Le Béarn, la France : politique et religion

gaveorthezDans le débat public la religion fait un come-back remarqué. Cela, d’une part, à cause sans doute de ce qu’il est convenu d’appeler l’islamisme, d’autre part à cause des propos de François Fillon. (au passage que de François !!!)

(Fillon qui ne semble plus se rappeler qu’il est passé par le gaullisme social, Bayrou, l’archange de Bordères, François le pape italo-argentin nouvel icône comme Gandhi ou Mandela).

Bon, revenons à nos moutons voire à nos agneaux (agnus dei qui tollis Fillon et Bayrou connaissent sûrement la suite .) puisque monsieur Fillon, le chevalier à la triste figure, souvent un peu morose possessionné dans la Sarthe, abonné à la seconde place sous Philippe Séguin et sous Nicolas Sarkozy, vainqueur de la primaire de la droite, s’est déclaré gaulliste et chrétien .

Gaulliste, à droite comme à gauche, cela ne mange pas de pain et cela pose son homme. Le mélange des deux pourquoi pas sinon qu’en France et en Béarn c’est beaucoup plus inhabituel.

En Béarn l’archange de Bordères, actuellement maire de Pau, appartient à cette frange qu’on appellerait en Allemagne ou en Italie des démocrates chrétiens. Une frange modérée en économie et sur les valeurs traditionnelles d’essence chrétienne, une frange aussi européenne avec l’Europe vue d’abord comme un espace de paix et, secondairement, comme un marché commun.

Rappelons que les pères de l’Europe Konrad Adenauer, le Luxembourgeois Joseph Bech, l’Italien Alcide De Gasperi, et les Français Jean Monnet, Robert Schuman et aussi de Gaulle participaient largement de cette idéologie plus spécifiquement sur l’aspect chrétien.

Mais dans tous les cas de manière privée et jamais comme une idéologie proclamée.

En France plus qu’ailleurs où la laïcité et la séparation de l’église et de l’état sont plus fortement affirmées.

En cela on peut imaginer que l’inconscient politique et religieux en reste fortement influencé. En effet les protestants sont fortement imprégnés de laïcité et de républicanisme. Aussi cette confusion cette « Mesclagne » dit on ici et en Gascogne, choque sans doute plus qu’ailleurs.

Mais le jeu politique ce n’est évidemment pas une histoire de curés ou de pasteurs (sauf, peut-être, à Orthez la Rome ou la Mecque du protestantisme béarnais) mais c’est une histoire de ruses et de stratégies et au delà bien sûr, faut-il espérer, de convictions et de valeurs.

A ce jeu le pourtant placide François de Bordères, plus qu’aucun autre politique, est tout à coup excité comme une ourse défendant ses oursons quand la saison des élections présidentielles approche.

Il est vrai qu’en 2007 avec presque 20% il faillit emporter le gros lot et qu’en 2012 il atteignit 10 % malgré la guerre menée contre lui par le petit Nicolas .

Alors en 2017 d’aucuns l’ont vu marié avec Fillon .

Mais justement la proclamation de sa foi catholique les a brouillés (c’est, du moins, la version officielle) d’autres (ceux qui savent toujours tout ) le voient bien en renfort du petit Macron.

Peut être a-t-il compris que son tour était passé. Et puis ce bouillant jeune homme qui n’est ni de droite ni de gauche, une manière de s’affirmer centriste sans le dire est un peu de son camp. Et ce dernier bien qu’élevé chez les jésuites pense que toutes les religions comme la laïcité ont leur place.

Ce qui ne mange pas de pain .

Pierre Yves Couderc
Entre François et François

Une décision judiciaire importante.

imgresLes parents ne peuvent invoquer leur religion pour que leurs filles soient exemptées de cours de natation mixtes à l’école, a jugé mardi 10 janvier la Cour européenne des droits de l’Homme, donnant tort à la famille turco-suisse qui l’avait saisie. 

La plus haute juridiction européenne a rendu là une décision capitale.

Elle a, en effet, tout en reconnaissant que le refus de satisfaire la demande de parents musulmans, constituait bien une ingérence dans la liberté religieuse, estimé que l’intérêt des enfants était de suivre une scolarisation complète qui devait primer sur la volonté religieuse des parents.

Cette décision rendue à l’unanimité des juges fera sans doute l’objet de commentaires dans des revues spécialisées.

On peut cependant y voir, dès à présent, la volonté d’imposer  une limite à des exigences ou des exceptions invoquées pour des raisons religieuses.

La religion doit demeurer dans une sphère privée dans un état démocratique, car son contenu et son interprétation peuvent même être individuels.

Mais ce n’est là qu’un aspect négatif de cette sentence.

L’aspect positif va bien au-delà et permet d’espérer que les états pourront y trouver la justification nécessaire pour refuser toute revendication communautariste   et imposer une frontière absolue entre un nécessaire  » vivre ensemble  » et une pratique religieuse qui y contrevient.

Ainsi, pourra-t-on refuser l’intrusion d’une religion dans la sphère professionnelle (pas de site de prière sur les lieux du travail), dans la sphère scolaire (pas de menu spécifique, pas de déplacement d’une date d’examen ou de concours pour satisfaire une obligation religieuse), pas de choix du sexe d’un soignant etc.

On pourra certes objecter que le dimanche est reconnu de façon quasi universelle comme jour de repos hebdomadaire.

Il résulte d’un consensus qui gère désormais le monde du travail. Comment, à l’heure où la vitesse des échanges commerciaux et autres impose des réponses quasi immédiates, pourrait-on correspondre avec des interlocuteurs dont les jours de repos seraient multiples et divers, y compris à l’intérieur de nos frontières ?

Oui, cet arrêt frappe un grand coup à un moment où la France est confrontée à de multiples prétentions invoquées au nom du respect nécessaire de rites religieux. Il  constitue une aide précieuse à nos gouvernants pour refuser que le religieux ne s’impose dans une société multiculturelle.  A eux de prouver qu’ils sauront s’en saisir.

Pierre ESPOSITO 
Avocat honoraire.

Montesquieu, Voltaire, Diderot, Beaumarchais, d’Alembert.., à l’aide!

LUMI7RESEn relisant François Reynaert dans son «histoire de France sans les clichés», je suis tombé sur une analyse des «Lumières»; elle m’a entrainé dans une réflexion comparative avec la situation actuelle.

La définition des «Lumières» a été posée par le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) :

«les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable».

Désormais, disait-on, on n’acceptera plus ces vérités tombées du ciel et posées comme immuables enfermant la pensée dans un carcan.

Il est difficile de ne pas voir un rapprochement avec ce nouvel obscurantisme qui nous envahit et cette tutelle d’un nouvel «au-delà» mystérieux dont la volonté est faite sur la terre et dont nous sommes responsables : paradigme de la croissance, de la nécessaire exploitation, production, consommation, élimination, compétition, profits, identité….

Pour Fontenelle «Toute la philosophie n’est fondée que sur deux choses : l’esprit curieux et les yeux mauvais». Aujourd’hui, si les yeux mauvais ne manquent pas il n’est pas de bon ton d’être curieux !

Le mouvement des Lumières est cosmopolite dans son principe, c’est-à-dire qu’il entend parler à tous les hommes.

Je suis homme avant d’être français» écrit Montesquieu ; à méditer !

Ainsi s’est mis en place la théorie des «droits naturels» c’est-à-dire qui appartiennent à tous les humains, sans considération de nation, de race, de culture.

Nos droits de l’homme, modernes en sont issus.

Le développement de la science a joué un rôle majeur dans cette approche critique de vérités révélées.
La technologie, profitant des avancées scientifiques, aidée par la finance, a pris le pouvoir, pour la meilleure et la pire des choses ; elle est devenue, entre les mains de quelques uns, «une vérité révélée»imposée à tous; il en résulte un déséquilibre de plus en plus important et incontrôlable de la société et de son environnement. Le niveau de plus en plus spécialisé, évolutif et pointu de la connaissance, les dangers, les dégâts constatés, de plus en plus grands, le manque de culture scientifique de l’ensemble de la population, l’évolution quantitative des différentes cultures et la complexité du monde, génèrent incompréhension, doute, peur, allant jusqu’au rejet des résultats acquis.
Hélas, je me crois que noustre bon Dieu soit irrité contre nous à cause de nos péchés….» de non consommation (manuscrit écrit par Henry de Laborde Péboué)

En réaction, le grand obscurantisme est de retour.

De plus en plus d’élèves opposent leurs convictions religieuses aux enseignements de l’Ecole. Pour eux, la création du monde s’est passée exactement comme c’est écrit dans la Bible ou le Coran (situation vécue à l’université, à Pau !).

L’école est défiée par la religion !

La religiosité se traduit par un conservatisme certain, et une plus grande intolérance en matière de liberté de penser et de mœurs. Plus on est religieux, plus on remet en question les valeurs telles que l’égalité entre les hommes et les femmes ou la reconnaissance des droits des homosexuels. «41% des jeunes musulmans les plus dévots des Bouches-du-Rhône et 29% des catholiques les plus pratiquants estiment que « la femme est faite avant tout pour concevoir des enfants et les élever ». Ils sont respectivement 47% et 23% à juger que les homosexuels ne sont pas « des gens comme les autres »» Nel. Obs. Pau est concerné aussi par ce problème !

Peut-on refuser de croire à l’évolution car ce n’est pas conforme à une religion ?»

En France, dès 1792, on a décidé d’enseigner, à l’école, des savoirs et non des opinions ou des croyances religieuses, parce que la République a fait le pari audacieux de fonder la possibilité d’une citoyenneté sur des savoirs partagés. Notre démocratie républicaine existe justement par le fait que nous bénéficions tous d’un socle commun dans notre représentation rationnelle du monde.
Refuser les savoirs scolaires au nom d’une liberté de choix qu’offre la démocratie est donc une contradiction. C’est aussi commettre deux entorses.
Une première est de nature épistémologique : l’espace des sciences est autonome et laïque; un résultat n’est pas, recevable ou non, au nom de sa compatibilité (ou non) à un dogme religieux.
Une seconde entorse est politique. Il existe des «règles du jeu» dans l’espace de la classe. Faire société commune, c’est d’abord avoir des connaissances communes. Ce n’est pas aux enseignants de renoncer à l’enseignement des savoirs ; ils sont autonomes dans leur validation, l’enseignement fait force de loi ; c’est au parents, aux théologiens ou aux chefs spirituels de chaque religion de réaliser une articulation entre les convictions des élèves et les savoirs dispensés à l’école. Si ce principe n’était pas respecté, non seulement il serait impossible d’enseigner la biologie, la médecine…, car il y aurait trop de susceptibilités diverses à ménager. C’est le communautarisme qui s’installerait doucement.
La démocratie garantit des droits et exige des devoirs à l’échelle des individus, pas à l’échelle des communautés religieuses. La revendication de lois différentes ou le refus de certains savoirs scolaires au nom «d’un droit à la différence religieuse»mènent à la différence des droits, incompatible avec l’égalité en droits prévue par la République française. Les savoirs communs fondent l’égalité en droits et en devoirs, y compris de savoir ( et non de croire) que l’évolution existe…car c’est un résultat scientifique.

Avec le développement de la philosophie et de la science, les penseurs grecs ont déjà opposé la raison à la croyance, la connaissance à l’ignorance, le monde des idées au monde des dieux.

Il serait intéressant de revenir en arrière une fois de plus en évoquant Voltaire. L’auteur du «Traité sur la tolérance»; il est mort célébré par l’Europe, encensé par Paris mais détesté par le parti réactionnaire et dévot. L’attaque a repris de plus belle depuis la fin du XXème siècle. Elle le dépasse d’ailleurs et va de pair avec un mouvement de pensée qui a un but plus large : instruire un nouveau procès aux Lumières dans leur ensemble. Il recoupe des intellectuels divers, le plus souvent de sensibilité religieuse, qu’importe leur religion d’ailleurs. En France le très célèbre archevêque de Paris, Mgr Lustiger avait tiré les premières cartouches dans les années 1980. Le cardinal allemand Mgr Ratzinger est vite venu le seconder. On peut résumer leur raisonnement et leur résonance ainsi : «en tuant Dieu» et en prétendant libérer l’homme, les Lumières n’ont fait que déchaîner son orgueil, et cette folie a conduit à toutes ces horreurs du XXème siècle.
Ils ont oublié toutes les horreurs qui, du temps «du Dieu vivant», par l’intermédiaire de l’homme, ont été provoquées dans le passé : sacrifices humains, croisades, guerres de religion, inquisition, maintenant Djhad.
Le «dessein intelligent»couve en France et a eu ses défenseurs dans le milieu scientifique : Rémy Chauvin, éthologue et professeur émérite à la Sorbonne, Jean Dorst, directeur du Muséum d’histoire naturelle et membre de l’Académie des sciences, Anne Dambricourt-Malassé, une paléoanthropologue de l’Institut de paléontologie, et Rosine Chandebois, une embryologiste expérimentale de l’Université de Marseille.
Les Lumières sont en danger partout dans le monde et en France, sa terre d’accueil au XVIII ème siècle ; une nouvelle Trinité appelé Argent, Economie et Fanatisme : «l’infâme» voltairien, développe, par ses «vérités», un nouvel obscurantisme. Bien des penseurs utilisent les méthodes des scientifiques pour remettre en cause toutes ces idées reçues en s’opposant à la superstition et aux croyances. Leur but est de transformer la société pour permettre la liberté et le bonheur des hommes.

Là aussi, il est urgent de se réveiller !

Georges Vallet

crédit photos:axl.cefan.ulaval.ca

«L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue.» (Nietzsche)

GV 06 10Les derniers propos qui ont fait le buzz sont partagés par un rédacteur de Pontacq qui en fait la promotion. Ceci montre que nous vivons une époque particulièrement troublée, tant au niveau économique que politique, culturel et religieux, les quatre, d’ailleurs, s’inter-activant l’un l’autre. Pour lutter contre cette perception erronée et dangereuse, mais hélas ressentie par beaucoup de nos compatriotes, mieux vaut s’efforcer de démonter l’argumentation que de traiter par le mépris. C’est l’objet de cette intervention.
La réflexion ambiante étant de plus en plus basée sur l’émotion et l’immédiateté de l’action à réaliser, le «nano-temps» incontournable écarte toute possibilité d’inclusion du problème rencontré dans un système de pensée où le présent s’enracine dans le passé et programme le futur. Pour mener à bien un tel système, le recours à l’histoire est indispensable.

«La connaissance de l’histoire libère, à condition de s’intéresser aussi à l’histoire de l’autre et à la culture de l’autre.» Benjamin Stora.

>La France est un pays aux racines judéo-chrétiennes»

Vouloir réduire les racines de la France à ses racines religieuses, c’est le type même du raisonnement ultra-réducteur qui déforme l’histoire.
Il existe deux grands «systèmes racinaires» pour prélever les ressources du sol et permettre l’épanouissement d’une plante :

  • le système pivotant où il existe une racine principale dominante et puissante, la carotte par exemple. C’est cette image qui illustre l’affirmation ci-dessus.
  • Le système fasciculé où il n’y a pas de racine principale mais une infinité de racines ramifiées formant un chevelu s’irradiant dans toutes les directions, comme le blé qui a joué un rôle fondamental dans la nourriture de la France.

La France a «des racines» fasciculées.

Elle est le résultat d’interrelations et interactions infinies entre ses racines biologiques, environnementales, philosophiques, culturelles, technologiques, religieuses…..
La préhistoire puis l’histoire nous dévoilent, par exemple, tout au long des millénaires, le rôle déterminant joué par les contacts avec d’autres civilisations, des habitants du territoire qui s’appelle, depuis peu, la France: civilisation chinoise, grecque, égyptienne, mésopotamienne, juive, romaine, arabe..; les vagues migratoires de populations venues de l’Est, du Nord et du Sud ont contribué à imprégner et à forger notre identité, les différentes religions et leurs dérives aussi.

Toutes ces racines continuent leur développement et leurs ramifications, que cela nous plaise ou pas !

>«pays de race blanche dans lequel on accueille des personnes étrangères »

Dans ces propos, le fait d’accueillir des personnes étrangères laisserait supposer qu’elles ne sont pas de «race blanche» ! Or, wikipedia dixit:
«Au début du XXème siècle des peuples comme les Perses, les Berbères ou les Arabes ont également été classés parmi les populations «blanches». De même, en 1944, Henri Vallois écrit que les races blanches «n’habitent pas uniquement l’Europe; elles couvrent tout l’Afrique du Nord et l’Asie sud-occidentale […] le territoire des races blanches est orienté autour du bassin méditerranéen prolongé par la Caspienne»

Les populations d’AFN qui fuient la guerre et demandent asile à l’Europe appartiennent donc à l’ex fausse vraie race blanche.

On reste donc entre nous !!!!!

> En ce qui concerne la religion voici une analyse permettant d’élargir l’éventail des perceptions des problèmes actuels sur ce sujet. Elle émane de François Reynaert dans «Nos ancêtres les Gaulois».

«Pendant des siècles, et toujours d’ailleurs, notre continent vit comme le siège de «la chrétienté», de même que l’Egypte ou le Maghreb se vivent comme des «terres d’islam». Cela n’a aucun fondement ni religieux ni éternel.»

> La caractéristique des deux grands monothéismes est de transcender les frontières, les ethnies, les patries.

«La croyance est liée à une foi ou à une pratique, pas à une terre.»

Il a existé pendant des siècles un islam européen: celui de l’Espagne musulmane. Un autre a pris sa place, plus à l’est, dès le XVI ème siècle, et il existe toujours celui de Bosnie, legs de l’Empire ottoman dans les Balkans. Un nouvel islam d’Europe est entrain de naître, grâce aux nombreux musulmans qui y vivent actuellement.

Il existe un christianisme oriental «essentiel»au Liban, Egypte, Syrie, Irak; il est l’héritier des premiers siècles de cette religion.
«Tous les grands conciles où furent définis les fondements de la foi chrétienne: Ephèse, Chalcédoine ou Nicée, se tinrent dans ce qui est aujourd’hui la Turquie. Et les Pères de l’Eglise s’appellent Athanase d’Alexandrie ou Saint Augustin, un Berbère.»

«Le christianisme est une religion orientale, exactement comme est l’islam; la géographie devenue la leur ne tient qu’aux hasards de l’histoire.»

>Une certaine droite identitaire parle de nos «vieilles terres chrétiennes» !
«Pour eux, Jésus Christ est aussi français que le roquefort ou le Général de Gaulle. Ils oublient juste que si ce malheureux arrivait aujourd’hui de sa Palestine natale avec ses pratiques bizarres et son dieu étonnant, ils appelleraient la police pour le faire reconduire à la frontière.»

«Il est curieux de développer un nationalisme primaire en voulant planter des drapeaux partout, avant même que ces drapeaux ne soient inventés !»

par Georges Vallet

crédit photos:editions-agora.ch

Religion d’Etat et démocratie

14273277La Tunisie vient d’adopter une constitution qui contient manifestement de grands principes démocratiques. C’est une république avec une séparation des pouvoirs, une cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité de tous les projets de lois et même celle des lois en vigueur à la demande d’un particulier lors d’un litige, l’affirmation de l’égalité des citoyens, celle  de l’indépendance des magistrats et bien d’autres dispositions semblables à celles des principes contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, le Pacte International relatifs aux droits civils et politiques ou la Charte des droits fondamentaux.
Mais cette constitution est  en réalité un compromis entre les défenseurs de ces valeurs et les frères musulmans d’Ennhada qui voulaient un état islamique. Il a donc fallu que ses rédacteurs  acceptent de leur consentir une place primordiale à l’Islam (qu’une grande partie de la population ne souhaitait pas) pour la faire accepter par l’Assemblée Constituante. Et c’est là que tout bascule.

En effet, avant même le préambule, le ton est donné par ces mots : « Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux « … S’ensuit le rappel de l’attachement du peuple aux enseignements de l’Islam, combinés assez curieusement avec les  » hauts principes des droits de l’Homme universels » parmi lesquels la liberté de pensée, de conscience et de religion qui implique le droit de n’avoir aucune croyance et de ne pas être discriminé en raison du refus d’adhérer à une religion. Mais il est aussi affirmé que la Tunisie appartient à la Nation arabe et musulmane. Une telle affirmation n’est pas innocente. Elle signifie que tous les pays arabes et musulmans sont une seule entité face à d’autres communautés internationales dont les liens sont exclusifs de toute religion et, plus grave, que tous les musulmans appartiennent à la même Nation.

Dès l’article 1er la constitution tunisienne  dispose que l’Islam est la religion du pays. Le ton est donné, même si cette constitution garantit la liberté de conscience et de croyance, car la référence à l’Islam se retrouve tout au long de celle-ci.

Ainsi, est-il spécifié, que l’Etat veille à la consolidation de l’identité arabo-musulmane auprès des jeunes générations. Donc endoctrinement, contraire à la liberté de pensée.

Et les preuves que cette constitution contient des dispositions antinomiques sont nombreuses.
En effet, le Président de la République doit être de confession musulmane et prêter un serment religieux commençant par :  » Je jure par Dieu Tout Puissant… ».et il en va de même pour les membres du gouvernement et les représentants du peuple.

Il est indiscutable que les fondamentalistes d’Ennhada ont marqué cette constitution de leur empreinte, car elle leur permettra de revenir au pouvoir en soutenant que les lois qui seront mises en œuvre ne sont pas conformes à l’Islam. Mais,  au fond, de quel Islam s’agit-il ?  Du sunnisme ? Du chiisme ? A quel Islam devront se conformer les lois sur la famille ? Sur l’éducation ? A quoi devront se conformer les créations artistique ou littéraire ? La porte reste grandement ouverte à de futurs soubresauts.

Dans « Jeune Afrique » un journaliste a écrit à ce propos: « L’Arabie Saoudite  n’a pas jugé utile de rédiger une constitution. Le Coran en tient lieu. N’est-elle pas, cependant, l’un des pays où l’on respecte le moins les droits de l’homme et où l’on bafoue allègrement ceux de la femme » ?

La religion d’Etat, quelle qu’elle soit, est incompatible avec la démocratie parce qu’elle opère une discrimination entre les citoyens selon qu’ils adhèrent ou non à cette religion. Dans une décision du 13 février 2013, la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme, rappelant que la liberté de religion est l’une des assises d’une société démocratique, en a conclu que cette liberté implique celle de ne pas adhérer à une religion et que la Charia est incompatible avec les principes fondamentaux d’une démocratie. La question mettait en cause la Turquie, mais une condamnation identique a été prononcée contre la Grèce où prédomine l’Eglise catholique orthodoxe.

En résumé, seule la laïcité est compatible avec la démocratie et on a du mal à comprendre pourquoi le Président Hollande a cru bon d’affirmer devant les représentants de la Tunisie, que l’Islam est compatible avec la démocratie. Pouvait-il ignorer qu’une religion  d’Etat est incompatible avec la démocratie où voulait-il faire passer un message aux français ? Imagine-t-on insérer demain  dans notre constitution : « La France est un pays catholique »? Heureusement, non.

– par Pierre ESPOSITO
Docteur en droit
Ancien bâtonnier du barreau de PAU.

Le mariage pour tous est contesté, pas l’énergie pour tous.

CaptureCroyants et non croyants, chacun à sa manière, se retrouvent dans la même prière :

«Energie qui es aux cieux,
Que ton nom soit sanctifié
que ton règne vienne.
Donne nous «notre plein» de ce jour.»

Certains, plus écologistes, ajoutent :

«mais délivre nous de la tentation de ce mal pour des siècles et des siècles.»

C’est une profonde recomposition du religieux qui se joue aujourd’hui, entraînée par la connexion de l’individu à un monde globalisé. Chacun croise désormais une    multitude de cultures et de religions qui peuvent être, entre autres, en contradiction les unes avec les autres ; ce qui pose problème quant à la plausibilité de leur vérité.

En réaction à ce croisement culturel généralisé on assiste à l’émergence d’un mythe, celui d’une tradition primordiale disparue, dont toutes les religiosités contemporaines porteraient trace : le point de rencontre en quelque sorte.

Les grands monothéismes n’apportent plus de bonnes réponses car ils ont émergé à une époque ou la terre était plate, au centre du monde, le ciel immobile… La notion
d’infini était négative, associée au hasard, aux épidémies, à l’horreur… à une nature effrayante. Construire une cité, tracer ses murs, c’était créer un environnement régulé,
fini et rassurant.

Nous expérimentons aujourd’hui l’inverse ; nous savons que nous vivons sur un globe fini, et qui peut mal finir ! La rationalité fait peur, la ville devient menaçante, le diable est en costume-cravate…  Et la nature fait l’objet d’un culte. L’infini devient une valeur positive, dont la complexité et la diversité sont l’expression ; diversité qu’il faut
absolument maintenir.

Globalement les religions classiques s’affaiblissent car elles perdent leur unité : de nombreuses fractures les pulvérisent en schismes, elles se transforment en groupes modérés prêts à évoluer alors que d’autres, purs et durs, refusent tout compromis. On continue bien à s’intéresser à la Bible mais d’un point de vue culturel; hélas, les résultats des découvertes contredisent souvent les écrits !

Serait-ce la fin du religieux ?

Absolument pas, la structure religieuse n’a jamais cessé d’exister ; elle est particulièrement enracinée chez l’être humain. L’homme est un mythomane. Depuis quelques décennies on assiste à une forme de recomposition religieuse, pas à une disparition. Cette nouvelle religion établit un lien entre l’individu et l’Univers.

«Le culte de l’énergie a remplacé celui de Dieu.» – Raphaël Liogier, sociologue des religions.

Pour les croyants, Dieu est le grand souffle primordial, l’énergie cosmique; il éclairele monde, il est la Lumière, il est l’astre. Il a donné l’impulsion de départ à la vie terrestre. L’énergie est partout, en tout, et englobe tout dans l’Univers. Cette énergie créatrice a un but. Elle fait croître les plantes, vivre les animaux et agir les êtres humains. Elle est présente en nous, en toutes choses, en nos actes, en nos pensées. La peur de la mort, de la disparition définitive, est «insupportable» donc «impossible»!

Les non-croyants reprennent volontiers cette approche de l’énergie, mais sans y mettre un autre nom ni une finalité. Pour eux, l’énergie est l’essence même de l’univers, comme le montre la célèbre équation d’Einstein E=mc² décrivant l’équivalence masse-énergie. Dans la nature, la lutte pour la survie est une
compétition entre des systèmes vivants cherchant à s’assurer un apport continud’énergie utile. Rien n’est prévu d’avance. L’exubérance créatrice n’est pas
seulement en amont mais permanente, de l’amont vers l’aval ; l’homme culturel définit lui-même son objectif, c’est-à-dire l’humanisme.

La mort n’est pas une disparition, c’est une recréation en puissance!

Ce «culte» de l’énergie serait-il la résurgence actualisée du culte du soleil? Serions-nous les descendants spirituels des Egyptiens ou des Aztèques?
Un fait est certain, ce nouveau culte est, de loin, celui qui est le plus suivi dans le monde ; on trouve des adeptes dans tous les pays, dans toutes les religions, dans toutesles politiques…
Comme dans tout hommage à une divinité, il y a des dogmes, au premier rang desquels on trouve le mouvement, la fluidité, la connectivité, la production, la
consommation. Ce qui est négatif c’est le blocage, l’immobilité. Positif en revanche : le brut, l’authentique, ce qui est potentiellement transformable! La manière de vivre
intègre ce mouvement, c’est l’expérience. Il faut multiplier, accumuler les expériences.

Ce n’est plus la transcendance qui donne un sens à la vie, c’est la mobilité.

« La fascination immobilise, l’immobilité fascine; mon corps exige marche, action, agitation parfois. Libre, ma chair ne cesse de danser selon le pouls, le coeur, lesouffle, l’amour, l’inspiration. La vie bouge; même quand je dors, je frémis. L’aise frissonne. La cruauté sociale ne connaît que deux supplices: la mort et l’enchaînement, double mode d’immobilité » M.Serres

La vérité énergétique est en nous. La terre vue d’en haut est une fourmilière où tout s’agite, dans tous les sens, de plus en plus vite, laissant échapper des nuages de polluants. La grosse différence est que le résultat global de cette apparente agitation est positive pour la fourmilière, pas pour l’homme. A la radio, dans les films, à la télé, on parle de plus en plus vite, on passe, sans aucun rapport de continuité, d’un sujet à un autre ; les invités ne sont là que pour répondre en quelques secondes à un sujet majeur ! Le temps presse !! Ne vous énervez surtout pas car c’est très mal vu: « on fait notre métier !!» Dans les entreprises, on s’agite; il faut faire croire, souvent, qu’on est actif donc efficace ! Les nouveaux rites impliquent de communiquer à tout prix, tout le temps, avec le maximum d’autres fidèles. Tout ralentissement risque de fairesurgir le mal: la censure, les frontières, la clôture, la loi, l’intériorité, la matérialité, la centralité, l’individualité, le corps…»
Comme dans toutes les religions, les tendances intégristes et radicales s’efforcentd’imposer aux autres, par la force parfois, leur vision anachronique, extrémiste et destructrice : on évoque par exemple, la croissance infinie !

« Par la dispersion des ordures matérielles et sensorielles nous effaçons la beauté  du monde » Michel Serres

Les ritualisations modernes ne passent plus nécessairement par les anciennes églises. Elles sont dans les meetings, les entreprises, les places boursières, les réseaux sociaux, etc. On les retrouve aussi dans la symbolique du feu, les expositions du corps dans la nature, le sport, la volonté d’exploitation pour la production de chaleur ou d’électricité.

On veut être heureux ici et maintenant, pas dans un au-delà ni dans une vie future.

Les obstacles entre croyants entre eux, entre croyants et athés, sont encore importants ; la reconnaissance de l’omniprésence de l’énergie, son côté positif,
bénéfique, surtout utilisée avec modération, est unanimement accepté. Souhaitons que cette convergence devienne la possibilité d’un «vivre ensemble» apaisé, au moins dans notre vie sur terre.

– par Georges Vallet

Crédit photosc: novitche.blogspot.com