C’est toujours pareil en matière de sécurité routière, lorsqu’on met en place des moyens de répression renforcés on provoque la désapprobation de nos concitoyens. Un sondage le démontre, la grande majorité se dit opposée à l’installation de 111 radars supplémentaires dits « double sens ». Et pourtant il faudra en passer par là pour lutter contre une insécurité routière qui repart dans le mauvais sens.
Les arguments développés par ces opposants aux contrôles renforcés sont particulièrement significatifs de l’état d’esprit d’un certain nombre. Heureusement que tous les conducteurs automobiles ne sont pas du même acabit, ce serait à désespérer de tout. Passons en revue les différentes attitudes :
Il y a l’égocentrique qui dit que ces radars sont trop nombreux et que les infractions au code de la route qu’ils relèvent ne sont, pour la plupart, pas justifiées. Ben voyons, celui-là il nous réédite le code de la route, toujours à son avantage évidemment. Il s’agit d’un spécimen qui a décidé une fois pour toute que la route ne se partage pas et qu’elle lui appartient à lui tout seul.
Il y a le fiscaliste qui laisse entendre à demi-mot – ou plus exactement à plein mot – que l’État n’a qu’une seule préoccupation, remplir ses caisses et non améliorer la sécurité routière. Et si c’était vrai, il n’y aurait pour ceux qui ne commettent pas de fautes que des avantages. Si les amendes payées par les contrevenants permettaient de ne pas augmenter les impôts des respectueux des règles. Il vaudrait mieux ça que l’inverse. Supposez une seconde qu’on demande à ceux dont le comportement est exemplaire de payer pour ceux qui ne respectent rien.
Il y a le prétentieux qui affirme haut et fort à qui veut bien l’entendre, que, lui, à une vitesse de 150 km/h, est bien moins dangereux qu’un conducteur occasionnel qui ne dépasse jamais le 110 km/h (sur autoroute bien sûr). Ce beauf, qui possède une haute opinion de lui-même – il est le seul – n’a pas encore compris et ne comprendra jamais sans doute, que plus la vitesse est élevée plus les conséquences corporelles d’un accident sont graves. Il y a là une logique qui lui échappe. Et alors si en plus vous lui dites que la principale cause d’accident est la vitesse vous provoquez chez lui une violente colère, il vous rappelle que le superman qu’il est, maîtrise parfaitement sa conduite. Enfin, un conseil, ne vous aventurez pas à vouloir lui expliquer que l’agent verbalisateur n’a pas compétence pour distinguer les supermen des autres, vous allez lui faire mal.
Il y a le docte, une sorte de monsieur je sais tout qui en sait plus que les autres ; il estime que c’est sûrement par erreur qu’on ne lui a pas demandé son avis. Selon lui les radars sont mal positionnés. Il faudrait les mettre dans des zones accidentogènes, et en tout cas pas là où ils ont été placés. Cet intelligent n’imagine même pas qu’il y a des gens qui sont payés pour analyser les accidents, leurs causes et établir des statistiques. Mais promis juré, comme ils sont quelques milliers à appartenir à cette catégorie, la prochaine fois on organisera un vote.
Il y a le brimé, celui qui a dû être verbalisé souvent et qui y voit une injustice flagrante. Les autres ne sont jamais réprimés eux, tandis que moi… La justice est aveugle, c’est bien connu sauf que certaines statistiques, encore elles, font ressortir que chaque conducteur, même le plus respectueux du code, commet en moyenne une faute de conduite, plus ou moins grave, tous les cent kilomètres. La répression est donc un filet aux mailles très larges, si l’ont rapporte cette donnée au nombre des fois où il est verbalisé.
Il y a également le faux-cul qui laisse entendre que la dissuasion serait plus grande si le délai entre a commission de l’infraction et la réception de la note était plus court. Il se dit outré que ce délai puisse atteindre quinze jours (il est en réalité de quatre à cinq jours). Les forces de l’ordre devraient donc interpeler immédiatement. Il est pour la flagrance. Il ignore ou feint d’ignorer ce malin qui n’abuse personne, que si l’on devait mettre des gendarmes à la place de chaque radar les effectifs seraient un peu justes. En réalité ce qui lui déplaît dans le système automatique c’est qu’il est impossible de négocier avec une machine. Petit filou va…
Enfin il y a le beauf, avec son côté malhonnête et tricheur qui, lorsqu’il commet un excès de vitesse, déclare ensuite que c’était sa femme, ou sa belle mère qui était au volant, histoire de ne pas perdre la totalité de ses points. Un exemple celui là, le pire c’est que ça marche.
Passons sur celui qui s’étonne que l’on puisse construire des voitures capables de rouler à 210 km/h alors que la vitesse est limitée sur nos routes. Celui-là doit considérer que ce n’est pas lui qui appuie sur l’accélérateur mais le constructeur.
Passées ces « beauferies » de bas niveau, il faut rappeler que dans les années 1970, le nombre de tués sur les routes dépassait les 16.000 par an. La ville de Mazamet. Actuellement ce chiffre s’élève à environ 4.000. Supprimons la « postéropodie *» et nous verrons.
Pau, le 16 septembre 2015
par Joël BRAUD
* Du grec : pous, podos, le pied et du latin posterior, l’arrière-train. Ou si vous préférez, en bon français : le coup de pied au cul. On peut aussi dire la répression.