Touche-pas à ma meuf ! (2)

Bien que ce titre ne me plaise pas, je l’utilise à nouveau. Cet article n’est plus sociologique comme l’article précédent traitant du phénomène « me-too », mais politique.

Son point de départ concerne aussi avant tout les femmes. Car la question des pensions de réversion concerne principalement les femmes, pour deux raisons. D’une part leur longévité moyenne est supérieure à celle des hommes ; d’autre part leurs ressources sont en général plus faibles que celles des hommes et leur retraite moindre. Sans pension de réversion, un grand nombre d’entre elles seraient dans un grand dénuement. Aussi, la rumeur qui a couru de leur suppression est-elle odieuse. Elle a été démentie, mais d’autres scénarios peu engageants ont apparu. Il a été question notamment d’instaurer une cotisation spécifique, ce qui aurait pour effet de diminuer le nombre de bénéficiaires et aussi de seuils de montants. La veuve d’un préfet, assassiné ou mort dans la fleur de l’âge serait directement impactée ; mais plus généralement, la femme d’un homme ayant eu de lourdes responsabilités et en ayant pâti en assumant un surcroît de charges domestiques serait pénalisée.

Cet exemple montre le rôle délétère de rumeurs ou d’annonces mal maîtrisées. Il en a été de même avec l’instauration de l’impôt à la source et avec l’annonce d’une réforme des retraites. Il n’est pas certain que les craintes des contribuables qui emploient une personne à domicile pour de l’aide-ménagère, des soins ou des gardes d’enfants soient calmées sur le premier point. Quant à la réforme des retraites, le remplacement des trimestres par des points apportera sans doute une simplification mais cette simplification pourra être utilisée pour geler la valeur du point. Par ailleurs, cette unification ne prendra pas en compte les spécificités de chaque branche en termes de pénibilité et de niveau de salaire et conduira vraisemblablement à un départ en retraite plus tardif. Ce dernier point n’est pas absurde, puisque l’on vit plus vieux et que l’on commence à travailler plus tard. Les citoyens de ce pays ne sont pas des Gaulois rétifs à toute adaptation.

Mais ils ont dû accepter d’avaler bien des couleuvres. Mener des guerres regrettables (Suez, Algérie, Lybie…). Financer des chantiers de prestige, comme le Concorde, qu’il a fallu ensuite abandonner. Tout miser sur le nucléaire, sans savoir ce qui pourra être fait des déchets. Opter pour le diesel, moteur réputé plus résistant et plus économe et maintenant voué à être condamné. Jouer la carte des métropoles régionales et maintenant constater la désertification des campagnes. La liste pourrait être longue.

Aussi les citoyens ne font plus guère confiance aux belles paroles, surtout quand on vide leurs poches, tandis que l’on va laisser filer la Grande Bretagne qui doit 43 ou 47 milliards d’euros à l’Union européenne. A ce propos, quitte à s’attaquer aux Celtes, pourquoi ne pas demander à Mme May qu’elle emmène avec elle l’Irlande (ou que celle-ci cesse son dumping fiscal). Cela résoudrait le problème de la frontière avec l’Irlande du nord dans lequel les discussions pataugent ? Proposition incongrue ? Irréaliste ?

Un autre cadeau qui sera pris dans la poche des contribuables concerne le remboursement de la dette de la SNCF. Pas moins de 35 milliards ! Pourtant la SNCF a des actifs, pas toujours très …actifs, comme des terrains ou des bâtiments qui se dégradent. Là, nous rejoignons les questions locales comme la réhabilitation des locaux du SERNAM. A moins que l’on réactive cette dernière : ce ne serait pas un mal pour la planète et nos poumons de réduire le transport par camions (6.000 par jour traversent la Manche rien qu’à Calais, et 90.000 arrivent à Rungis). Hélas, nos enfants sont aussi touchés par toutes ces questions.

Paul Itaulog

Train-Train ?

imagesLes rédacteurs d’Alternatives-Pyrénées font leur possible pour vous donner des informations de première main et des réflexions personnelles. Mais il leur arrive de ne pas être en première ligne. Ainsi, en prenant le train 67241 j’avais 18 h de retard sur le TER qui a percuté un TGV jeudi 17 vers 17h.

En pensant à la souffrance des blessés, à l’inquiétude des familles, je ne peux le regretter. Mais, ne pouvant vous donner un témoignage direct sur les circonstances de l’accident, je dois me contenter de quelques commentaires et questions.

Je n’ai subi que les inconvénients de la désorganisation qui semblait régner encore au lendemain matin de la catastrophe. Certes, des autocars de remplacement avaient été prévus, mais la seule information affichée était l’annonce de l’interruption du service et les agents, pressés de questions par les voyageurs ont longtemps semblé incapables de donner une réponse quant à l’arrivée de ces transports de remplacement, sans parler des correspondances.

Nulle agressivité de la part des voyageurs. Ils n’étaient que désireux de savoir si leur voyage pourrait aboutir. Beaucoup devaient penser qu’ils avaient la chance de n’avoir pas subi le choc. Une telle pensée rend serein. Pour ma part, je me suis fait une raison de mettre 5h pour rallier Hendaye depuis Pau (en incluant une demi-heure de marche) et j’ai apprécié de parcourir une route que je n’avais pas empruntée depuis des lustres. Ce qui m’a permis de voir les transformations du paysage : pas très réconfortantes pour les yeux, mais preuves sans doute d’une certaine vitalité économique.

La question cruciale qui vient à l’esprit reste évidemment : cet accident aurait-il pu être évité ? Il semble que la défectuosité du signal numéro 23 avait été détectée la veille et un agent de la maintenance était sur place. N’aurait-il pas fallu que le centre de gestion de la circulation des trains situé à Bordeaux lance un appel à la vigilance auprès de tous les conducteurs de train circulant sur ce tronçon ?

Par ailleurs, la différence de vitesse entre les deux trains n’était que de 60km/h (90km/h et 30km/h pour les deux trains). N’était-il pas possible de détecter le convoi précédent et de freiner le TER ? Un TGV sur une voie, cela se voit (sauf peut-être dans une courbe, mais cela n’était sans doute pas le cas à Denguin). Enfin, à l’heure où la plupart des automobiles récentes sont équipées de radars de recul (et d’autres équipements plus sophistiqués) serait-il impossible de munir les trains de dispositifs de détection d’obstacle sur la voie ?

Circuler en train est beaucoup plus sûr et plus écologique que de rouler avec sa voiture personnelle. Mais comme la souplesse n’est pas la même, il ne faudrait pas que les conditions de sécurité se relâchent. Une politique d’économie en la matière peut se révéler désastreuse et peut rebuter les voyageurs. Par ailleurs, dans la bataille pour la reprise des activités d’Alstom, la signalisation n’a-t-elle pas été  un enjeu important ? Si la perte des activités de construction de chaudières n’est guère compensée que par un renforcement du secteur de la signalisation et que celui-ci subit une perte d’attractivité, le marché conclu ne se révélera-t-il pas un marché de dupes ?

Le précédent des activités de transport de fret peut rendre circonspect. Qui n’a le cœur serré de voir les bâtiments du SERNAM à l’abandon et de constater que des files de camions espagnols se pressent sur l’autoroute d’Irun à Bordeaux ? Est-ce là une bonne chose pour l’équilibre thermique de la planète ? Les agents de la SNCF n’ont-ils pas scié la branche sur laquelle ils étaient assis lors de grèves à répétition qui ont fait fuir les donneurs d’ordre ? Leurs revendications sont peut-être légitimes, mais ne passent-elles pas au premier plan, devant l’amour du métier qui était de mise autrefois ? Bien des agents de la SNCF ont un métier difficile, avec des déplacements incessants. Mais tous ne sont pas dans ce cas, et il pourrait être judicieux de prévoir pour tout recrutement des postes plus sédentaires pour les fins de carrière. Les voyageurs comprennent difficilement les enjeux des grèves et les motifs des réorganisations. Alors qu’on leur a expliqué il y a quelques années qu’il était nécessaire de séparer la SNCF de son activité d’entretien du réseau, il est question maintenant de réunir Réseau Ferré de France avec la SNCF dans une holding. Une telle politique en dents de scie est-elle bien fondée ? La question de la sécurité ne mérite-t-elle pas une révision de grande ampleur ? Par ailleurs le passage de très grands convois, probablement plus rentables, mais offrant des risques accrus lorsqu’il s’agit de wagons-citernes contenant des fluides dangereux ne devrait-il pas conduire à une réflexion nouvelle ?

                                                                                                             – par Jean-Paul Penot

On pourra revoir le film de Ken Loach « The navigators » pour méditer sur les effets du libéralisme de la Dame de fer en matière ferroviaire.