Les gens du voyage

Déjà en 2015, le 1er juillet, j ‘avais écrit un article sur le sujet (Caravanes, voir lien ci-dessous*). Il se trouve qu’en l’espace de trois ans, rien n’a changé. Mais faut-il pour autant se résigner à l’impuissance ?

Tous les ans, à la même époque, les caravanes arrivent en nombre et occupent sans aucune autorisation soit un espace public, soit un espace privé. C’est ainsi et la révolte des élus comme ceux de Rontignon n’y changera pas grand chose. Dans l’article de référence, j’avais essayé d’expliquer la méthode employée par ces « gens du voyage » parfaitement briffés aux méandres administratifs imposés par la loi.

On pourra donc s’interroger à l’envi pour essayer de savoir où se trouve la faille qui fait que ces caravaniers de l’été peuvent ainsi causer gêne et trouble dans les populations des villes et villages. Le dérangement est souvent réel et au-delà du cas de Rontignon, on pourra citer Orthez et la base de loisirs du lac de Biron, qui, en raison de cette occupation illégale, est privée de sa vocation touristique. On pourra également rappeler l’épisode qu’a vécu, le dimanche 17 juin 2018 , la ville d’Anglet où la pelouse de la plage des Cavaliers a été envahie par 120 caravanes, soit 800 personnes. Les exemples ne manquent pas.

Alors que faire ? Créer des aires de grands passages comme le règlement le prévoit depuis maintenant de nombreuses années. Il faut bien constater que faute d’accord entre les élus, elles ne sont pas mises en place. Et personne, pas même l’autorité de l’État, ne parvient à obtenir le respect des règlements. Faire jouer la répression, là encore les choix des gens du voyage de s’installer le dimanche, jour où les effectifs de gendarmerie et de police sont réduits, rend cette hypothèse inefficace. Il est avéré qu’ouvrir une procédure en flagrant délit pour occupation illégale du domaine public ou d’un domaine privé sans autorisation, suppose plusieurs centaines d’interpellations et de ce fait autant d’auditions sur procès-verbal. Il faut en passer par là, audition des témoins et des auteurs présumés pour que des poursuites pénales puissent être engagées. Un chantier qui paraît démesuré. Et ne parlons pas des branchements pirates des réseaux électrique et d’adduction d’eau.

Alors comme certains le font, dont la ville de Pau d’ailleurs, adopter une attitude résignée qui laisse à penser qu’il existe un accord entre les gens du voyage et la ville ? Ainsi lorsqu’il n’y a pas de vague, pas de bruit, pas de médias, tout le monde finit par penser que les règles sont respectées et qu’il n’existe aucun problème. Vu ainsi…

Pau, le 15 août 2018

par Joël Braud

https://alternatives-pyrenees.com/2015/07/01/caravanes/

Crédit photo : France bleu.fr

Harcèlement de rue

Le législateur français est invité à réfléchir sur la rédaction d’une loi visant à qualifier pénalement le harcèlement de rue que l’on pourrait aussi nommer outrage sexiste. Convenons que l’intention est louable, ô combien ! Mais attention cela suffit-il pour être efficace ?

L’objectif est fixé par Marlène SCHIAPPA, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, de réprimer « tous les actes qui créent des situations offensantes, humiliantes ou intimidantes pour les hommes et les femmes dans l’espace public ». Des exemples sont cités certainement pas d’une façon limitative : suivre avec insistance dans la rue ; demander avec une insistance tout aussi prononcée, un numéro de téléphone ; s’approcher d’une personne au point d’entrer dans son espace intime, ou encore, chercher à l’intimider.

Ce serait, selon les promoteurs de cette loi, une contravention de quatrième classe. Le montant de l’amende s’échelonnerait de 90 à 750 €. Les juristes qui sont un peu au parfum jugeront. Les contraventions existent au nombre de 5 classes différentes. La cinquième étant la plus grave eu égard aux amendes encourues. Pour qu’une infraction de cette classe puisse faire l’objet d’une mesure de répression – traduisez d’un P. V.- il faut que l’agent verbalisateur la constate et procède en flagrance à la rédaction dudit P.V.

Ainsi dans la rue des policiers, ou des gendarmes, en uniforme, observeront le comportement de certaines personnes, susceptibles – a priori – de se livrer à ce genre de comportement répréhensible.

Alors, faites un effort, même si cela vous coûte parce ce n’est pas dans votre nature, mettez-vous à la place du flic et considérez que vous appartenez à cet effectif de 10.000 fonctionnaires recrutés par le Ministre de l’intérieur avec pour mission principale de relever ces infractions. Vous commencez par vous gratter le tête et et vous interroger sur la façon dont vous allez déterminer ce qui est contraire à cette loi.

Supposez maintenant que vous apercevez un monsieur qui siffle dans la rue. Qui siffle-t-il ? Une dame qui passe par là, un copain qui se trouve un peu plus loin ou son chien ? Admettons que c’est la dame qui est l’objet de sa part, d’une telle goujaterie. Devrez-vous demander à la « victime » si cette façon de l’aborder lui convient ou lui déplaît ? Car après tout il s’est trouvé récemment des actrices célèbres pour dire qu’il ne leur était pas forcément désagréable d’être ainsi apostrophées. Le consentement de la personne sifflée constituerait-il un élément de l’infraction ? Parmi les questions que l’agent verbalisateur devra se poser est celle de savoir à partir de combien de demandes d’un numéro de téléphone on se trouvera dans le cas de harcèlement. Et puis, qu’est-ce donc que cet espace intime dans lequel la loi interdit d’entrer ? Comment le définir.

Il faudra bien ensuite tracer de façon précise les limites entre la drague et le harcèlement ou outrage sexiste. Pas facile tout ça ; la jurisprudence promet d’être abondamment fournie. L’intention pour être très louable, aura du mal à se concrétiser.

Un loi pénale qui pose tant de difficultés pour la répression risque d’être une loi inutile et ne pas revêtir le caractère dissuasif pour lequel elle existe. Mais après tout le législateur est là pour préciser les éléments constitutifs de cette infraction bien spécifique. Nous devons lui souhaiter bien du plaisir.

« Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » (Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu.)

Pau, le 27 mars 2018

par Joël Braud

Crédit photo : dailymotion.com

Radars à double sens.

imagesC’est toujours pareil en matière de sécurité routière, lorsqu’on met en place des moyens de répression renforcés on provoque la désapprobation de nos concitoyens. Un sondage le démontre, la grande majorité se dit opposée à l’installation de 111 radars supplémentaires dits « double sens ». Et pourtant il faudra en passer par là pour lutter contre une insécurité routière qui repart dans le mauvais sens.

Les arguments développés par ces opposants aux contrôles renforcés sont particulièrement significatifs de l’état d’esprit d’un certain nombre. Heureusement que tous les conducteurs automobiles ne sont pas du même acabit, ce serait à désespérer de tout. Passons en revue les différentes attitudes :

Il y a l’égocentrique qui dit que ces radars sont trop nombreux et que les infractions au code de la route qu’ils relèvent ne sont, pour la plupart, pas justifiées. Ben voyons, celui-là il nous réédite le code de la route, toujours à son avantage évidemment. Il s’agit d’un spécimen qui a décidé une fois pour toute que la route ne se partage pas et qu’elle lui appartient à lui tout seul.

Il y a le fiscaliste qui laisse entendre à demi-mot – ou plus exactement à plein mot – que l’État n’a qu’une seule préoccupation, remplir ses caisses et non améliorer la sécurité routière. Et si c’était vrai, il n’y aurait pour ceux qui ne commettent pas de fautes que des avantages. Si les amendes payées par les contrevenants permettaient de ne pas augmenter les impôts des respectueux des règles. Il vaudrait mieux ça que l’inverse. Supposez une seconde qu’on demande à ceux dont le comportement est exemplaire de payer pour ceux qui ne respectent rien.

Il y a le prétentieux qui affirme haut et fort à qui veut bien l’entendre, que, lui, à une vitesse de 150 km/h, est bien moins dangereux qu’un conducteur occasionnel qui ne dépasse jamais le 110 km/h (sur autoroute bien sûr). Ce beauf, qui possède une haute opinion de lui-même – il est le seul – n’a pas encore compris et ne comprendra jamais sans doute, que plus la vitesse est élevée plus les conséquences corporelles d’un accident sont graves. Il y a là une logique qui lui échappe. Et alors si en plus vous lui dites que la principale cause d’accident est la vitesse vous provoquez chez lui une violente colère, il vous rappelle que le superman qu’il est, maîtrise parfaitement sa conduite. Enfin, un conseil, ne vous aventurez pas à vouloir lui expliquer que l’agent verbalisateur n’a pas compétence pour distinguer les supermen des autres, vous allez lui faire mal.

Il y a le docte, une sorte de monsieur je sais tout qui en sait plus que les autres ; il estime que c’est sûrement par erreur qu’on ne lui a pas demandé son avis. Selon lui les radars sont mal positionnés. Il faudrait les mettre dans des zones accidentogènes, et en tout cas pas là où ils ont été placés. Cet intelligent n’imagine même pas qu’il y a des gens qui sont payés pour analyser les accidents, leurs causes et établir des statistiques. Mais promis juré, comme ils sont quelques milliers à appartenir à cette catégorie, la prochaine fois on organisera un vote.

Il y a le brimé, celui qui a dû être verbalisé souvent et qui y voit une injustice flagrante. Les autres ne sont jamais réprimés eux, tandis que moi… La justice est aveugle, c’est bien connu sauf que certaines statistiques, encore elles, font ressortir que chaque conducteur, même le plus respectueux du code, commet en moyenne une faute de conduite, plus ou moins grave, tous les cent kilomètres. La répression est donc un filet aux mailles très larges, si l’ont rapporte cette donnée au nombre des fois où il est verbalisé.

Il y a également le faux-cul qui laisse entendre que la dissuasion serait plus grande si le délai entre a commission de l’infraction et la réception de la note était plus court. Il se dit outré que ce délai puisse atteindre quinze jours (il est en réalité de quatre à cinq jours). Les forces de l’ordre devraient donc interpeler immédiatement. Il est pour la flagrance. Il ignore ou feint d’ignorer ce malin qui n’abuse personne, que si l’on devait mettre des gendarmes à la place de chaque radar les effectifs seraient un peu justes. En réalité ce qui lui déplaît dans le système automatique c’est qu’il est impossible de négocier avec une machine. Petit filou va…

Enfin il y a le beauf, avec son côté malhonnête et tricheur qui, lorsqu’il commet un excès de vitesse, déclare ensuite que c’était sa femme, ou sa belle mère qui était au volant, histoire de ne pas perdre la totalité de ses points. Un exemple celui là, le pire c’est que ça marche.

Passons sur celui qui s’étonne que l’on puisse construire des voitures capables de rouler à 210 km/h alors que la vitesse est limitée sur nos routes. Celui-là doit considérer que ce n’est pas lui qui appuie sur l’accélérateur mais le constructeur.

Passées ces « beauferies » de bas niveau, il faut rappeler que dans les années 1970, le nombre de tués sur les routes dépassait les 16.000 par an. La ville de Mazamet. Actuellement ce chiffre s’élève à environ 4.000. Supprimons la « postéropodie *» et nous verrons.

Pau, le 16 septembre 2015

par Joël BRAUD

* Du grec : pous, podos, le pied et du latin posterior, l’arrière-train. Ou si vous préférez, en bon français : le coup de pied au cul. On peut aussi dire la répression.