En fait, le problème n’est pas celui de l’ours, c’est un problème beaucoup plus général et profond.
A quoi ça sert que le premier écologiste du monde, Noé, se soit décarcassé pour sauver un couple de chaque espèce animale ; maintenant l’homme est en train de les supprimer les uns après les autres sous prétexte qu’ils sont piquants, mordants, venimeux, encombrants et qu’ils entravent ses intérêts mercantiles et sa suprématie, «momentanée», si cela continue, sur le monde.
Pourtant, il avait tout compris, il savait que pour que l’humanité se nourrisse, se soigne, s’habille, se loge…. il fallait des plantes et des animaux mais qu’il fallait aussi réguler la quantité et la qualité de ces êtres vivants ; pour cela il fallait une pyramide alimentaire formée de végétariens différents, du fait des plantes différentes, et des carnivores : les uns prédateurs spécifiques des herbivores, les autres décomposeurs de cadavres pour éviter les maladies et recycler la matière organique. Il avait donc compris l’importance de la pluralité, de la diversité et de l’équilibre.
Mais Noé est resté incompris ! Des citoyens, en France par exemple, demandent l’élimination du : loup, requin, frelon asiatique ou pas, des fourmis, de la vipère, du renard, putois, de la fouine, du blaireau, de l’ours, du vautour, du moustique, limaces, batraciens, reptiles…sous prétexte qu’ils portent tort à l’homme dans sa chair et dans son porte monnaie. Ces Français n’ont pas réalisé que leurs coreligionnaires : automobilistes, industriels, militaires,…tuaient plus de personnes que l’ours, le requin ou la vipère réunis et ils ne demandent pas leur extermination ! Ce serait pourtant plus rentable pour la protection des personnes, non ?
Certains soutiennent : «Les espèces disparaissent, d’autres apparaissent, qu’est-ce que cela change ? » Cà change tout, car si, à la limite, le changement quantitatif pourrait être équilibré, il n’en est rien d’un point de vue qualitatif. Remplacer les éléphants par une bactérie nouvelle ou un rongeur ou un insecte nouveau, ou…, n’a aucun intérêt; au contraire ; les nouveaux venus, bien intentionnés ou pas à l’égard de l’homme, ne vont pas occuper la place laissée libre ni trouver le régulateur spécifique; ils vont proliférer; la rectification sera particulièrement coûteuse pour la santé et l’économie.
Jadis en France, et encore dans beaucoup de régions au monde, les populations vivaient et vivent toujours avec la faune sauvage, Australie, Inde, Afrique, Amérique…; elles s’adaptent en se formant, en utilisant le principe de précaution (chiens…), et en tirant des bénéfices (nourriture, grands parcs naturels…).
Revenons aux ours des Pyrénées; ils avaient et ont toujours leur place dans l’écosystème ; Il est donc impérieux de vivre avec, mais pour cela il faut s’adapter. Il faut partager l’espace et les ressources, un comportement que l’homme ne peut pas supporter! Une chose est certaine, il est inutile d’introduire de nouveaux ours si les habitants et les gestionnaires des lieux ne changent pas leur compréhension du monde; cela implique qu’ils donnent un espace suffisant pour mener une vie normale d’ours: équilibre des sexes, faune sauvage pour assurer la nourriture, espace de tranquillité pour la reproduction et l’hibernation.., idem pour les autres espèces; il faut aussi savoir partager et ne pas s’étonner qu’en développant un élevage intensif dans les estives, avec des troupeaux de plus en plus importants, sans protection suffisante, c’est comme mettre une grosse boite de chocolat ouverte sous les yeux d’un enfant et en le punissant s’il en prend un ou deux de temps en temps !
Par intérêt pour le futur de l’humanité, la raison ne peut que militer pour le maintien de la vie sauvage, qu’elle mange, pique, morde, ou tue ; l’humanité, comme l’économie, ne peut vivre refermée sur elle-même, son sort dépend des autres.
Par Georges Vallet