La mule et l’intello (11) : Etape au refuge Fourcat, le plus haut des Pyrénées ariégeoises

L'étang Fourcat28 août – En Andorre, au refuge de Sorteny, le petit déjeuner est plus espagnol que français avec du « cafe con lèche » ou du « colacao » , des « magdalenas » et du « pan tostado ».  Dans le pique-nique de la journée qui nous est préparé, la présence de « manchego » (fromage de la Mancha), région bien éloignée des Pyrénées, montre à quel point le pastoralisme a disparu de l’Andorre.

Objectif de la journée : Le cirque de l’étang Fourcat et son refuge, le plus haut des Pyrénées ariégeoises : 2445 m. Départ à 7h30 pour le Port de l’Albeille (2601 m), à la frontière entre l’Andorre et l’Ariège, en passant par la station de ski andorrane d’Arcalis. Une première partie de journée tranquille jusqu’à un « rapaillon » assez raide, situé immédiatement en-dessous de l’Estany Primer.  Des touristes affluent de la station de ski tout proche. Comme toujours, il suffit de faire quelques centaines de mètres, pour qu’il n’y ait plus personne.

Le touriste est comme le mouton que nous allons retrouver plus haut : « agglutiné et suiveur ». Le randonneur, de son côté, est un personnage solitaire qui cherche le moins possible la proximité de ses pairs. La beauté des sites lui suffit.

Une fois passé les lacs Mig et Tristiana, l’intello aborde la montée au Port de l’Albeille, point haut de la journée, avec un peu d’appréhension. Un ami, dans des conditions beaucoup plus enneigées, avait connu là un accident qui lui avait valu d’être évacué. En fait, la neige est réduite à bien peu de chose. Mis à part une pente finale un peu raide et un cailloutis qui décroche, le « port » est atteint sans difficulté.

Premier réflexe : « ça passe ou ça passe pas ? ». Arrivés à une crête frontière, Jérôme et l’intello tentent d’envoyer des textos en pensant que les réseaux de portables français sont accessibles. En vain. Dommage. Cela fait bientôt 48h que nous n’avons plus de connections.

Au port, des moutons, venus de France, sont perchés sur les parois. Il est incroyable ce que ces animaux peuvent se compliquer la vie. C’est pourtant si simple d’être sur des surfaces planes ! Sous le port, à l’étang de l’Albeille, un troupeau plus grand, est installé, non pas dans l’herbe, mais sur un névé. Pas un mouton en dehors de ce périmètre. Peut-être tentent-ils de tuer des parasites introduits dans leurs sabots ? A Batère, une bergère nous avait dit que l’humidité exceptionnelle de l’été favorisait ces parasites.

Passé un étang (encore un ! celui de la Goueille), et, après une ultime petite veine rocheuse franchie avec les mains, nous arrivons en vue du très bel étang de Fourcat (2428 m). Le refuge est là. Nous n’avons, à nouveau, pas croisé une personne depuis notre entrée en Ariège. Ce soir, nous ne serons que trois au refuge. L’étape du jour n’aura fait que 15,7 kms pour 1048 m de dénivelé. Un répit pour la mule.

L’intello et Jérôme lavent leur linge. La tramontane (ou autre balaguère ?) souffle et, il sèche en un rien de temps.

Sympa, Philippe, le gardien, règle les bâtons de la mule qui ont tendance à se raccourcir quand celle-ci s’appuie dessus vers l’aval. Une situation qui pourrait s’avérer dangereuse. Faire un roulé-boulé en montagne, dans le sens de la descente, est un exercice pas recommandable.

Après une excellente daube pour dîner, coucher à 9h30 pour récupérer. L’étape du lendemain, pourrait être compliquée, s’il fait humide. Il s’agit de remonter à la crête de Malcaras (2645 m) et redescendre, après deux passages assez raides équipés de cordes, sur les lacs Picots.

Comme par hasard, petite bruine et brouillard, nous attrapent le lendemain dès la crête de Malcaras. Si la mule n’est pas à l’aise dans les cheminées,  celles-ci sont passées assez facilement, la pierre étant peu humide et donc peu glissante. S’ensuit une très longue et abrutissante descente, jusqu’au village de Marc, situé au fond de la vallée : 1650 m de dénivelé descendant ! De quoi mettre à mal les genoux qui coincent et rechignent de plus en plus.

Arrivé à Mounicou, à quelques encablures de Marc, Jérôme quitte l’intello et sa mule pour continuer sa traversée en solitaire vers le refuge de Pinet, situé au pied des 3000 ariégeois, au cœur du massif du Montcalm. Même la mule aura une larme à l’œil à voir s’éloigner l’éleveur de chevaux andalous.

A Marc, la surprise est totale pour l’équipage. Le gîte, en parfait état, est adossé à un Village Vacances, géré par l’association « Marc et Montmija« . Le diner (excellent) sera servi par du personnel stylé. Ambiance nappes blanches et verres ballons ! Un surprenant retour à la civilisation (un peu trop rapide !). Au gîte, l’intello sera seul. Une bonne nuit en vue pour la dernière étape, totalement GR 10, qui s’annonce particulièrement longue pour atteindre Aulus-les-Bains : 23,2 kms, 1316 m dénivelé montant et 1660 m descendant. Jusqu’au bout la mule n’aura pas eu de repos…

– par Bernard Boutin

Le diaporama de l’étape : C’est ICI

Les cartes des 15 étapes : C’est ICI

La mule et l’intello (10) : L’Andorre, ça grimpe… énormément !

DSCF273127 août – Depuis le refuge du Rhule en Ariège, nous devons entrer en Andorre et aller « chercher » le refuge de Sorteny pour passer la nuit.  Le topo guide nous a averti : Cette étape est « godillot rouge » avec 1370 m de dénivelé grimpant et 1800 de descendant. La mule, son intello (vous avez remarqué le possessif en cette journée) et Jérôme, compagnon d’ « échappée », feront en fait 1520 m de dénivelé en 11 h 30. Un record de temps qui fera pousser un cri de lassitude à Jérôme : « Je suis vaincu ». L’intello, plus tard, s’exclamera d’un « je ne suis pas une mule ».  Méfiance, randonner doit rester un plaisir. La mule, de son côté, se tait et endure. On ne lui demande pas de réfléchir…

Le départ, à 7h04 pour être exact, se fait dans une ambiance brume-brouillard. Nous devons, tout d’abord, atteindre l’étang de Fontargente. Les ariégeois appellent étang, ce que le reste des pyrénéens appellent lac. Va savoir pourquoi ? La montée se poursuit vers le col de Fontargente, ou col d’Inclès (2262 m) pour les Andorrans. La frontière est atteinte. A nouveau, pas de ventas, ni poste frontière. De l’herbe, des pierres. C’est tout.

Le topo-guide nous a gonflé à bloc en parlant des « bons sentiers andorrans ».  Nous plongeons dans la vallée, vers le village d’Inclès et, allons à une telle vitesse que nous ratons une bifurcation vers l’ouest. Pas de signalisation. Le coup sera rattrapé un peu plus tard, après 100 m de dénivelé descendant en plus et 2 ou 3 kilomètres de « rab » sur, ce qui était autrefois, des pâturages. Pendant les deux jours de traversée en Andorre, pas un troupeau, n’est rencontré.  Il faut de suite dire que les « pôles d’excellence » de la principauté : la finance, le commerce et les stations de ski ont fait disparaître à jamais le pastoralisme.

Inclès atteint. On découvre à nouveau la « puissance de feu » des Catalans espagnols qui ont retapé, avec beaucoup de goût, les vieilles fermes de ce fond de vallée.  Le désastre est plus bas à Andorre-la-Vieille. A Inclès, rien à redire. C’est plutôt réussi. Nous sommes redescendus à 1820 m. Pour récupérer notre erreur d’itinéraire, nous devons remonter à la Cabana Sorda (2300m),  passer près du Pic de la Portaneille (2650 m), atteindre le refuge de la Coms de Jan (2200 m) puis « filer » au fond du cirque chercher la « collada del Meners » à 2724 m.

Cette longue litanie, de lieux et d’altitudes, montre que l’itinéraire du jour ressemble assez à des montagnes russes. Récapitulatif des points hauts et points bas du jour : Départ à 2180 m, descente à 2100, montée à 2266, descente à 1820,  montée à 2650, descente à 2200, montée à 2724 pour terminer à 1980 m au refuge flambant neuf de Sorteny. Rappel du résultat des courses : 1520 m grimpants, 1700 descendants. On pourra toujours dire, qu’alterner montées et descentes est plus varié que de monter sans fin pour descendre d’un coup. A chacun sa vérité.

Si le topo-guide parlait de « bons sentiers andorrans », la mule eu souvent à faire face à de simples sentes qui montaient « tout droit » à même la pente. Même les isards ne veulent pas d’un tel traitement ! Pendant ce temps-là, l’intello, qui n’avait qu’à se pencher en avant pour ne pas tomber de sa Rocinante, pouvait apprécier un superbe paysage particulièrement sauvage et préservé.

Nous croisons deux Basques de Bilbao. Ils font le GRP d’Andorre qui, en 7 étapes, fait le « Tour de tout un pays » sur une centaine de kilomètres. Pressés, ils nous quittent pour arriver au refuge tôt.  Il y avait ce soir-là un « partido importante entre el Atletico y el Napoles ». Même là-haut, la planète foot nous poursuit.

Immédiatement sous la collada del Meners (2724 m), une vieille cabane, enfouies sous le pierrier, jouxte deux anciens gisements de fer. Des mineurs à cette altitude ! Des conditions de vie assurément extrêmement dures. Partout dans la chaine, notre équipage croisera des mines abandonnées, traces d’une époque où les Pyrénées, il y a environ 100 ans, grouillaient de vie entre agriculture, pastoralisme, thermalisme, exploitation minière. Le tout, desservi par des réseaux de chemins de fer ou de tramways pénétrant partout dans les vallées.

La longue descente du col de Meners vers le refuge de Sorteny traverse le parc naturel du même nom. Un parc, où même fin août, le foisonnement de fleurs, la taille de celles-ci, en font un lieu exceptionnel, un « paradis botanique avec plus de 700 espèces de fleurs et plantes, uniques dans les Pyrénées ». La disparition du pastoralisme a, au moins, une contrepartie positive !

L’intello, à quelques encablures du col, observe des fleurs jamais vues et qu’il ne retrouve pas dans les guides spécialisés. Il faudra un contact avec le directeur du parc pour enfin en connaitre son nom : l’orpin rose ou rhodiola rosea (photo dans le diaporama).

A 18h30, le refuge est (enfin) atteint. Il est neuf, crée dans une ambiance, comme on la retrouve souvent en Catalogne espagnole, très épurée, avec utilisation d’acier mat, de matériaux sobres et de bois. Seule une famille y séjourne. Le repos sera total. Il était nécessaire pour Jérôme qui se disait vaincu et l’intello qui commençait à se prendre pour la mule. Quant à elle, elle ne rêve que d’une chose : en finir…

– par Bernard Boutin

Pour voir le diaporama de l’étape, c’est : ICI

Les cartes des 15 étapes : C’est ICI