Nous sommes nombreux à ne pas vraiment savoir où nous en sommes dans cette campagne électorale pour l’élection présidentielle. Nous les Béarnais sommes peut-être un peu plus concernés en ce sens que François Bayrou a décidé d’y jouer un rôle, en demi-teinte certes, mais il se veut présent. Alors les sondages sont là pour dire que les intentions de vote sont volatiles. Pourrait-il en être autrement ?
Ça y est François Bayrou a décidé de ne pas présenter sa candidature. On pourra à l’envi mettre cette décision sur le compte d’une déception ou d’un accord qui n’a pu se faire ou enfin d’un idéal qui s’exprime de cette façon là pour l’intérêt général des Français. Ce que l’on retiendra cependant c’est que son discours pour annoncer son retrait était d’un bon niveau et se plaçait sans conteste sur la base d’une moralisation de la vie politique et sur la recherche des mesures à prendre pour servir l’intérêt général et se détacher des magouilles et arrangement d’une classe politique bien éloignée des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens. Il est vrai qu’il bénéficie pour cela d’une image favorable : les français considèrent à 70% que la principale qualité d’un politique est l’honnêteté et placent François Bayrou en tête pour lui reconnaître cette qualité (50%). Mais pour paraphraser Napoléon, il n’est pas inutile de rappeler que (comme la guerre) la politique est un art tout d’exécution. En effet les hommes politiques qui ont des idées nobles et généreuses on en trouve d’ailleurs sans doute un peu trop. Mais trouver des hommes politiques qui savent tenir leurs engagements et oublier leur avenir propre, on en cherche. Nous sommes encore à la veille qu’on nous explique de façon claire et définitive comment moraliser le monde politique. Des mesures ont été prises mais visiblement elles ne suffisent pas.
Sur ce retrait, beaucoup se perdent en conjectures plus ou moins avérées. D’aucuns affirment qu’une fois que son mentor, Alain Juppé, a été écarté, il a fondé des espoirs sur François Fillon. D’autres qu’après son entrevue dont le contenu est gardé secret avec l’actuel candidat du parti « Les Républicains », il n’a pas obtenu ce qu’il désirait. Et comme toujours lorsqu’on garde un secret sur quelque chose on ouvre la porte à toutes les supputations même les plus regrettables. Désirait-il qu’on lui réservât un ministère ? Souhait-il que dés maintenant soit négociée une distribution des circonscriptions électorales afin de regonfler son parti, le MoDem ? Espérait-il qu’une réforme de la constitution allait transformer le mode d’élection des députés de scrutin majoritaire à scrutin proportionnel (ce qui selon beaucoup, serait la fin de la conception de la cinquième République) ? On ne sait ! Ce qui est le plus vraisemblable, et n’en déplaise à ses inconditionnels, c’est que le maire de Pau a pris la mesure d’un très probable échec (à moins de 5% des électeurs, pas de remboursement des frais de campagne) et qu’il s’est résigné. Cela résulte plus d’un certain réalisme, d’un dépit diront d’autres, que d’un véritable courage. Cependant en politique il faut tout faire pour continuer à exister.
Mais pourquoi diable, François Bayrou a-t-il choisi d’offrir ses services à Emmanuel Macron et pas à un autre ? Là encore, on se perd en hypothèses. C’est celui qui, selon les sondages actuels, arrive en tête de cette élection présidentielle. C’est donc celui sur qui les projecteurs sont braqués. Cela ne durera peut-être pas. Ainsi proposer une alliance ne signifie pas se soumettre mais plutôt se réserver la possibilité de faire valoir son point de vue. Macron a su dire qu’il n’était ni de droite ni de gauche en spécifiant par la suite qu’il était à la fois de droite et de gauche. Ce positionnement a dû convenir à l’édile palois qui est centriste. Pour autant rien ne permet de dire qu’il se reconnaît dans les propositions de l’ancien ministre de l’économie, il l’avait d’ailleurs clairement dit lors d’interviews antérieures en laissant entendre que celui-ci appartenait aux puissances financières. On ne sait ; et pour beaucoup, sauf pour ceux qui disent avoir trouvé là une logique, il y a là encore une incertitude, une imprécision.
Mais cette campagne, outre ce qui vient d’être écrit, revêt un caractère bien particulier. On peut facilement parler d’une sale campagne où tout semble pollué. Les candidats qui sont dans le collimateur de la justice, comme Fillon et Le Pen, n’hésitent pas à parler de quasi guerre civile ou à menacer de représailles les fonctionnaires actuellement aux ordres. C’est bien connu, la justice de la même façon que les fonctionnaires sont des suppôts du pouvoir en place et lorsqu’on est sous la menace de son autorité il est tentant de la critiquer et de dénier son rôle et sa fonction. Tout cela ne sent pas bon et permet de douter des capacités de ces contempteurs à devenir le gardien des institutions. Ce n’est en effet pas en vouant celles-ci aux gémonies qu’on valorise leur fonction. Pour toutes ces attitudes les électeurs sont hésitants et jamais à l’occasion d’une élection présidentielle, qui reste l’élection fétiche des Français, les sondeurs n’avaient enregistré une si forte probabilité d’abstentions. Cela ne veut pas dire qu’ils se désintéressent de la politique mais qu’à force de ne pas comprendre, ils sont déphasés et ne parviennent plus à faire un choix. Alors sont édités des livres comme celui que je suis en train de lire actuellement avec beaucoup d’intérêt : « Plus rien à faire, plus rien à foutre. La vraie crise de la Démocratie *» de Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Il se livre avec le regard neutre du sondeur à une analyse des motifs qui éloignent un nombre grandissant de Français de la classe politique actuelle et ébranle notre démocratie. Il y parle de la possible moralisation du monde politique au sens kantien du terme : le désintéressement. Nous n’y sommes pas encore.
Oui, nous les Béarnais – Palois, sommes un peu plus concernés en ce sens où François Bayrou bien qu’ayant abandonné l’idée d’être candidat, veut jouer un rôle dans la vie politique nationale. Les lecteurs d’Alternatives Pyrénées ont répondu de façon indiscutable au sondage de la semaine en disant que ce retrait sera sans conséquence pour Pau et le Béarn. Significatif non ?
Pau, le 1 mars 2017
par Joël Braud
*« Plus rien à faire, plus rien à foutre. La vraie crise de la démocratie » par Brice Teinturier aux éditions Robert Lafon – 198 pages – 18 €