyrénées 2015 » par cette ultime étape. Ils franchissent la Brèche en direction du, tout proche, refuge des Sarradets puis du col des Tentes, situé au-dessus de Gavarnie.
L’intello, Iñigo et leur fidèle mule partent de leur côté à la conquête du Taillon (3144), situé au-dessus de la Brèche. C’en est fini des parties de « concombre » acharnées lors des soirées en refuge ! Chacun a maintenant un an pour peaufiner ses stratégies…

Après un passage un peu pénible, dans une neige molle, en direction de la fausse Brèche, un SMS, envoyé par Jérôme depuis le refuge des Sarradets, annonce qu’il est complet pour la soirée. A 30 minutes du sommet du Taillon, décision est prise de rebrousser chemin et descendre à Garvarnie pour aller dormir au refuge La Grange de Holle. La poisse. L’étape du jour, initialement prévue entre les refuges de Goriz et des Sarradets, devait être courte. Au final, elle sera longue avec 1443 m de dénivelé descendants supplémentaires au programme. La mule reprend le dessus !

Jérôme en avertissant le trio lui a évité une mauvaise surprise. Une initiative incertaine qui a parfaitement marché : envoyer un SMS à destination de la fausse Brèche (2944 m) ! La technologie repousse les territoires inaccessibles.

Passés la Brèche et le refuge des Sarradets, la descente par la vallée des Pouey Aspé permet de voir avec recul, mais aussi hauteur, le cirque de Gavarnie et sa célèbre chute. Vue d’en-dessous par les touristes, elle ne se dévoile qu’en partie. Dans les faits, la chute est dominée par 4 cascades qui s’enchaînent. Une découverte pour les deux randonneurs. La mule, elle, ne réfléchit pas à ce genre de chose. Elle a simplement hâte d’en finir.

Gavarnie déçoit. Une longue rue commerciale sans charme ! L’équipe ne s’attarde pas. Il est 17 h et il reste 2 à 3 kilomètres pour rejoindre La Grange de Holle qui sera le meilleur refuge de la traversée 2015 : chambre pour deux, sanitaires très propres, douche chaude et dîner fait de produits maison avec soupe de légume, confit de canard, fromage du pays, brownies. Vraiment très bien et ce qu’il fallait pour faire oublier une descente pas prévue au programme.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Goriz – Refuge de la Grange de Holle : 3,4 k/h, 6 h 58 de marche, 10 h 39 de rando, 23,5 km parcourus, 938 m de dénivelé positif
– J 32 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

 

 

J 31 – 100% d’émotion sous le Mont Perdu !

Vires de Las Olas
Vires de Las Olas

Le topo-guide est clair pour introduire ce qui attend, en hors-d’œuvre de cette 31ᵉ étape, les 4 compagnons de randonnée : « Toi, qui n’as pas connu la montée du col de Niscle, tu n’as pas connu le doute… En comparaison, l’escalade de Migouélou est une flânerie pour curistes, et le col des Mulets un sentier d’interprétation. Dès que le sentier s’élève, il passe à la verticale…* ».

L’équipe est préparée mentalement et du mental, il lui en faudra. Une montée « au ciel », tout « dret », pour passer de 1240m à 2454m. A 7h30, l’intello sent déjà le « chat mouillé », tellement il transpire. Un peu plus tard, il lui faut des essuie-glaces pour dégager les grosses gouttes de sueur qui lui tombent du front. On l’a compris l’effort est intense. Les gourdes se vident rapidement. L’eau du refuge est remplacée par de l’eau de fonte des neiges.

Pour autant, les semaines de pratique font que toute l’équipe atteint le col d’Aniscle sans difficulté majeure. Repos de quelques minutes puis départ pour le col de Los Maquis (2455), vite atteint. La deuxième difficulté du jour se présente alors : le passage des vires de Las Olas, équipées en deux endroits de chaînes. Main aux rochers à diverses reprises et, progression horizontale pendant de longs moments, à environ 2700 mètres, sous la Punta Olas (3022) qui jouxte le Mont Perdu.

Petit à petit, la vue se dégage en direction du canyon d’Aniscle. Comment une telle « tranchée », aussi profonde, a-t-elle pu se former ? Derrière le canyon, à l’horizon, de hauts plateaux descendent lentement vers l’intérieur des terres. La « meseta » espagnole. L’œil cherche au loin Saragosse et pourquoi pas Madrid ? Quelle vue ! Après trente et une étapes de traversée des Pyrénées, cet endroit est à part. Il y a de la magie dans l’air. La cuadrilla reste un long moment à contempler ce paysage exceptionnel.

Canyon d'Aniscle et la Meseta au fond
Canyon d’Aniscle et la Meseta au fond

Côté émotion, tout n’est pas terminé et loin de là ! Après la montée « verticale », les passages aériens des vires, la vue sur Aniscle, l’équipe rejoint le col Supérieur de Goriz dans une ambiance minérale rappelant l’Atlas marocain (pour l’intello), à moins que cela ne soit l’Altiplano andin (pour Connie) ou la planète Mars !

Que de changements depuis les trois derniers sites traversés ! Le cirque glacière du Portillon, les ambiances « champètres » de Viados et maintenant la minéralité des contreforts du Mont-Perdu n’ont rien en commun. Tous ensemble, ils expliquent une chose : le pluriel donné aux Pyrénées !

Passé le col Supérieur de Goriz, le refuge du même nom, n’est plus loin. Une longue traversée, presque horizontale, y conduit. Au fur et à mesure de la progression, c’est au tour du canyon d’Ordesa d’apparaître sous les yeux des randonneurs. Une nouvelle séquence émotion avec la découverte, par au-dessus, de ce canyon qui partage avec le cirque de Gavarnie le titre envié, et unique dans les Pyrénées, de « Patrimoine Mondial », décerné par l’UNESCO.

Le refuge de Goriz est atteint. A son tour, la vue s’ouvre sur la face sud du Cirque de Gavarnie. A porté de main : Le cirque de Gavarnie, le Mont-Perdu, les canyons d’Aniscle et d’Ordesa. Cet endroit est unique dans la chaîne pyrénéenne.

Pour autant, le refuge est tout, sauf à la hauteur de son environnement : des dortoirs des années 50 avec ses rangées de couchettes en bois, superposées sur 3 niveaux, des sanitaires sales, des douches froides. Il est tellement bondé que le dîner donne lieu à 2 services et qu’il faudra faire, le lendemain, la queue pour le petit-déjeuner.

Le lendemain justement, à 5h30 du matin, Iñigo et l’intello, sans se concerter, quittent leur couchette respective, avec tout leur matériel, pour aller se « réfugier » à l’extérieur et y attendre le petit déjeuner. Les dortoirs de Goriz : à vite oublier**. L’étape « 100% émotion » de la veille s’en chargera rapidement.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Pinieta – Refugio de Goriz : 2,8 k/h, 5h22 de marche, 8h03 de rando, 15,3 km parcourus, 1548m de dénivelé positif
– J 31 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– * Source : Topo-guide sur le GR11
– ** Si le refuge de Goriz ne correspond pas à ce qu’il devrait être, il faut reconnaître que le personnel est remarquable d’efficacité dans des conditions pas faciles. Merci à eux.
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

 

 

J 29 et 30 : Etapes La Soula-Viados-Pinieta : Retour dans les vallées

Viados et son charme bucolique
Viados et son charme bucolique

7h du matin : Photo souvenir de Connie, Jérôme, Iñigo et l’intello sur un « wagonnet » de la centrale électrique de La Soula. L’ambiance est à la détente. Pour 48h, la neige, les glaciers et la haute-montagne sont laissés de côté.

Pas tout à fait, car il s’agit d’abord de monter au col d’Aygues-Cluses qui est tout de même à 2700m. La neige sera discrète, à part un passage assez long et pentu sous le col. Les crampons restent dans les sacs.

La vallée d’Aygues-Cluses est intelligemment mise en valeur. Á intervalles réguliers, de sobres poteaux modernes, de forme rectangulaire, donnent des informations thématiques précises. Ils sont répartis, dès la sortie du bois au-dessus de La Soula, jusqu’au col lui-même. Les thèmes abordés, gravés sur des plaques en acier, sont variés : les grands « découvreurs » des Pyrénées, les glaciers, la marmotte, le « tychodrome échelette », les amphibiens d’altitude, la mémoire des échanges entre les peuples du nord et du sud de la chaîne, la contrebande etc.

Poteau contrebande au col d'Aygues-Cluses
Poteau contrebande au col d’Aygues-Cluses

Une sortie à recommander, tout particulièrement à ceux qui connaissent peu l’univers Pyrénéen. Les autres se rafraîchiront la mémoire en relisant, par exemple, que les marmottes ont été introduites dans le massif, en mai 1948, par Marcel Couturier ou encore, découvrir le tychodrome échelette**, dit aussi « oiseau papillon ». Un bel oiseau aux ailes noires, tachetées de rouge sang, que l’on rencontre à haute altitude, voletant rapidement face aux parois rocheuses. Le tychodrome est reconnaissable de suite par l’originalité de son vol.

Tichodrome échelette
Tichodrome échelette

Pour atteindre le dernier poteau, situé au col lui-même, il faut tout de même grimper plus de 1000m de dénivelé avec un final « costaud ».

Passé le col, retour en Aragon et descente régulière, mais longue, dans le vallon d’Añes Cruces. La végétation devient de plus en plus « champêtre ». Des champs entiers d’iris accueillent la cuadrilla. La vue sur le massif des Posets, deuxième massif des Pyrénées par sa hauteur (3375m), est belle, surtout à la tombée de la nuit depuis le refuge de Viados qui lui fait face. 19h, instant de magie : Tous les randonneurs sont dehors, silencieux, à regarder les derniers rayons du soleil caresser les Posets. Un beau moment et surtout une vue magnifique pour ce refuge qui tous les soirs propose un nouveau spectacle lumineux à ses résidents.

Quant au refuge lui-même : douche à 2 euros (!), bon dîner, partie de « concombre » acharnée, chambrée de 4 très correcte. Petit-déjeuner à base de produits pré-emballés Auchan. En montagne, il ne faut pas demander la lune.

De Viados (1749m) à Bielsa (1032m), une fois sortis du bois, une longue montée attend la mule et les 4 randonneurs pour atteindre le col de Pardinas (2260m). Elle traverse des champs à l’herbe dense et haute (hauteur : mi-cuisse) qui ne se terminent jamais. Le vent fait onduler le tout. Une estive riche, vide de vie animale ! Où sont-donc les vaches et moutons ?

Pollen et parfums divers agressent les organismes. Le col de Pardinas est enfin atteint. L’air devient plus « respirable ». Le massif du Mont Perdu commence à se dévoiler : « Same, same but différent » des autres massifs que sont ceux de la Pica d’Estats, de la Maladetta, du cirque du Portillon, des Posets etc. Là-bas, demain, il faudra attaquer la redoutable montée « verticale » au col d’Aniscle qui mène au Mont Perdu.

La descente sur Bielsa se fait essentiellement sous un bois. Une bonne nouvelle car l’étape Viados-Bielsa compte 21,1 km et surtout, il fait très, très chaud : 38° au camping à l’entrée du village. Une température rare à de telles altitudes. Les organismes sont mis, à nouveau, à contribution.

A Bielsa, la « cuadrilla » rompt avec le protocole : « Dans la traversée des Pyrénées, ne jamais prendre une voiture ». D’un commun accord, il est décidé de prendre un taxi car 12 kilomètres de route sont à parcourir pour aller de Bielsa au refuge de Pinieta. Sans le taxi, l’étape du jour aurait fait plus de 33 km, et comme il fait 38°…

Une brèche acceptable pour l’intello qui, à deux reprises déjà, est reparti dans la traversée des Pyrénées en faisant des « sauts arrières », à Batère et à Aulus-les-Bains.

La chauffeur de Taxi, saisonnier roumain de Transylvanie, expliquera, lors du trajet, qu’en 3 mois de saison à Bielsa, il gagne suffisamment pour vivre « au pays », sans travailler les 9 mois restants, et ainsi s’occuper de sa femme et de ses enfants. Un retour brutal sur terre pour l’équipe !

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS :
J 29 La Soula-Refugio de Viados : 3,4 k/h, 4h39 de marche, 7h18 de rando, 15,9 km parcourus, 1084m de dénivelé positif
J 30 Viados-Camping de Bielsa : 3,5 k/h, 6h de marche, 8h04 de rando, 21,1 km parcourus, 787m de dénivelé positif. (plus Bielsa-Refugio de Pinieta : Taxi)
– * J 29 et 30 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– ** Le tychodrome échelette sur wikipedia : C’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin

J 28 – Le glacier des Gourgs Blancs : Tout schuss du Luchonnais vers la Bigorre !

Glacier des Gourgs Blancs
Glacier des Gourgs Blancs

Au refuge du Portillon, des randonneurs viennent de rebrousser chemin alors qu’ils tentaient de rejoindre le refuge de La Soula. Motif : ils n’ont pas pu passer le gave de Caillauas, gonflé par la fonte de neiges. L’endroit se trouve juste sous le lac des Isclots (2398m). Problème : il s’agit de notre prochaine étape !

Bloqués, les randonneurs ont dormi sur place avant de revenir au Portillon le lendemain. Inquiet de ne pas les voir arriver pour la soirée, le gardien de La Soula a même alerté la protection civile qui est venue vérifier, en hélicoptère, ce qui se passait…
Une information qui inquiète Connie, Jérôme, « la mule et son intello », ainsi qu’Iñigo, Basque de Guernica, qui fait seul la traversée intégrale des Pyrénées de Banyuls à Hendaye. Vu les incertitudes du lendemain, il décide de se joindre à la « cuadrilla » pour cette nouvelle étape à la saveur incertaine.

Tout démarre très bien avec une montée facile au Tusse de Montarqué (2889m) et au col du Pluviomètre (2874m) situé à côté. A 360°, la vue est belle. Le soleil achève de se lever sur un univers de neige et de glaciers. Il y a partout des « 3000 ». Ils sont à portée de main.
La neige est omniprésente. Bien tassée, elle ne pose pas de problème dans la progression qui évolue, entre les cotes 2800 et 2900 mètres, en direction du col des Gourgs Blancs (2879m). Au col, vers l’ouest, le glacier des Gourgs Blancs**et les névès descendent d’une façon ininterrompue jusqu’au lac du Milieu (2510m). Ramasse à nouveau. Du plaisir, que du plaisir ! Tout schuss du Luchonnais vers la Bigorre.

Toute l’équipe avance à un bon rythme. Le lac des Isclots (2398m) est rapidement atteint. Chacun est impatient de découvrir le ruisseau de Caillauas qui a bloqué les randonneurs. Arrivé sur place, sa traversée ne semble pas compliquée même si le niveau d’eau est élevé. Petit exercice d’équilibre pour sauter de pierre en pierre. Les batons sont une aide très précieuse. Le ruisseau est passé. Aussi simple que cela !
La veille, les randonneurs ont-ils trouvé un niveau d’eau supérieur ? Ils sont arrivés tard,  vers 17h. Ce matin, la cuadrilla y est à 11h. La fonte des neiges est probablement inférieure à cette heure-là…
Après un ultime passage enneigé pentu, le lac des Caillauas (2160m) est en vue. Les premiers « juilletistes » sont là. La montagne devient « touristique ». Le refuge de La Soula est rejoint à 14h30 (1686m). Une étape bien menée.

Le refuge est installé dans un bâtiment de la SHEM (Société Hydroélectrique du Midi) qui a construit, à la confluence des Nestes (gaves) de Caillaouas et de Pouchergues, une centrale, mise en service en 1940. La « bande des 4 » vient d’arriver en Bigorre, dans le Val Louron. La mule sent l’écurie approcher. Elle est béarnaise.

Le refuge est un rien « kitch ». Une construction des années 30. WC sur les paliers, face aux escaliers en bois. A la cave, pour laver le linge, d’énormes bacs en ciments d’une autre époque sont à notre disposition. Efficace. Bonne douche chaude, dortoirs très propres et surtout excellent dîner fait de garbure bigourdanne (absolument pas différente de la béarnaise!), de saucisses de canard accompagnées de pâtes, particulièrement bien épicées, et de compote de pomme. Il y aura même du rab de saucisses et de garbure. Une première dans un refuge pour des plats autentiques et non des conserves réchauffées. Pain d’épice au petit déjeuner : un détail de plus. Bravo.

Un bémol toutefois : Des « escadrilles » de mouches envahissent la salle à manger. Elles sont vraiment trop nombreuses pour espérer pouvoir les chasser. Dommage.

Autour d’une agréable découverte locale, la « BIGOURD’ALE », Connie, Jérôme, Iñigo et l’intello finissent la soirée en jouant aux cartes. Au « concombre », plus exactement. Un jeu parfaitement maitrisé par les « Ariègois de l’étape » (Connie et Jérôme), où l’on gagne si l’on ne fait pas le dernier pli. Ils taillent des croupières au basque et béarnais-intello qui ont du mal à piger les arcanes du jeu. Prendront-ils leur revanche à la prochaine étape ?

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Portillon – La Soula : 3 k/h, 4h36 de marche, 6h58 de rando, 13,9 kms parcourus, 721m de dénivelé positif.
– * J 28 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– ** Gourg, gorga en occitan a le sens de « lac profond ». On trouve au pied du pic, sur son versant espagnol, les lacs des Gourgs Blancs. On les appelait Gourgs Blancs à cause de leur couleur d’un bleu laiteux.
Source : https://fr.wikipedia.org
– Crédit photo : Bernard Boutin

 

 

Gave de Remuñe et sa canolle

La mule et l’intello* – Col de la Litérole : Le sifflement rageur de la Balaguère !

Gave de Remuñe et sa canolle
Gave de Remuñe et sa canolle

Le 27è jour de la traversée des Pyrénées, de Banyuls à Hendaye, démarre sous le refuge de Renclusa, à l’Hôpital de Bénasque (1740m) qui est en réalité un (bon) hôtel ! La veille, l’intello y avait conduit sa mule dans l’espoir de trouver sur place, ou à Bénasque, de quoi remplacer son appareil photo perdu lors de l’étape précédente. Sans succès. Il décide donc d’utiliser l’ipad-mini malgré son « encombrement ».

L’étape de la journée consiste à monter très régulièrement dans l’étroit et sauvage vallon de Remuñe pour atteindre le col du même nom (2827m), longer le beau lac « Blanc de Literola » pour arriver au point haut de la journée, le col inférieur de la Litérole, qui malgré son qualificatif est tout de même à 2924m d’altitude.

Le sentier démarre, dans la forêt, par un marquage de traits de peinture rouge/blanc, qui, à certain moment, devient blanc/blanc et à d’autre vert-pâle/vert-kaki ! Pour finir, il sera marqué de ronds rouges et, vers le col, il n’y aura plus que quelques cairns. Réalisés par des randonneurs de passage, on n’est jamais certain de la destination qu’ils souhaitent leur donner. Rien ne vaut un marquage uniforme, bien identifié dès le point de départ, ce qui est rare. Le GPS vient alors en aide pour éviter de se tromper de direction.

Rapidement la forêt laisse la place à de petites clairières qui longent le gave de Remuñe. La neige apparaît. Les clairières disparaissent. Une langue de neige finit aussi par couvrir totalement le gave. Elle occupe le fond d’une longue canolle encaissée qui monte tout droit. L’intello y mène sa mule en prenant bien soin de progresser sur les extérieurs enneigés de la canolle. Au centre, un pont de neige pourrait s’effondrer dans le gave et l’équipage se trouverait immédiatement emporté par la violence du courant. Prudence extrême. La pente est forte mais les crampons ne sont pas sortis. La neige s’enfonce légèrement. Le risque de glissade est minime. Un bel exercice d’attention et de précision que de monter cette canolle !

Arrivé au col de Remuñe, l’espace s’ouvre et la neige devient omniprésente. La mule et son intello retrouvent Connie et Jérôme partis plus tôt. Pause, regroupement et départ pour le col. La montée est en effet loin d’être terminée.

Alors que l’équipe longe le lac « Blanc de Literola » (2760m), encore très largement pris par les glaces, un vent fort commence à se lever. Venant du sud, il a tendance à pousser nos compères ce qui est plutôt bienvenu ! Au fur et à mesure qu’ils approchent des cimes, celui-ci monte en puissance. Il devient désagréable et prend un malin plaisir à tourner autour des trois randonneurs qui doivent s’arc-bouter sur leurs bâtons pour ne pas être emportés. La mule est plutôt « cool ». Elle est solidement installée sur ses 4 pattes. Au col inférieur de la Litérole (2924m), poussé par les bourrasques de vents, personne n’a le temps, ni l’envie de s’attarder pour contempler le lac du Portillon en contre bas. Le vent fait même vaciller la mule. D’un même élan, poussé par les rafales, tout le monde bascule sur la face nord du col et commence à dévaler en ramasse les pentes enneigées.

Les bourrasques de vent accélèrent elles-aussi. Elles dévalent les pentes. La Balaguère**, vent du sud, a rattrapé les HRpistes. L’intello est envoyé « valdinguer » contre une paroi rocheuse. Plus de peur que de mal. Il est équipé de gants sans quoi les mains auraient été écorchées. Chacun marche avec précaution. Un sifflement rageur précède les rafales de vent d’une demi-seconde. Il ne reste plus qu’à le repérer et s’accroupir immédiatement.
Petit à petit, l’équipe descend vers le refuge du Portillon qui est là sous eux, à côté du lac. Une descente à réaliser avec beaucoup d’attention. Le moindre faux-pas et la chute, directe jusqu’au lac, est assurée.

Le cirque du Portillon est pris dans les bourrasques, une belle et haute cascade d’eau prend son envol parmi les glaciers, sous le pic Seil de la Baque (3103m), et… n’arrive jamais au sol. Le vent balaye la chute d’eau et la transforme en un gigantesque spray. Un moment rare que d’observer cela.

Arrivé au refuge CAF du Portillon, nous nous précipitons à l’intérieur. Construit avec une architecture antisismique, il tremble sous la force des rafales de vents ! Le barrage (artificiel) est en travaux, son chef de chantier parle de rafales à 120 km/h. Le gardien du refuge de 90 km/h. Là haut au col, les 120 km/h devaient être largement atteints.

Au calme, depuis le refuge, les randonneurs peuvent contempler le magnifique cirque du Portillon où tant de pics culminent à plus de 3000 : les pics Gourdon (3034m), des Spijeoles (3065m), de Perdiguère (3222m), du Seil de la Baque etc. Orientés nord, les glaciers suspendus sont encore bien présents et les névés descendent jusqu’au lac (2550m). Le refuge propose d’intéressants tableaux explicatifs sur les glaciers environnants et leur recul inexorable. On peut y lire : « En 20 ans, les glaciers des Pyrénées ont perdu 85% de leur surface, ceux des Alpes 40% ». Triste.

Au 27è jour de la traversée des Pyrénées, c’est le site le plus « haute-montagne » qu’aura contemplé l’intello. La mule, elle, n’en peut plus. Elle rumine de rage : « Vivement le retour aux estives ! ». Bonne nuit dans un dortoir très propre. Nourriture : OK…

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Hospital de Bénasque – Refuge du Portillon : 3 k/h, 4h42 de marche, 6h36 de rando, 14,2 km parcourus, 1330m de dénivelé positif
– * J 27 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
-**Balaguère : Nom pyrénéen d’un phénomène météorologique scientifiquement connu sous le nom d’effet de foehn . Pour que l’effet de foehn se produise, il suffit qu’en Espagne une masse d’air en mouvement, vienne buter contre la barrière des Pyrénées. Elle n’a alors d’autre choix que de l’escalader. En montant cette masse d’air se refroidit et libère son humidité. Côté espagnol, il pleut. En dévalant les vallées françaises, l’air se compresse et se réchauffe sous l’effet de la pression, il fait beau et chaud. (source : http://www.pyrenees-pireneus.com)
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

La mule et l’intello* – Lever de rideau grandiose au « Coret de Mulleres » !

Col de Mulleres : la face ouest
Col de Mulleres : la face ouest

Le refuge de Conangles (1555m), avec ses chambres individuelles, aura permis une bonne nuit « réparatrice », après les longues étapes des deux jours précédents. Il le fallait bien car celle du jour s’annonçait encore plus exigeante : le tracé du GPS annonçait 1745m de dénivelés grimpants et 18 kms à parcourir ! Objectif du jour : atteindre le Col de Molières (Coret de Mulleres) à 2928 m et descendre jusqu’au refuge de la Renclusa au pied de l’Aneto.

Cette étape nous fait quitter, le val d’Aran, pas tout à fait catalan même si intégré administrativement à la Catalogne, pour entrer en Aragon, une région bien espagnole celle-là. Le gardien de Conangles : « Si la Catalogne obtient l’indépendance, nous Aranais allons alors demander l’indépendance de la Catalogne… ». Quelle « auberge espagnole » que ce pays-là !

Ces considérations mises de côté, l’univers « Mulleres » (Molières) avec sa vallée, son gave, ses lacs, ses mines, son col et son Tuc (pic) attend de pied ferme « la mule et son intello », Connie et Jérome. Le départ se fait dans des estives à l’herbe haute et épaisse, extrêmement fleuries. Les troupeaux (2000 bêtes) doivent arriver dans quelques jours. Le printemps nous offre ce qu’il a de plus beau : Une profusion d’odeurs, de couleurs, d’insectes. On est le premier juillet !

La progression régulière, le long du gave de Mulleres, nous fait atteindre la forêt, la traverser pour enfin atteindre un premier lac. Il y en aura trois autres. Au fur et à mesure que nous montons, ils sont plus gelés et couverts de neige. Une neige bien tassée qui s’enfonce légèrement sous nos pas et facilite la montée. Avec un tel enneigement, il est difficile d’imaginer que l’on est en été. Au sud proche, à Lérida et Saragosse, les températures flirtent avec les 40°.

L’endroit est beau et très sauvage. Les crêtes, du cirque qui nous dominent, sont ciselées comme de la dentelle. La pente est de plus en plus raide. Elle atteindra les 45° sous le col qui est atteint par un passage d’escalade facile.

La longue montée pour le col, la concentration nécessaire pour traverser des névés recouvrant des éboulis de pierre – attention au pont de neige qui s’enfonce sous le poids du randonneur- , tout cela ne nous prépare pas au choc qui nous attend. A peine nos mains nous hissent au-dessus de la ligne de crête, effilée comme un lame de rasoir (enfin, presque…), à peine l’escalade finale terminée, alors que nous avions le nez collé à la pente, voilà que s’ouvre soudainement devant nous une vue grandiose vers le Massif de la Maladeta et l’Aneto (3404m), le seigneur des lieux. Un lever de rideau à vous couper le souffle. Un moment inattendu, magnifié par la concentration qui le précédait. Un grand souffle d’air nous frappe alors : 1500 m de dénivelés montants viennent de s’achever. L’esprit peut enfin se libérer.

Sous nous, vers l’ouest, les pentes ne sont que neige, rochers et gaves en cascades. Piolet à la main, nous faisons de la « ramasse » pour rejoindre la vallée qui est encore loin. A vouloir aller trop vite, à vouloir prendre des photos pour immortaliser ces lieux, ces instants de bonheur, l’intello en oublie -où ?- son appareil photo. A moins que cela ne soit la bandoulière qui se soit détachée ? Il remonte. Cherche dans la neige, les rochers, le long des gaves en furie. Rien n’y fait. De cette journée, l’intello n’aura pas de photos souvenir. Mais, tout est bien gravé dans sa tête. Quant à l’appareil, c’était un Fujifim X20. Un bon outil. Si vous le voyez , sous le Col de Mulleres, versant ouest…

Pour les étapes suivantes, l’intello en sera réduit à utiliser la fonction « photo » de son ipad-mini. Pas pratique à utiliser car, conservé dans le sac à dos, il faut chaque fois ouvrir celui-ci pour le sortir et prendre des photos qui au final « tiennent tout à fait la route ». Connie propose alors les photos, faites avec son portable, pour illustrer cette étape. Heureusement. D’ailleurs, ses photos compléteront aussi celles des étapes suivantes. Son œil voyant des détails différents, cet apport enrichit la « mule et l’intello ».

La descente reprend, avec un intello de bien mauvaise humeur. La mule le sent. Arrivé au plat d’Aigualluts, la fonte des glaciers de la Maladetta gonfle les gaves dans de telles proportions qu’il n’est pas possible de couper par l’ouest le plat et monter directement vers le refuge de la Renclusa. La mule, l’intello, Connie et Jérome sont contraints de descendre jusqu’au chemin qui mène de la Bersuta au refuge. Un détour, pas obligatoirement bienvenue, sauf qu’il passe par le Forau d’Aigualluts, le fameux Trou du Toro. Un caprice géologique rare d’un diamètre de 70 m et d’une profondeur de 40. A cet endroit s’engouffre, dans un vacarme assourdissant, l’eau qui descend de la Maladeta. Il y en a beaucoup ce jour-là. Il fait très chaud. Le fonte est rapide. Le lieu est étonnant à voir.  L’eau réapparaît 4 kilomètres plus loin, dans le val d’Aran, à l’Uelhs deth Joeu (l’œil de Jupiter) et coule alors vers la France. La Garonne tient donc sa source en Espagne, sous l’Aneto. Tout ce territoire devrait être français, la ligne de séparation des eaux étant théoriquement la frontière entre la France et l’Espagne.

Après une remontée de 30 minutes, le refuge est atteint. Il est complet. C’est le point de départ pour l’Aneto. Ce soir, les « croquetas » seront excellentes et un calendrier de la Guardia Civil est affiché à l’accueil du refuge. La mule et ses trois compagnons viennent enfin d’entrer… en Espagne !

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
J 26 Conangles – Refugio de la Renclusa : 3,3 k/h, 6h50 de marche, 11h06 de rando, 22 kms parcourus, 1818m de dénivelé positif
– * J 26 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Connie Mayer et Patrick Gourinel (pour le panorama vu depuis le col de Mulleres)

La Maladeta vue depuis le Col de Mulleres
La Maladeta vue depuis le Col de Mulleres

 

 

 

Lac de Ratera de Colomers

La mule et l’intello* – Hors-piste aux Encantats : Que du bonheur !

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Lac Tòrt de Rius

Deux jours pour traverser les Encantats. Première étape : rejoindre le refuge « Ventosa i Calvell » en coupant au-travers du Parc National. Pas de sentier, ni de cairn ou de marque de peinture, pendant une grande partie de la journée. Des lacs partout, souvent encore gelés, beaucoup de rocher et de neige. Un décor très sauvage et bien peu champêtre.

Belle montée au Port de la Ratera, puis au rocailleux Tuc (pic) de la Ratera (2864m). Vue magnifique depuis ce bevèdère. Là, les choses se compliquent puisqu’il faut descendre, face à l’ouest, sur une pente raide où les cailloutis n’attendent qu’une chose : filer sous les pieds. Le beau temps rend la descente plus simple. Les bâtons aussi. La neige prend la suite des éboulis et finalement de lac de la Ratera de Colomèrs est atteint. Il est encore partiellement gelé. Des izards nous observent.

Passé le lac, un premier col est atteint. Il conduit au lac « Deth Port de Colomèrs ». Nous y rejoignons un groupe de randonneurs français. Seules personnes que nous croiseront de la journée. Il arrive du refuge de Colomèrs, situé au nord, et fait juste un aller et retour au lac. Dialogue à 2431 m d’altitude :
– « Nous allons au refuge Ventosa i Calvell  et pensons y être à 15h ».
– « Voilà qui est prétentieux ! » réplique du tac au tac une dame (âgée) du groupe.
Etre traité d’ambitieux, quel drôle de qualificatif en ces lieux !
– L’intello lâche alors : « Ambitieux, c’est possible. Mais certainement pas prétentieux ! »
Nous serons en fait au refuge à 16h. Elle savait de quoi elle parlait.

La montée vers le col de Colomèrs (2600m) est le prochain objectif. Le soleil est haut. Il fait très chaud. Les gourdes se vident à toute vitesse. Les deux litres chargés dans les sacs au départ ne suffisent pas. Nous remplissons les gourdes dans les gaves ou les résurgences. Il s’agit principalement d’eau de fonte des neiges. Elle est froide. Il n’y a pas grand risque quant à sa qualité d’autant plus qu’il n’y a ni vache, ni brebis dans les parages. Boire « à la source » deviendra une constante pour la mule comme pour son intello.

D’une façon plus générale, il y a très peu de troupeaux dans cette partie des Pyrénées. Le pastoralisme est bien plus vivant dans la partie française des Pyrénées. Conséquence : durant la traversée des Pyrénées centrales, pas un refuge espagnol ne nous proposera de « fromage du pays » alors que tous les refuges français le feront !

Passé le col de Colomèrs, la descente conduit aux lacs de Colieto et rejoint le circuit de « Carros de Foc » qui amène au Refuge Ventosa i Calvell (2220m). La mule est fatigué par le hors-piste d’une grand partie de la journée.

Du refuge, on retiendra qu’il est en excellent état. Il a été réaménagé récemment. Avec un unique lavabo pour environ 60 places, une douche froide et des WC à la turc, le service est minimum et il est clair que l’espace est réservé pour ce qui est payant : la salle à manger pour les repas et le dortoir pour les nuitées. Un refuge complet ce soir-là. Un autre effet de « Carros de Foc ».

L’étape suivante continue à traverser le « pays des 1000 lacs ». Rien que pour atteindre le corret d’Oelhacrestada (2521m), à un heure de marche du refuge, le sentier longe les lacs de Travessani, de Clot, des Mangades et des Monges. Longue descente ensuite vers le refuge de la Restanca (2015m), face à son lac -bien entendu- où un « coca » requinquera la mule. Un coca nécessaire car la journée est loin d’être terminée. Remontée ensuite à la Collada Lac del Mar (2497m) après avoir longé le lac du même nom. Aussi grand que la mer!

Un parcours de « montagnes russes » : Départ 2220m, montée à 2521m, descente à la cote 2015, remontée à 2497m pour entreprendre une descente jusqu’au refuge de Conangles : 1006m. Une descente de 1500m de dénivelé tout de même qui se cumule aux 506m entre Oelhacrestada et Restanca. Plein les « pattes » en fin de journée avec, en prime, 23,1 kms de parcourus.

A partir de la collada Lac del Mar, les lacs vont encore continuer à se succéder : Lac Tort de Rius et lac de Rius. A noter le casse tête des noms : les lacs s’appellent « estanh » en Catalogne. Comment s’appellent les étangs ? Quand aux cols, c’est encore moins clair : Collado, corret, port, colh…

Tous ces lacs, n’ont qu’une chose en commun : le nom de « estanh ». Pas un ne se ressemble par sa forme, la couleur de son eau, les reflets qu’on y voit, les paysages qui les entourent. Ce qui les rend unique, c’est leur origine glacière et leur altitude. La terre n’en a pas encore pris possession. La boue en tapisse rarement le fond. L’univers est de roche. Les cailloux, qui s’y reflètent, sont souvent multicolores. Chacun est tout simplement beau.

Passé le lac de Rius, la (très longue) descente vers le val d’Aran débute. Au bas, le tunnel de Vielha et le refuge de Conangles. L’ambiance est tout autre : forêt en haut, estive en bas. C’est la fin des « enchantés ». Une région où l’oeil vibre à chaque instant tant les paysages sont beaux, éclairants, enthousiasmants.

Les Encantats, ils faut (se) les chercher mais ils sont tellement uniques que l’on en oublie très vite l’effort nécessaire pour les découvrir. A faire et à refaire !

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
J 24 Amitjès – Refugi Ventosa i Calvell : 2,6 k/h, 5h30 de marche, 9h05 de rando, 14,5 kms parcourus, 952m de dénivelé positif
J 25 Ventosa i Calvell – Refugi de Conangles : 3 k/h, 7h40 de marche, 11h10 de rando, 23,1 kms parcourus, 1006m de dénivelé positif
– * J 24 et 25 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin