Deux à zéro !

imagesEn quelques mois seulement, les instituts de sondage et les commentateurs politiques ont perdu deux batailles.
Au printemps, presque tous nous présentaient  le brexit comme une catastrophe en nous assénant pendant des semaines les risques qu’il ferait courir à notre pays. Il ne fallait pas que le  » oui  » l’emporte et certains espéraient sans doute que leurs incantations seraient entendues de l’autre côté de la Manche. Il n’en fut rien et à ce jour nous n’en voyons pas d’effets nocifs pour notre pays.
Cet automne, l’élection présidentielle aux États-Unis leur offrait un nouveau terrain d’études et ils ne s’en sont pas privés.
Après un déchaînement d’une violence rarement atteinte, nos médias sont confondus. Le futur président des États-Unis sera cet homophobe, ce raciste, ce sexiste, péchés capitaux auxquels s’ajoutait celui d’être milliardaire, oubliant peut-être qu’il le devait sans doute à son intelligence et son travail.
Et l’on en rajoutait toujours en doutant de sa compétence du fait qu’il n’a jamais exercé la moindre responsabilité politique.
C’était un grief semblable à celui qu’on faisait à Ronald Reagan, un acteur de second plan qui allait se révéler un excellent président.
Et c’est justement  parce qu’il n’a aucun passé politique qu’il convient de s’interroger. On ne peut, en effet, rien lui reprocher dans l’exercice d’un mandat politique.
Son succès n’était même pas envisagé par les siens puisque nombre de responsables   » républicains  » se sont désolidarisés de son discours .
Et pourtant, il a gagné et ce qui frappe chez la plupart de nos médias et de nos politiciens c’est leur cécité.
On continue à soutenir que l’élection de Donald Trump est due à ses discours démagogiques et populistes. Une telle posture est justement l’explication du résultat américain.
En effet, si la démagogie est l’arme de tous ceux qui se soumettent au suffrage universel encore faut-il qu’ils décèlent ce que désirent les électeurs.
Quant au populisme, c’est une doctrine qui défend les intérêts du peuple contre la classe dirigeante. En quoi serait-elle condamnable ? Le pouvoir n’émane-t-il pas du peuple ?
En démocratie, c’est le peuple qui décide. Les élus ne sont que ses mandataires et lorsqu’ils n’ont plus sa confiance c’est parce qu’ils le trahissent.
De fait ils  se méfient de ce peuple et la meilleure preuve en est l’opposition à toute idée de référendum, quand ce n’est pas le refus d’en accepter le résultat comme ce fut le cas en 2005 après le rejet de constitution européenne qui fut adoptée ensuite par le congrès (  soixante pour cent des députés et sénateurs ).

Tout semble mis en œuvre pour limiter la liberté de pensée et d’expression des citoyens. La pensée unique s’instille  dans les esprits en muselant la liberté de parole grâce à des artifices. Attention, ici homophobie, là islamophobie, xénophobie. Vous n’avez plus le droit de dire ce que vous pensez sous peine de sanction morale, voire pénale.
Et bien c’est tout cela, sans compter toutes les manœuvres pour se maintenir au pouvoir, pour caser les copains, pour épargner la prison à des élus malhonnêtes que le peuple rejette.
Cette remise en cause des gouvernants se  généralise. Nos gouvernants n’entendent-ils pas les Hongrois, les Bulgares, les Autrichiens, les Néerlandais, les Belges s’élever contre l’insécurité, le chômage et la perte d’indépendance nationale.
En France, s’y ajoute un système électoral totalement injuste qui permet d’ignorer le vote de millions d’électeurs qui ne sont pas représentés à l’Assemblée Nationale à l’aune du nombre de leurs voix et dont beaucoup finissent par se cantonner dans l’abstention.
Nos responsables peuvent toujours continuer d’ignorer tout cela.
Qu’ils se souviennent toutefois d’un mot de John Kennedy  » ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable « .

Pierre Esposito
Avocat honoraire.

crédit image : ville-floirac33

La démocratie d’émotion est-elle encore de la démocratie ?

cid_adca9319-015d-4781-aadc-b14909d7db26homeLe référendum en Hongrie a été marqué par une participation voisine de 40% seulement ; en Colombie, il a entraîné le rejet d’un accord inespéré mettant fin à des années de guerre ; en Grande Bretagne, c’est la sortie inattendue de l’Europe ; ces résultats sèment le doute sur l’opportunité, l’efficacité et la valeur institutionnelle d’un référendum.

En Grande Bretagne, il a provoqué de nombreuses réactions à chaud dans tous les milieux, y compris sur notre site. Beaucoup ont dénoncé un manque d’informations objectives et même de la désinformation; FR3 a passé des interviews :
– sur le désespoir et l’interrogation des nombreux anglais, entre autres ceux qui vivent chez nous et s’inquiètent de leur sort ; certains envisagent de demander la double nationalité.
– sur la perte sensible ou l’incertitude pour l’immobilier, le commerce, les milieux financiers,…, des deux côtés de la Manche.
Un sondage a été proposé sur notre site ; on a constaté que 53% de ceux qui ont répondu pensaient qu’en cas de référendum actuel, le «franxit» l’emporterait.

Une telle décision, en Grande Bretagne, obtenue dans le calcul et le flou politicien, la malveillance même, pose vraiment le problème de la pertinence de cette méthode pour prendre des décisions politiques de cette importance, au nouveau national. Si la même question était reposée aux Anglais, le résultat serait-il semblable ?

«La souveraineté d’une opinion hystérisée en permanence est-elle encore de la démocratie ?»J-Cl Guillebaud

Bien des obstacles s’opposent à la valeur d’un sondage ou d’un référendum :

   – Le manque de maturité de la part d’une majorité de votants, devant une situation nationale et internationale nécessitant des connaissances et expérience en politique, économie, finance, vie sociale, commerce, environnement…
– L’influence, de ce fait, très importante, des pressions de la part des partis politiques, des lobbies, des médias.., afin d’orienter les décisions dans le sens souhaité.
C’est la stratégie du «un bobard par jour» dénoncé par Bernard Cazeneuve !
– Le libellé du texte proposé ou de la question posée, forcément réduit, souvent ambigu sur le fond et simplifié dans la forme.
– La réponse obligatoire par oui ou non qui oblige à ne retenir qu’un aspect jugé subjectivement primordial, laissant donc de côté tous les autres, souvent plus importants. Bien des votants ne prennent pas la même décision alors que leurs conceptions sont souvent très proches, Pour beaucoup, entre le oui, mais…, et le non, mais…, qu’ils ne peuvent exprimer, il y a souvent une nano-pensée qui va changer le cours de l’histoire !
Arnaud Gonzague, dans le Nel Obs, à propos du sondage où 67% des Français, en ce moment, sont pour un gouvernement d’union nationale, écrivait : « »Il me semble que ce sondage doit être lu avec beaucoup de prudence, car les sondés ont certainement des interprétations différentes de la question posée.»
– Quand un sondage se situe au niveau régional, le périmètre utilisé a un retentissement énorme. Pour le référendum sur la pertinence de l’aéroport de N.D. des Landes, il est bien évident que les résultats seraient différents suivant la zone consultée. Il en serait de même pour la réintroduction de l’ours dans notre région, suivant qu’on questionnerait la France, La Nouvelle Région Aquitaine, ou les habitants de petits villages où vivent des familles de bergers et les propriétaires des troupeaux.
– La réponse est donc le plus souvent, et c’est catastrophique, émotionnelle ou politiquement passionnelle, ce qui revient au même, un arrêt sur image dans le temps. On ne répond pas à la question mais à son opposition ou son accord, spontané, viscéral, avec le milieu politique en place. Cette réponse, de ce fait, est, comme les émotions, évolutive ; elle représente la manifestation d’une sensibilité, la position d’une girouette qui change avec le vent dominant, c’est-à-dire les commentaires habiles et les sondages saturants qui se succèdent dans tous les domaines, chaque jour, au téléphone souvent (réponse immédiate exigée), dans la plus grande opacité sur les promoteurs des questions et les tendances politiques des instituts de sondage. Combien refusent de répondre, combien disent n’importe quoi volontairement ?
– Tout cela n’a rien à voir avec les besoins nécessaires à l’orientation d’une politique qui par définition doit porter sur le moyen ou long terme et après une réflexion raisonnée.
– La méthode basée sur le volontariat pour la participation, rend la décision faussée, elle élimine ceux qui pour des raisons souvent valables décident de ne pas participer, ne trouvant pas proposée la réponse qui leur convient. On en revient à la discussion sur la valeur du bulletin blanc ! L’abstention massive nous guetterait-elle ?
Même pour des décisions mettant en jeu un phénomène de portée uniquement locale, c’est discutable ; tout dépend du sujet.
Fait-il beau et chaud à Pau ? Le résultat sera différent suivant le type de population concernée : agriculteurs, travailleurs du bâtiment, cafés et restaurateurs…

La moyenne a-t-elle un sens ?
On est passé de l’opinion, déjà fragile, mais quand même basée sur le savoir et la croyance, à l’émotion incontrôée.

Juppé semble le confirmer :

«La politique est un univers irrationnel où l’émotion domine»

Interview de Gael Tchakaloff auteure de «Lapins et Merveilles» par Bruno Jeudy, Match 3490.
Entre les sondages journaliers à subir pour connaître la préférence des Français sur les marques de chocolat ou les lessives, les assurances auto,…, le candidat à la primaire à droite et à gauche, les meilleures ministres, établissements scolaires ou établissements hospitaliers pour la chirurgie de la prostate !, les 2 votes pour la présidentielle, pour les législatives, etc. les Français sont saturés et délégitiment par l’abstention ou en répondant à côté de la question, les projets présentés.

Même si les conditions qui régissent les sondages sont très différentes, nous vivons, d’une façon générale, une caricature pathétique de la pensée humaine.

La question du vrai et du faux, par exemple, ne se pose plus.

On ne dit plus que telle chose ou telle personne existe, mais que 23% des sondés pensent qu’elle existe !

C’est la faillite du rationnel, toutes les institutions sont ébranlées sous la pression des sondages des opinions publiques exaltées et déformées par la catalyse émotionnelle des médias. Le coupable est désigné avant le procès, les «lapidations» sont journalières dans le domaine de l’enseignement, de l’économie, de la protection sociale, de la politique générale et environnementale… L’emprise des opinions fabriquées par les sondages et les médias est résumée merveilleusement par J-Cl Guillebaud (Réflexion faite sur TéléObs, «La démocratie sera-t-elle dévorée»).

«Devenu carnassier, cet empire sans empereur est une figure du vide au bord duquel nos démocraties cheminent et chancellent, guettées par le vertige».

Signé Georges Vallet
crédit photos:think-tank.fnh.org

Cosmétique

imgresEn tête dans les sondages, et même s’il est évident qu’il ne confirmera pas globalement cette position, il est cependant possible que le FN enlève un certain nombre de régions. Alors, aujourd’hui, tels guignols dans le castelet médiatique, on agite à nouveau la question de sa légitimité démocratique.

Mais, d’élus à la faveur d’un second tour avec parfois moins de 20% des suffrages exprimés, ou, d’un président, quand les sondages ne lui en accordent pas davantage, qui peut se targuer d’être toujours absolument légitime ? Dès lors, le moment venu, sans remettre en cause sa propre, et donc parfois douteuse, légitimité, « qui », et de « quel droit », s’autorisera à contester une légitimité issue de la même source que la sienne : le scrutin? 

 Par ailleurs aujourd’hui, faire croire que, dès qu’élu, le FN va précipiter les Juifs dans les fours crématoires et les immigrés à la mer, relève de la pantalonnade médiatique qui semble vouloir tenir lieu de campagne électorale. Ce FN dont depuis des décennies, chacun à leur tour, « ils » ont pourtant fait un paravent providentiel à leurs abus de ces cosmétiques politiques dont, en tout cas chez nous, aucun n’a cependant fait la preuve de son efficacité. Cosmétiques sociaux, humanistes, culturels, médiatiques…, qui, au motif « d’embellir » la vie des Français, ont altéré des réalités évidentes, provoqué une distorsion trompeuse des valeurs morales, institutionnalisé l’irresponsabilité individuelle au profit d’une culpabilité collective. Philosophie de l’échec promu au rang de maladie sociale. Prêchi-prêcha des envieux. Lifting idéologique contre nature qui, aujourd’hui, dans l’impasse, n’offre au « peuple », d’autre issue que de partager sa propre misère.

Mais l’aléa est que, interdit de séjour, « empêché » par la « bien-pensance républicaine », le FN ne peut apporter la preuve de sa capacité à conduire les affaires du pays. Et que voter pour lui, par conviction, par sympathie ou pour sanctionner les «autres», c’est véritablement plonger totalement dans l’inconnu. Or, si par nature, l’expression démocratique des urnes est toujours, plus ou moins, une prise de risque, aujourd’hui, la situation économique du pays et le niveau d’exaspération de la population sont tels qu’elle peut conduire à des débordements particulièrement graves en l’actuel état de déliquescence de l’autorité.

Dans un tel contexte, tous les responsables politiques qui, honnêtement, sont convaincus que le FN est véritablement dangereux pour la France, doivent si nécessaire, se transcender. C’est à dire, renoncer à certains avantages et satisfactions du pouvoir, mettre de côté leurs divisions ou divergences et faire, ensemble, une proposition commune et la soumettre, loyalement, c’est à dire dès le premier tour, à l’appréciation de tous !

A défaut, restera seul l’espoir que les Français sauront faire preuve d’un plus grand sens de leur responsabilité qu’eux !

Maurice Meireles – PONTACQ