François Bayrou vient de faire connaître sa décision de munir les policiers municipaux de la ville de Pau d’armes létales. Depuis vendredi dernier, 29 juillet 2016, cette décision fait grand bruit tant auprès des médias locaux que nationaux. Faut-il se réjouir ou regretter cette décision ?
Pour un coup de com, c’est un sacré coup de com ; Comme ça au moment où les vacances occupent l’emploi du temps d’une grande partie de nos concitoyens, les journaux, les hebdomadaires, les radios et même la télé titrent « Pau, François Bayrou décide d’armer « sa » police municipale ». Passons sur ce possessif qui, en l’occurrence, n’indique pas un réelle possession pour essayer de connaître la vraie motivation d’une telle décision.
D’abord la réaction d’un sondage mis en place sur le plan local par le journal « La République ». La question est simple : « Êtes-vous pour ou contre l’armement de la police municipale de Pau ? » Ont répondu, sur environ 1500 personnes : pour = 63% – contre = 37%. Il faut regretter que ce sondage ne laisse aucune ouverture à celles et ceux qui sont sans opinion, le principe, dans ce genre d’exercice est de toujours laisser un espace permettant de pouvoir s’exprimer à ceux qui n’ont rien à dire ou qui s’en moquent.
D’ailleurs un micro trottoir nous apprend sans aucun étonnement les raisons du choix de certains. Ainsi, disent-ils, je me sens plus en sécurité. Pourquoi pas après tout. Il s’en trouve même pour dire que cela n’aura aucune incidence sur notre sécurité. François Bayrou a, lui, peaufiné son argumentation. Il fait référence aux événements de Nice pour dire que la promenade des Anglais ressemble fortement, par sa structure, à notre boulevard de Pyrénées. Il dit également qu’il a lu avec attention le rapport de l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale) et qu’il en a retiré la conviction que seules des armes létales peuvent, dans des circonstances comparables, arrêter la progression d’un poids lourd qui fonce sur la foule.
On pourra toujours rétorquer que la ville de Pau est, sur le plan sécuritaire, une ville calme, personne ne pourra écarter l’hypothèse d’un attentat dans notre ville. Mais en réalité ce n’est pas la sécurité de tous les jours qui est ici considérée, ce sont les actes terroristes. Ceux qui disent se sentir davantage en sécurité avec cet équipement confondent un peu les choses. La délinquance est vécue plus subjectivement qu’objectivement, comme toujours dans ce domaine le sentiment d’insécurité prévaut sur les statistiques. On aura beau vouloir l’expliquer personne ne sera disposé à l’entendre.
Il faut être précis et dire ce que permettent dans l’absolu, ou permettraient en cas d’attentat, l’usage d’armes létales. Ceux qui sont pour, savent-ils que ces armes ne peuvent être utilisées que dans les rigoureuses limites de la légitime défense ? Connaissent-ils par ailleurs les conditions qu’il est impératif de réunir pour être dans un cas de légitime défense ? Savent-ils enfin que les policiers de la police nationale, dans leur très grande majorité et au cours de la totalité de leur carrière, n’utilisent leur arme de service qu’au stand de tir ? Sans doute que non, mais, dire qu’un policier est armé en impose, donne une image, du poids et de l’autorité. A ce propos les policiers municipaux, par la voix de leurs syndicats souhaitent être armés et mieux encore pouvoir, comme leurs « grands frères » de la police nationale, être autorisés à porter leur arme en dehors des heures de service. Cette évolution ne connaîtra sans doute jamais de limites.
D’une façon plus générale, il faut également s’interroger sur l’exemple de Nice et en tirer des conséquences. Il convient de souligner la difficile coopération, collaboration, partenariat ou coordination, comme on voudra, entre ces deux polices, la nationale et la municipale (J’ai déjà eu l’occasion d’écrire à ce propos). Dans toute opération de service d’ordre, maintien ou rétablissement, il faut un chef et un seul. Les maires sont-ils disposés à confier le commandement de la police municipale de leur ville, durant le temps de certaines opérations, à un commissaire de police, un officier de gendarmerie ou un préfet. On a du mal à l’imaginer mais pourquoi pas après tout.
Si l’on se place dans l’histoire, on apprend qu’en 1941, le gouvernement de Vichy avait étatisé tous les services de police des villes de plus de 10 000 habitants. Les policiers municipaux, à cette date, sont devenus des fonctionnaires d’État. Le développement actuel des polices municipales serait -il un retour en arrière ? Ce développement qui ne cesse de s’accélérer a pour causes, l’exigence sans cesse croissante de nos concitoyens d’être rassurés, le souci des élus de réponse à leurs préoccupations dans un but électoraliste et aussi, vraisemblablement, un certain désengagement de la police nationale dans ses tâches de proximité.
Il reste qu’en ce vendredi 29 juillet 2016 en décidant d’armer « sa » police municipale, François Bayrou a réussi un formidable coup de com. Bravo !
Pau, le 1 août 2016
par Joël Braud