Etat d’urgence, mesures d’urgence ?

L’urgence est palpable. Le pays a peur. Les affrontements ont déjà fait quatre morts et plusieurs centaines de victimes. Le second personnage de l’Etat déclare « Il faut sauver la République ». Loin de moi la volonté de jeter de l’huile sur le feu. Bien au contraire je pense que cet appel est exagéré s’agissant du Sénat et que l’embrasement des lycéens relève de la contagion et non de l’urgence. Mais, même s’il reste à perfectionner le fonctionnement de parcoursup, il n’y a pas de quoi perdre un œil ou une main. Cependant, il y a urgence à apaiser le pays et à restaurer son image.

Comme beaucoup, je pense qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Il vaut mieux filtrer que bastonner et lancer des grenades lacrymogènes. Les gilets jaunes eux-mêmes ne peuvent refuser qu’on les sépare des casseurs venus pour vandaliser, voire blesser ou tuer ; c’est leur intérêt devant l’opinion. Celle-ci ne verra sans doute pas d’inconvénient à ce que pour une journée et une nuit ces opérations de filtrage et de fouille soient menées. Le pays a connu ces dernières années des périodes d’état d’urgence bien plus étendues. Que l’armée monte la garde devant les lieux marquants de nos institutions s’ils sont menacés et que cela permette de libérer la police pour de véritables actions de maintien de l’ordre (qui ne sont pas du rôle de l’armée, c’est entendu) ne serait pas considéré par la majorité des citoyens comme une menace sur nos libertés. Et si cela permet d’éviter l’exaspération des forces de police et des manifestants, tant mieux.

Mais l’apaisement est à trouver ailleurs. Il serait venu bien plus sûrement si l’exécutif n’avait pas distillé au compte-gouttes ses concessions et s’il l’avait fait plus tôt. Maintenant il ne lui reste que peu de munitions.

D’autant que la colère est diffuse et tient à de multiples facteurs, le moindre n’étant pas l’exaspération de n’être pas considéré. Mais il y en a bien d’autres, exprimés ouvertement ou non : la difficulté de boucler les fins de mois pour les plus pauvres, la frustration devant les tentations de la société de consommation, l’impossibilité de se munir d’un véhicule ou de le renouveler, la grogne devant la multiplication des amendes ou les limitations de vitesse, l’indignation contre des revenus « dingues » de grands patrons. Il faudrait des centaines de voitures électriques offertes aux communes isolées pour que M. Carlos Ghosn fasse oublier ses faramineux émoluments. Il y aurait-là cependant matière à développer une solidarité qui se manifeste ici ou là.

La promesse d’une remise à plat de la fiscalité reste le principal élément à mettre en jeu pour que la crise ne s’aggrave pas. Mais elle prendra du temps. Et le refus par M. Macron de revenir sur l’abrogation partielle de l’ISF ne va pas faciliter les choses. Il lui reste cependant une possibilité qui lui permettrait de ne pas trop se déjuger : abandonner, au moins provisoirement, la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source. Cette mesure pénalise les entreprises, surtout les petites, et inquiète les personnes qui emploient des aides ménagères ou de santé. Personne n’a encore vu en quoi la charge de fonctionnement du ministère des finances en serait soulagée (ce serait cependant logique). L’abandon pourrait être justifié par le constat que faire de 2018 une année blanche est inéquitable. Cet abandon, à l’inverse de l’abandon partiel de l’ISF, apporterait de l‘équité et donnerait un caractère social qui manque à la politique gouvernementale ou à son appréciation jusqu’ici (mettons à part le dédoublement des classes fréquentées par les enfants des secteurs défavorisés et la baisse de la taxe d’habitation). En effet, dans le dispositif prévu, les revenus financiers de 2018 sont moins taxés que lors des autres années. Cela apparaît comme un cadeau aux riches, même si ce n’en est pas un. A l’inverse, une personne ayant eu une perte d’emploi ou une baisse d’activité ou de revenus peut se sentir lésée par cette année blanche. Il en est de même pour les couples qui se sont mariés en 2018 et qui ne pourront bénéficier de la réduction d’impôt qu’apporte le bénéfice de deux parts. Un dispositif de lissage sur plusieurs années, en particulier pour l’ISF, permettrait un compromis raisonnable. Mais dans le contexte actuel, l’important serait que la mesure pourrait être annoncée pour l’immédiat et aurait un caractère apaisant.

Une autre menace est bien présente : le dérèglement climatique. Il faudra bien prendre le problème à bras le corps et de manière urgente. Ne remplissons pas les abris d’urgence, les hôpitaux et les prisons si nous pouvons éviter des désastres. Il y a mieux à faire.

Jean-Paul Penot

Pas de beau cadeau pour les gilets jaunes

    Les revendications des gilets jaunes ressemblent maintenant à une litanie où on retrouve pèle mêle toutes les plaintes possibles, bien loin d’ailleurs d’être toujours justifiées. Mais que peut faire la France, pays parmi les plus généreux au monde, dont tous les voyants sont au rouge ?

Les français sont trop taxés, ce n’est pas une nouveauté, avec plus de 48% du PIB de prélèvements obligatoires nous sommes champions du monde (OCDE) des prélèvements et le ras-le-bol fiscal est là.

En contrepartie, nous sommes aussi champions du monde de la dépense publique, qui continue d’ailleurs à augmenter avec près de 58,4 % du PIB. Au passage il faut arrêter de qualifier les gouvernements français de libéraux, c’est tout le contraire, les vrais libéraux s’étranglent…

Mais le problème est bien plus compliqué car depuis 42 ans, nous avons été incapables de présenter un seul budget de l’Etat en équilibre, si bien que notre dette frôle les 100 % du PIB, et va bientôt les dépasser car toujours pas de budget en équilibre alors que les bons élèves de l’Europe y arrivent.

Comble de problème, la France a un taux de chômage très élevé, bien plus que ses voisins allemands, danois ou suédois et il tarde à baisser significativement. Taux de chômage incroyable dans un pays qui n’arrive pas à pourvoir ses postes dans la restauration, la mécanique ou l’informatique… Un pays qui doit faire appel à la main d’œuvre étrangère pour vendanger ses immenses vignobles ou ramasser les fruits des vergers… Bizarre… C’est la prochaine réforme.

Pour couronner le tout, la balance commerciale française est très gravement déficitaire, 62,3 milliards d’euro en forte hausse par rapport à 2016 (48,3 milliards) et c’est l’Allemagne qui supporte la valeur de l’euro.

On entend sur les giratoires des propositions, hélas toutes plus stupides et inefficaces les unes que les autres.

« Yaka taxer plus les entreprises… » le résultat est immédiat, les grands groupes déplacent leur siège social en Hollande ou encore mieux en Irlande où la pression fiscale est bien moindre. Les Start up font de même : bénéfice ? Non perte.

En complément, les PME a priori moins mobiles ne sont plus compétitives et continuent leur déclin…

« Yaka taxer les riches, rétablir l’ISF… » Ils oublient que l’ISF est un impôt qu’on ne trouve qu’en France, impôt au demeurant très contestable puisqu’il impose tous les ans des biens dont la valeur a déjà été taxée par l’impôt sur le revenu. On connaît le résultat, une grosse fortune qui souhaite changer de lieu de résidence fiscale obtient la nationalité Monégasque, Suisse, voire Russe immédiatement. Les impôts vont ailleurs… là encore il faut admettre que nous sommes dans une économie mondialisée.

L’exemple le plus caricatural se trouve dans mon article « Coupe Davis : la Suisse bat les Suisses » AP du 26/11/2014. J’y écrivais : « Ce dernier week end était l’occasion d’une rencontre de tennis entre Suisses. La totalité des joueurs et même certains non joueurs français sont résidents dans le secteur de Genève : Gilles Simon et Richard Gasquet (Neuchâtel) Jo-Wilfrid Tsonga et Gaël Monfils (près de Nyon) Julien Benneteau et Arnaud Clément (Genève) comme Guy Forget et Arnaud Boetsch (ancien joueur et commentateur sur France Télévision) …etc. »

Plus proche de nous, et seulement pour la Suisse, Challenges dresse cette semaine un bilan très partiel, uniquement pour les très riches : « Ils sont 54 résidents français en Suisse dont la fortune cumulée dépasse les 100 milliards de francs suisses (soit 88 milliards d’euros).

Le magazine note même que, pour cause de durcissement des règles de transmission, ces résidents font aussi venir leurs enfants, pour échapper à des taux de prélèvement qui peuvent atteindre chez nous 45% en ligne directe, alors qu’ils sont cinq à six fois moins élevés en Suisse. »

On peut y rajouter la Belgique : « La Belgique accueille près de 20 des 100 plus grosses fortunes françaises, et les Français détiennent au moins 17 milliards d’euros dans ce pays » (Libération). Et bien d’autres…

Les Suisses les Belges, les Anglais se gavent de notre stupidité fiscale. Alors, on continue, on fait fuir tous les riches ?

Il n’existe pourtant qu’une solution pour avoir une marge de manœuvre, et Macron ne l’a toujours pas mise en œuvre : la diminution de la dépense publique. Mais une vraie diminution, pas comme aujourd’hui la baisse de l’augmentation…

Et des domaines d’économie il y en a plein. Il suffit de relire les rapports de la Cour des Comptes.

A commencer par le nombre pléthorique de fonctionnaires. Un objectif de suppression de 500 000 postes et du statut de fonctionnaire est tout à fait atteignable sans que rien ne change pour le fonctionnement ( « Cinq cent mille postes de fonctionnaires en moins, c’est un minimum ! » AP du 9/4/2017) On ne relira jamais suffisamment le discours de 2009 de Philippe Seguin alors Président de la Cour des Comptes :

 « Cela n’empêche pas de reconnaître que la décentralisation a également généré des coûts qui n’ont pas de réelles contreparties pour les citoyens.

La décentralisation a en effet démultiplié les niveaux de décision, les structures administratives et les doublons. C’est le fameux mille-feuille administratif. On dénombre aujourd’hui plus de 36 000 communes, 100 départements, 26 régions et 16 000 structures intercommunales. Circonstance aggravante : l’État n’a pas su adapter en conséquence ses propres services déconcentrés, comme en témoigne le bilan en matière d’effectifs.

Les mesures de décentralisation engagées depuis les années 1980 auraient dû en effet se traduire par un allègement corrélatif des effectifs de l’État.

En 1980, on dénombrait 2,1 millions de personnes dans la fonction publique d’État et 1,1 million dans la fonction publique territoriale. En 2006, on en dénombrait plus de 2 millions et demi dans la fonction publique d’État (400 000 de plus !) et plus de 1,6 dans la fonction publique territoriale (1/2 million de plus), soit une augmentation en 25 ans d’à peu près un million de personnes dans les deux fonctions publiques.

Ces chiffres en disent plus que de longs discours.

Les collectivités territoriales ont de leur côté procédé à des recrutements supplémentaires, pas forcément rattachables à l’exercice des compétences nouvelles.

On a ainsi constaté une forte progression des effectifs dans les échelons territoriaux qui n’étaient pas concernés au premier chef par les changements induits par la décentralisation, notamment les communes. Entre 1980 et 2006, les effectifs des communes ont augmenté de plus de 47 % ; ceux des intercommunalités de 147 %. »      (Philippe Seguin 29 Oct 2009)

Et cela a continué jusqu’en 2016…

Bien évidemment il faudra supprimer deux niveaux dans notre mille-feuille : les communes et les départements et dimensionner les intercommunalités pour qu’elles représentent le vrai bassin de vie.

Mais pour en revenir aux gilets jaunes, la situation économique de la France n’a pas l’air de les concerner vu les énormités qu’on entend sur les barrages.

Il faudrait aussi mettre en avant que ces manifestants ne payent pas d’impôt sur le revenu, ne payent pas de taxe d’habitation, disposent d’aides innombrables que je ne pourrais toutes citer.

Certes il faut continuer à améliorer les revenus des Français mais cela ne peut passer que par plus de travail, moins de chômage et cela prendra du temps.

Et pour la fin du monde…on y va tout droit.

 Daniel Sango

Complément du 4/12 au matin

Hier le Premier ministre a reçu les responsables politiques. Quand on voit les propositions des uns et des autres c’est pitoyable. Bon pour les extrêmes c’est habituel. Mais comment peut on proposer un référendum pour la droite ?

D’ailleurs je suis frappé par l’incompréhension par les français de la stratégie Macron, pourtant d’une logique parfaite.

Aujourd’hui les finances publiques ne permettent aucune marge de manœuvre l’objectif prioritaire est la lutte contre le chômage qui, en augmentant l’activité et diminuant la charge immense de son indemnisation permettront de diminuer impôts et taxes. Cercle vertueux. Et il n’y a pas d’autre voie !

Ce qui est incroyable c’est que les macronistes sont incapables d’expliquer cela clairement.

Et ce qui est tout aussi incroyable c’est que les gilets jaune ne mettent jamais en avant (et souvent pas du tout comme ce matin sur France Inter) le problème du chômage.

Bien sûr ils ne sont pas très aidés dans l’apprentissage de l’économie quand on entend Ruffin ou Le Pen. Pourtant il leur suffit de regarder ce qui s’est passé dans le monde:

– les fanfaronnades gauchistes de Mitterrand, avec un demi-tour à 180° au bout d’un an

– la honte de la gestion type France Insoumise au Venezuela

– les immenses déboires de l’Argentine

– plus près de nous, la Grèce, ou Tsipras fut élu permettant à Mélenchon d’afficher une joie débordante. Quelques mois après, devant la réalité du monde il baissait (entre autres) les retraites de 10%

Ce qu’il faut faire en France est connu cela se passe à côté de chez nous, en Suisse, en Allemagne, au Danemark, en Suède, …etc

Ces positions disqualifient définitivement ces partis extrémistes (et les autres qui font de la politique politicienne) et les gilets jaunes qui devraient profiter de leurs temps libres sur les ronds points pour étudier l’économie.