J 28 – Le glacier des Gourgs Blancs : Tout schuss du Luchonnais vers la Bigorre !

Glacier des Gourgs Blancs
Glacier des Gourgs Blancs

Au refuge du Portillon, des randonneurs viennent de rebrousser chemin alors qu’ils tentaient de rejoindre le refuge de La Soula. Motif : ils n’ont pas pu passer le gave de Caillauas, gonflé par la fonte de neiges. L’endroit se trouve juste sous le lac des Isclots (2398m). Problème : il s’agit de notre prochaine étape !

Bloqués, les randonneurs ont dormi sur place avant de revenir au Portillon le lendemain. Inquiet de ne pas les voir arriver pour la soirée, le gardien de La Soula a même alerté la protection civile qui est venue vérifier, en hélicoptère, ce qui se passait…
Une information qui inquiète Connie, Jérôme, « la mule et son intello », ainsi qu’Iñigo, Basque de Guernica, qui fait seul la traversée intégrale des Pyrénées de Banyuls à Hendaye. Vu les incertitudes du lendemain, il décide de se joindre à la « cuadrilla » pour cette nouvelle étape à la saveur incertaine.

Tout démarre très bien avec une montée facile au Tusse de Montarqué (2889m) et au col du Pluviomètre (2874m) situé à côté. A 360°, la vue est belle. Le soleil achève de se lever sur un univers de neige et de glaciers. Il y a partout des « 3000 ». Ils sont à portée de main.
La neige est omniprésente. Bien tassée, elle ne pose pas de problème dans la progression qui évolue, entre les cotes 2800 et 2900 mètres, en direction du col des Gourgs Blancs (2879m). Au col, vers l’ouest, le glacier des Gourgs Blancs**et les névès descendent d’une façon ininterrompue jusqu’au lac du Milieu (2510m). Ramasse à nouveau. Du plaisir, que du plaisir ! Tout schuss du Luchonnais vers la Bigorre.

Toute l’équipe avance à un bon rythme. Le lac des Isclots (2398m) est rapidement atteint. Chacun est impatient de découvrir le ruisseau de Caillauas qui a bloqué les randonneurs. Arrivé sur place, sa traversée ne semble pas compliquée même si le niveau d’eau est élevé. Petit exercice d’équilibre pour sauter de pierre en pierre. Les batons sont une aide très précieuse. Le ruisseau est passé. Aussi simple que cela !
La veille, les randonneurs ont-ils trouvé un niveau d’eau supérieur ? Ils sont arrivés tard,  vers 17h. Ce matin, la cuadrilla y est à 11h. La fonte des neiges est probablement inférieure à cette heure-là…
Après un ultime passage enneigé pentu, le lac des Caillauas (2160m) est en vue. Les premiers « juilletistes » sont là. La montagne devient « touristique ». Le refuge de La Soula est rejoint à 14h30 (1686m). Une étape bien menée.

Le refuge est installé dans un bâtiment de la SHEM (Société Hydroélectrique du Midi) qui a construit, à la confluence des Nestes (gaves) de Caillaouas et de Pouchergues, une centrale, mise en service en 1940. La « bande des 4 » vient d’arriver en Bigorre, dans le Val Louron. La mule sent l’écurie approcher. Elle est béarnaise.

Le refuge est un rien « kitch ». Une construction des années 30. WC sur les paliers, face aux escaliers en bois. A la cave, pour laver le linge, d’énormes bacs en ciments d’une autre époque sont à notre disposition. Efficace. Bonne douche chaude, dortoirs très propres et surtout excellent dîner fait de garbure bigourdanne (absolument pas différente de la béarnaise!), de saucisses de canard accompagnées de pâtes, particulièrement bien épicées, et de compote de pomme. Il y aura même du rab de saucisses et de garbure. Une première dans un refuge pour des plats autentiques et non des conserves réchauffées. Pain d’épice au petit déjeuner : un détail de plus. Bravo.

Un bémol toutefois : Des « escadrilles » de mouches envahissent la salle à manger. Elles sont vraiment trop nombreuses pour espérer pouvoir les chasser. Dommage.

Autour d’une agréable découverte locale, la « BIGOURD’ALE », Connie, Jérôme, Iñigo et l’intello finissent la soirée en jouant aux cartes. Au « concombre », plus exactement. Un jeu parfaitement maitrisé par les « Ariègois de l’étape » (Connie et Jérôme), où l’on gagne si l’on ne fait pas le dernier pli. Ils taillent des croupières au basque et béarnais-intello qui ont du mal à piger les arcanes du jeu. Prendront-ils leur revanche à la prochaine étape ?

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Portillon – La Soula : 3 k/h, 4h36 de marche, 6h58 de rando, 13,9 kms parcourus, 721m de dénivelé positif.
– * J 28 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– ** Gourg, gorga en occitan a le sens de « lac profond ». On trouve au pied du pic, sur son versant espagnol, les lacs des Gourgs Blancs. On les appelait Gourgs Blancs à cause de leur couleur d’un bleu laiteux.
Source : https://fr.wikipedia.org
– Crédit photo : Bernard Boutin

 

 

Gave de Remuñe et sa canolle

La mule et l’intello* – Col de la Litérole : Le sifflement rageur de la Balaguère !

Gave de Remuñe et sa canolle
Gave de Remuñe et sa canolle

Le 27è jour de la traversée des Pyrénées, de Banyuls à Hendaye, démarre sous le refuge de Renclusa, à l’Hôpital de Bénasque (1740m) qui est en réalité un (bon) hôtel ! La veille, l’intello y avait conduit sa mule dans l’espoir de trouver sur place, ou à Bénasque, de quoi remplacer son appareil photo perdu lors de l’étape précédente. Sans succès. Il décide donc d’utiliser l’ipad-mini malgré son « encombrement ».

L’étape de la journée consiste à monter très régulièrement dans l’étroit et sauvage vallon de Remuñe pour atteindre le col du même nom (2827m), longer le beau lac « Blanc de Literola » pour arriver au point haut de la journée, le col inférieur de la Litérole, qui malgré son qualificatif est tout de même à 2924m d’altitude.

Le sentier démarre, dans la forêt, par un marquage de traits de peinture rouge/blanc, qui, à certain moment, devient blanc/blanc et à d’autre vert-pâle/vert-kaki ! Pour finir, il sera marqué de ronds rouges et, vers le col, il n’y aura plus que quelques cairns. Réalisés par des randonneurs de passage, on n’est jamais certain de la destination qu’ils souhaitent leur donner. Rien ne vaut un marquage uniforme, bien identifié dès le point de départ, ce qui est rare. Le GPS vient alors en aide pour éviter de se tromper de direction.

Rapidement la forêt laisse la place à de petites clairières qui longent le gave de Remuñe. La neige apparaît. Les clairières disparaissent. Une langue de neige finit aussi par couvrir totalement le gave. Elle occupe le fond d’une longue canolle encaissée qui monte tout droit. L’intello y mène sa mule en prenant bien soin de progresser sur les extérieurs enneigés de la canolle. Au centre, un pont de neige pourrait s’effondrer dans le gave et l’équipage se trouverait immédiatement emporté par la violence du courant. Prudence extrême. La pente est forte mais les crampons ne sont pas sortis. La neige s’enfonce légèrement. Le risque de glissade est minime. Un bel exercice d’attention et de précision que de monter cette canolle !

Arrivé au col de Remuñe, l’espace s’ouvre et la neige devient omniprésente. La mule et son intello retrouvent Connie et Jérôme partis plus tôt. Pause, regroupement et départ pour le col. La montée est en effet loin d’être terminée.

Alors que l’équipe longe le lac « Blanc de Literola » (2760m), encore très largement pris par les glaces, un vent fort commence à se lever. Venant du sud, il a tendance à pousser nos compères ce qui est plutôt bienvenu ! Au fur et à mesure qu’ils approchent des cimes, celui-ci monte en puissance. Il devient désagréable et prend un malin plaisir à tourner autour des trois randonneurs qui doivent s’arc-bouter sur leurs bâtons pour ne pas être emportés. La mule est plutôt « cool ». Elle est solidement installée sur ses 4 pattes. Au col inférieur de la Litérole (2924m), poussé par les bourrasques de vents, personne n’a le temps, ni l’envie de s’attarder pour contempler le lac du Portillon en contre bas. Le vent fait même vaciller la mule. D’un même élan, poussé par les rafales, tout le monde bascule sur la face nord du col et commence à dévaler en ramasse les pentes enneigées.

Les bourrasques de vent accélèrent elles-aussi. Elles dévalent les pentes. La Balaguère**, vent du sud, a rattrapé les HRpistes. L’intello est envoyé « valdinguer » contre une paroi rocheuse. Plus de peur que de mal. Il est équipé de gants sans quoi les mains auraient été écorchées. Chacun marche avec précaution. Un sifflement rageur précède les rafales de vent d’une demi-seconde. Il ne reste plus qu’à le repérer et s’accroupir immédiatement.
Petit à petit, l’équipe descend vers le refuge du Portillon qui est là sous eux, à côté du lac. Une descente à réaliser avec beaucoup d’attention. Le moindre faux-pas et la chute, directe jusqu’au lac, est assurée.

Le cirque du Portillon est pris dans les bourrasques, une belle et haute cascade d’eau prend son envol parmi les glaciers, sous le pic Seil de la Baque (3103m), et… n’arrive jamais au sol. Le vent balaye la chute d’eau et la transforme en un gigantesque spray. Un moment rare que d’observer cela.

Arrivé au refuge CAF du Portillon, nous nous précipitons à l’intérieur. Construit avec une architecture antisismique, il tremble sous la force des rafales de vents ! Le barrage (artificiel) est en travaux, son chef de chantier parle de rafales à 120 km/h. Le gardien du refuge de 90 km/h. Là haut au col, les 120 km/h devaient être largement atteints.

Au calme, depuis le refuge, les randonneurs peuvent contempler le magnifique cirque du Portillon où tant de pics culminent à plus de 3000 : les pics Gourdon (3034m), des Spijeoles (3065m), de Perdiguère (3222m), du Seil de la Baque etc. Orientés nord, les glaciers suspendus sont encore bien présents et les névés descendent jusqu’au lac (2550m). Le refuge propose d’intéressants tableaux explicatifs sur les glaciers environnants et leur recul inexorable. On peut y lire : « En 20 ans, les glaciers des Pyrénées ont perdu 85% de leur surface, ceux des Alpes 40% ». Triste.

Au 27è jour de la traversée des Pyrénées, c’est le site le plus « haute-montagne » qu’aura contemplé l’intello. La mule, elle, n’en peut plus. Elle rumine de rage : « Vivement le retour aux estives ! ». Bonne nuit dans un dortoir très propre. Nourriture : OK…

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Hospital de Bénasque – Refuge du Portillon : 3 k/h, 4h42 de marche, 6h36 de rando, 14,2 km parcourus, 1330m de dénivelé positif
– * J 27 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
-**Balaguère : Nom pyrénéen d’un phénomène météorologique scientifiquement connu sous le nom d’effet de foehn . Pour que l’effet de foehn se produise, il suffit qu’en Espagne une masse d’air en mouvement, vienne buter contre la barrière des Pyrénées. Elle n’a alors d’autre choix que de l’escalader. En montant cette masse d’air se refroidit et libère son humidité. Côté espagnol, il pleut. En dévalant les vallées françaises, l’air se compresse et se réchauffe sous l’effet de la pression, il fait beau et chaud. (source : http://www.pyrenees-pireneus.com)
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin