Les projets d’urbanisation de Lacadée, petit village de 152 habitants sur 4,81 km2, interpellent. Ils prennent en otage la D 945 (~ 4.500 véhicules/jours dont 450 Poids-lourds). Si Lacadée est connu comme point noir routier, le bourg existant ne borde pas directement la D 945.
Aussi, comment l’instauration d’une limitation de vitesse à 50 km/h sur les 1,3 km de la traversée d’un si petit village où le bâti n’est pas rapproché, a-t-elle été validée ? L’aménagement d’un rond-point le sera-t-il également ? L’urbanisation d’un tel village est-elle vraiment raisonnable ?
Lacadée point noir de la D 945.
La D 945 est un axe très roulant et relativement étroit. Le point noir (-a- sur le plan) est situé dans la côte qui relie la ligne droite venant de Sault de Navailles dans la plaine du Luy de Béarn (côté Ouest) au plateau qui se prolonge jusqu’au Pont-Long (côté Est). Ce point noir est constitué par un virage en dévers qui peut surprendre les automobilistes dans le sens de la montée. Plusieurs accidents mortels sont à déplorer (« 12 morts en 17 ans sur la route à Lacadée : le maire n’en peut plus » ; La République du 27/11/2012).
Les virages de la côte avaient déjà été reconfigurés, il y a plusieurs dizaines d’années. Ensuite, avec la croissance du trafic et la persistance d’accidents, une première limitation de vitesse à 70 km/h avait été instaurée entre le carrefour (-b- sur le plan) au pied de la côte et son sommet ; soit sur une longueur d’~1 km.
Plus récemment, un radar avait également été installé dans la plaine, à l’entrée du village, côté Sault de Navailles (-c- sur le plan). Ces mesures n’ont pas empêché la poursuite des accidents. Le devers est considéré comme normal pour une conduite respectant la limitation de vitesse ; ce qui n’est pas le cas.
Le projet de la commune
Le maire de Lacadée qui n’a cessé de dénoncer cette situation de danger, avait déjà proposé une solution avant 2012 (cf. La République du 26/04/2012 et du 27/11/2012) : Aménager un rond-point sur la D 945 dans la plaine pour casser la vitesse des véhicules et aussi desservir le village grâce à une nouvelle voie au travers d’un lotissement en cours de réalisation en bordure de la D945 ; 6 lots prévus dont 4 à loyers modérés :
Voir -d- sur le plan et vue ci-après (©googlemaps), prise en direction de Lescar.
Le point noir se situe au bout de la ligne droite et le carrefour à l’amorce du creux. Le village est en retrait sur le côté gauche, après le lotissement en construction.
Actuellement des panneaux de limite d‘agglomération ont été posés aux deux extrémités du village. La zone de limitation de vitesse est ainsi étendue à toute sa traversée ; soit ~1300 m limités à 50 km/h dans l’attente du rond-point espéré par le maire. Selon lui, tout est prévu côté lotissement pour aménager le rond-point (cf. vue précédente). Il resterait aux autorités à se décider.
Certes l’instauration de la limitation de vitesse à 50 km/h, sécurise davantage le carrefour et le point noir ainsi que la sortie d’un hameau du haut du village (-e- sur le plan), masquée par un premier virage. Toutefois les usagers (plusieurs milliers par jour) rongent leur frein, non seulement sur près de 1 km de côte mais en plus sur l’extension de la limitation aux ~350 m dans la plaine.
Cf. vue ci-contre prise dans la plaine, en limite avec Sault de Navailles et en direction de Lescar, après la pose des panneaux de limite d’agglomération.
Sur la vue on distingue que le nouveau radar (en retrait du panneau d’agglomération) a été badigeonné et que les véhicules se talonnent. Les dépassements en direction de Sault de Navailles, y compris par les Poids-Lourds qui coupent la ligne blanche, sont courants.
L’environnement de la D 945 étant rural avec un bâti non rapproché, la logique d’une limitation de vitesse aussi drastique sur une telle longueur n’apparaît pas.
Les interrogations
En l’absence d’explication voire de justification sur ces aménagements de la part des autorités, toutes les interrogations sont possibles. Par exemple :
– L‘aménagement d’un rond-point au milieu des 350 m de ligne droite ajouté à la limitation de vitesse à 50 km/h et au radar, permettra-t-il de pacifier complètement le trafic, à la fois dans la plaine et dans la côte ? Ce n’est pas certain. Des contrôles systématiques de vitesse seront toujours nécessaires. Des traitements conséquents de la chaussée et des bas-côtés seraient beaucoup plus adaptés. Mais de tels travaux seraient certainement trop coûteux.
A noter que la traversée du bourg de Sault de Navailles en direction de sa déviation est limitée à 70 km/h, alors que l’environnement est urbain.
– La multiplication de ronds-points tout le long des routes et dans chaque village est-elle vraiment justifiée ? Généralement, les décélérations et accélérations au niveau des ronds-points sont pénalisantes pour la conduite, notamment des Poids-Lourds.
D’autres types d’aménagements sont possibles (séparateurs, carrefours autres que giratoires par exemple). En plus, dans moins de 10 années, seront opérationnels les Systèmes de Transport Intelligents, l’éco-mobilité et, espérons plus tôt, l’éco-conduite dans l’activité transport et logistique.
– Le positionnement des panneaux de limite d’agglomération, sous couvert de sécurité, ne favoriserait-il pas plutôt une opération immobilière ? Le lotissement est maintenant en bordure d’une voie où la circulation est plus apaisée. Cet aménagement transforme la D 945 en boulevard périphérique d’un bourg minuscule. Vue avant (©googlemaps) et après l’installation de la limitation à 50 km/h.
Le panneau de fin d’agglomération et le radar se situent après les camions.
Le rond-point donnant accès au lotissement est prévu au niveau des camions.
– Quel est l’intérêt d’aménager un lotissement dans un si petit village, voire d’isoler des ménages à bas revenus alors que Sault de Navailles, à près de 3 km, cherche à se doter d’un destin de centralité depuis la mise en place de sa déviation ?
A noter sur la vue précédente, la situation privilégiée du nouveau pavillon pour voir et entendre le défilé des camions. Ce type d’emplacement est habituellement réservé aux habitats à loyers modérés ou aux aires d’accueil de gens du voyage.
– Comment le règlement voirie départementale a-t-il été interprété et appliqué, voire défini ? Quelle est maintenant la répartition des compétences et des responsabilités dans la gestion de cette portion de route départementale dans un petit village rural au bâti non rapproché, entre la commune, la communauté des communes, le conseil départemental, le service gestionnaire de cette route et les services de l’Etat (gouvernance)?
– Les autorités n’auraient-elles pas simplement cherché à neutraliser ou à ménager un maire déterminé (transparence) ?
Laxisme ou calcul ? Le maire de Lacadée a parrainé la candidature de Mme Le Pen aux présidentielles de 2012.
Certes les petits villages veulent vivre. « Il faut continuer de développer la démographie dans notre village sinon on meurt » indiquait également le maire de Lacadée à La République.
A noter que ce type d’argument est toujours crédible (c’est comme l’enclavement…).
Mais est-ce pertinent ?
D’abord le premier effet de tout projet d’urbanisation est une valorisation foncière qui a toujours des bénéficiaires. Ensuite Lacadée est davantage un hameau qu’un village.
Le regroupement de communes serait certainement plus adapté. En plus Lacadée ne meurt pas. Comme la plupart des villages du bassin du Luy de Béarn, Lacadée a vu sa population croître depuis 10 ans : 105 habitants en 1999 et 144 habitants en 2011 ; 41 logements en 1999 dont 39 occupés et 59 logements en 2010 dont 52 occupés.
Pendant ce temps, Pau a perdu près de 4.000 habitants depuis quatre ou cinq ans.
Il est habituel de considérer que Pau manque d’attractivité, qu’on ne peut pas y circuler ou se garer. Mais Pau est aussi entourée d’une myriade de communes qui, comme Lacadée, pratiquent l’art du dumping foncier (aménagements, infrastructures).
Le choix de scénarios d’aménagement du territoire dans une perspective de développement durable est loin d’être arbitré par les autorités.
– Par Larouture