Maladresse et cécité

Jamais , en si peu de temps , un gouvernement n’avait réussi l’exploit de susciter autant de mécontentements. Le pays , insatisfait du président Hollande qui n’a pas osé se représenter à sa succession, et plus généralement des inégalités sociales ainsi que des mœurs politiques, espérait trouver en Monsieur MACRON, qui avait eu l’habileté de réunir des élus socialistes, centristes et républicains, le remède à tous ses maux.
Espérance déçue mais prévisible car le président n’avait obtenu au premier tour de l’élection que 24,01% des suffrages.
Et si Monsieur HAMON s’était allié à Monsieur MELENCHON ce dernier aurait très bien pu se retrouver au second tour.
Toujours est-il que diverses populations sont aujourd’hui dans la rue. Les gilets jaunes ne sont que l’apparence d’une insatisfaction qui ne peut s’expliquer du seul fait d’une taxe désormais supprimée, au moins jusqu’en 2019 ! À côté, les agriculteurs, les infirmières, les personnel des hôpitaux et des services pénitentiaires, les étudiants et même des lycéens soutenus par certains parents, beaucoup trop de mécontents, justifiant le pourcentage de Français soutenant le mouvement de révolte que le gouvernement aurait dû percevoir.
Pourtant, ce dernier a pu aussi régler certaines situations auxquelles aucun autre auparavant ne s’était attaché, comme le prélèvement à la source des impôts sur le revenu ou le statut de la SNCF.
Malheureusement , les vents contraires se sont multipliés du fait d’un excès de précipitation. Monsieur MACRON est trop vite apparu comme le «président des riches» avec la suppression de l’impôt sur la fortune qui, il faut bien le dire , ne profite qu’à une minorité de citoyens. Comment la faire comprendre par ceux dont le travail est la seule source de revenus ? Ceux-ci ne l’ont jamais acceptée. Et à qui s’en plaindre sinon aux députés de la majorité qui bénéficient de ce qui apparaît comme des privilèges et qui ne sont tenus à aucune présence obligatoire sur leur lieu de travail. Hier encore, 5 décembre 2018 ,une loi a été adoptée par 54 voix pour, 34 contre et 1 abstention ! Où étaient les 484 absents qui n’ont pas été sanctionnés d’une retenue sur émoluments ?
Le président avait promis de réduire le nombre de parlementaires. La réforme eut été chaleureusement accueillie mais elle est aujourd’hui lettre morte. Il a sans doute voulu ménager ses élus mais il s’est aliéné sur ce point beaucoup d’électeurs.
Le système électoral qui envoie à l’assemblée nationale une représentation inexacte des électeurs conduit fatalement à des manifestations de rues puisque ceux-ci ne peuvent y faire entendre utilement leurs voix .
Quant à la violence , totalement condamnable, elle est le fruit de trop nombreuses années de tolérance. Comment le gouvernement peut-il s’en étonner alors qu’il a capitulé à Notre Dame des Landes tout comme l’autorité judiciaire face à un blocage des autoroutes en plein été en contestation d’une décision de justice qu’il a fallu réformée en urgence , et que les forces de l’ordre sont régulièrement victimes d’actes de guerre que Monsieur COLLOMB, précédent ministre de l’intérieur a dénoncées avant une opportune démission.
Cette violence qui est devenue un mode culturel de manifestation continue , hélas , de porter ses fruits puisque le gouvernement a reculé sur la taxe carbone à l’origine des contestations des gilets jaunes.
Et que dire de l’immigration illégale contre laquelle les réactions sont si timides qu’elle ne cesse de prospérer tous les jours ? En échange de quoi, le président de la république s’apprête à signer un pacte sur les migrations proposé par l’ONU . Cette soumission à des institutions internationales est bien évidemment une source d’amertume pour ceux qui y voient un abandon de la souveraineté nationale. D’une pierre deux mauvais coups donc.
Aujourd’hui, 6 décembre, certains groupes parlementaires d’opposition ont décidé de déposer une motion de censure du gouvernement. Une initiative totalement inutile puisque l’assemblée nationale est aux mains des élus du président.
La France est difficile à gouverner mais ce qui se passe aujourd’hui était grandement prévisible. Qui n’entend autour de soi de multiples récriminations contre plusieurs orientations gouvernementales ? Et là de deux choses l’une : soit nos dirigeants ne les entendent pas, soit il les ignorent. Et dans les deux cas ils en sont responsables.
La réponse est certes difficile à donner car, à la vérité, la France n’a plus les moyens financiers de ses politiques, sociale, économique et internationale.

Pierre ESPOSITO

En sortir

La France est dans une mauvaise passe. La colère gronde, l’entêtement pointe son nez, la contagion gagne, l’économie souffre. Comment écarter tant d’insatisfactions ?

M. Macron est intelligent et sans doute plus inspirant que bien de ses prédécesseurs, mais il commet des maladresses : le « pognon dingue », la « traversée de la rue », et moins remarquée, la listes des pays visés par lui pour l’armée européenne : fallait-il les désigner nommément alors qu’on célébrait l’aide de nos alliés lors des derniers conflits mondiaux ?

Par-dessus tout, son manque de réactivité lors du début de la crise que nous connaissons va lui coûter cher politiquement. Les mesures adoptées aujourd’hui vont apparaître bien tardives et insuffisantes. Et la transition écologique risque d’être la grande victime de la tension.

Chaque partie doit pouvoir sortir la tête haute du conflit. Mais avec humilité et compréhension. La souffrance de celles et ceux qui bloquent les carrefours doit être comprise et soulagée. Mais le sort de la planète ne peut être oublié. Les victimes des inondations, des incendies et des pollutions ne nous le pardonneraient pas. Ni nos enfants.

Aussi, nos gouvernants doivent plaider au plan européen et au plan mondial pour un effort sans précédent pour la lutte contre le réchauffement climatique et contre l’injustice fiscale et sociale. Les grandes compagnies internationales doivent payer des impôts dans les pays dans lesquels elles font des profits. Le kérosène des avions doit être taxé au moins autant que les carburants pour voitures : n’est-il pas choquant de voir des offres pour des voyages aériens à des prix (10 ou 15 euros !) de l’ordre du coût de la traversée en voiture d’un département comme le nôtre (sans compter les péages d’autoroute et l’entretien de la voiture). Il faut aussi taxer le fioul lourd des porte-conteneurs ; ce serait plus juste que des hausses de droits de douane et plus favorable à une consommation locale. Enfin, il faut freiner le transport routier qui endommage nos routes, les encombrent et surtout polluent l’atmosphère. N’avez-vous pas entendu que les restrictions de carburant dans certaines régions (en Bretagne notamment) sont de 30 litres pour les voitures et de 200 litres pour les poids lourds. N’est-ce pas éclairant ?

Il faut aussi revenir sur l’abandon de l’ISF sur les revenus financiers. Il est un moyen qui permettrait de ne pas perdre la face en attendant une remise à plat équitable : remplacer la partie de la taxe carbone qui ne va pas à la transition énergétique (c’est-à-dire la plus grande partie) par une taxation normale des revenus exceptionnels de l’année 2018. Ces revenus sont essentiellement des revenus financiers, pas des fruits du travail. Or, pour faire passer la pilule du prélèvement à la source (qui est une vraie pénalisation des employeurs) le gouvernement a décidé un allègement des impôts sur ces revenus. Cet allègement représente un manque de rentrées conséquent pour l’État alors que de petites gens, et en particulier des retraités, voient leur CSG alourdie. Un comble ! Certes il faudrait donner du temps pour lisser ce prélèvement afin de ne pas plomber ponctuellement ceux qui auront à le payer. Mais il y aurait là un geste qui serait compris de la population.

Bien d’autres mesures seraient appréciées, comme des transports publics ferroviaires ou routiers à la périphérie des villes afin d’éviter des engorgements, de la pollution et des frais. Ou encore la réduction du mille-feuilles administratif et des doublons qu’il engendre.

Dommage que le gouvernement n’ait pas saisi à temps la proposition syndicale d’une large concertation avant l’explosion. L’image du pays en est marquée.

Paul Itaulog

Le scandale du diesel

La colère des gilets jaunes a été abondamment analysée par les commentateurs professionnels et les politiques. On sait qu’elle a des racines lointaines provenant du sentiment d’être oublié, alors que les « rentiers qui font leur fortune en dormant » ont été favorisés et que très peu a été fait pour taxer les grands groupes internationaux comme les GAFA qui ne paient pas les taxes qu’ils devraient payer.

Ce sentiment d’abandon se double parfois de l’impression d’avoir été trompé. Les automobilistes ayant acheté une voiture diesel se font fiés aux conseils des experts préconisant une motorisation plus robuste, plus économe (donc a priori moins polluante).  De plus ils avaient la conviction de faire marcher l’économie du pays, la France s’étant fait une spécialité de cette motorisation. Il y a aujourd’hui un retournement en raison des particules fines ; mais pour ce qui est du dioxyde de carbone, il est douteux qu’une voiture consommant 4 ou 5 litres aux 100 kms pollue plus qu’un gros SUV ou qu’une grosse berline. Sans parler des camions. Pourtant, notre contrée est parcourue par des poids lourds se fournissant en gazole à un prix très bas et dont la qualité est vraisemblablement inférieure à celle que l’on trouve dans nos pompes. Aussi, si le but du gouvernement est de faire respecter l’environnement, il pourrait édicter une règle imposant que les poids lourds franchissant nos frontières ne renferment dans leurs réservoirs qu’une quantité limitée de carburant. Cela ne freinerait sans doute pas beaucoup les transports routiers à longue distance, mais cela aurait pour effet de répartir les prélèvements qui aujourd’hui ne portent que sur les automobilistes français. La pollution de ces transports internationaux, l’usure de nos chaussées, les ébranlements de nos ouvrages d’art ne sont pas pris en compte par ces transporteurs. L’idée peut paraître saugrenue, mais elle n’est pas plus bizarre que la limitation sur les paquets de tabac ou les litres d’alcool ; la dangerosité pour notre santé vaut pour les carburants comme pour l’alcool ou le tabac.

A ce propos, sait-on (si l’on n’assiste pas aux conférences des « idées mènent le monde ») que si la taxe carbone a effectivement bien augmenté lors de ces dernières années puisqu’elle atteint 44 euros la tonne en France en 2018, elle s’élève en Norvège à 130 euros la tonne. Ni la Norvège ni la Suisse, dont la taxe carbone est aussi fort élevée, ne sont des pays dont les habitants vivent mal, que je sache. Quant aux constructeurs automobiles qui ont trompé les acheteurs, ne serait-il pas sain qu’ils paient en France des pénalités comme ils ont dû le faire aux États-Unis ?

Si la voiture a une responsabilité importante dans la réduction des surfaces de terres agricoles et dans le développement urbain anarchique, il est d’autres facteurs du dérèglement climatique. Le kérosène brûlé par les avions, le fioul domestique consommé dans les logements mal isolés, le mazout des porte-conteneurs y contribuent aussi. Rénovons les logements insalubres ou mal isolés, n’enfilons nos gilets jaunes que pour enfourcher nos bicyclettes et nous faire un peu de bien par une activité physique. Encourageons mieux la recherche pour des solutions innovantes et des énergies alternatives. Le bon roi Henri voulait offrir aux Français une poule au pot hebdomadaire. Offrons-nous des pots catalytiques qui ne trichent pas, des batteries qui ne créent pas de dommages à l’environnement, des panneaux solaires qui préservent notre planète et un peu plus de solidarité qui réchauffe le cœur.

Paul Itaulog

Des taxes comme s’il en pleuvait

Si l’on demande à monsieur ou madame tout-le-monde combien il existe de taxes en France, nul doute qu’il ou elle répondra par un chiffre bien en-dessous de la réalité. L’avidité fiscale de l’État et des diverses collectivités territoriales est sans limites. Pourtant tandis que chacun pense que nous avons atteint des sommets au moins par rapport aux autres pays de l’Europe, on entend ici ou là germer de nouvelles idées pour des taxes supplémentaires.

En réalité le nombre des taxes en France est répertorié de manière approximative. On estime qu’il est de plusieurs centaines ; 459 est le chiffre le plus souvent cité, mais il est sans doute supérieur. Reportez-vous à ce lien pour en savoir davantage :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_imp%C3%B4ts_et_taxes_fran%C3%A7ais.

A la lecture de ce document de Wikipedia, on apprend qu’il existe des taxes dans des domaines tout à fait inattendus, ainsi : la taxe sur les éoliennes maritimes, la taxe sur les droits de plaidoirie, la taxe sur les prémix (?). On pourrait, à partir de cette longue et fastidieuse liste, en citer beaucoup d’autres tout aussi étonnantes. Il y a certainement des taxes qui ne sont pas prises en compte, ce sont par exemple les stationnements payants dans les villes. Lorsqu’une commune décide de rendre payantes les places de parking, elle crée une nouvelle taxe.*

Nous sommes, nous Français, des champions dans ce domaine et ce, bien sûr, grâce à l’imagination débordante de nos politiques. D’ailleurs pour la première fois, cette année, les impôts et les taxes ont rapporté une somme qui atteint 1.000 milliards d’euros. Un chiffre symbolique qui est le record des prélèvements obligatoires. Rappelons qu’en 2016 ce chiffre était seulement (si l’on peut dire) de 992 milliards d’euros. La progression est constante et si l’on vous dit un jour que les impôts diminuent, affichez haut et fort votre incrédulité.

Et ce n’est sans doute pas fini. Actuellement on débat dans les couloirs de la création d’un péage urbain pour les véhicules automobiles. L’idée est dans les tuyaux, en germe, et elle verra sa concrétisation prochainement. Mais pas avant 2020, élections municipales obligent. Elle rapportera aux communes ce dont la modification de la taxe d’habitation les aura privées. C’est ainsi, quand on supprime d’un côté, on crée d’un autre. Cependant la crainte est de voir le nombre de véhicules automobiles s’aventurant dans les centres de ville, diminuer au profit des deux roues.

Il y a donc plus insidieux. Avez-vous été informés qu’actuellement existe une campagne visant à inciter les propriétaire de vélos (ou bicyclettes) à faire graver un numéro d’identification sur son véhicule. Le chiffre sera répertorié dans un fichier où le propriétaire pourra être identifié. Officiellement, il s’agit de mieux lutter contre le vol. Libre à vous de le croire parce que lorsque vous achetez une bicyclette (ou un vélo) il porte déjà un numéro de série qui pourrait tout à fait remplir une fonction comparable. Alors ne serait-on pas en train de se diriger vers la création d’une immatriculation des deux roues avec carte grise à la clé ? Ce document étant payant, ce serait un moyen de trouver, en compensation, une nouvelle source de revenus pour les communes.

Il paraît que le gouvernement en place a entrepris de simplifier la fiscalité en France. Bon courage à lui. Ce chantier semble impossible, à moins de supprimer les politiques, leur imagination pour mieux pressurer le contribuable et surtout leur inextinguible soif de dépenses.

Pau, le 22 octobre 2018

par Joël Braud

* A Pau, bientôt, le parking dit de l’usine des tramways sera payant.

Cela ne coûtera rien au contribuable !

Que voilà une formule rassurante ! Habituellement elle sort de la bouche des politiques qui cherchent à justifier leurs dépenses. Mais alors qui paie les dépenses décidées par les élus ?

A Pau, la transformation de la place de Verdun a coûté 2,3 millions d’euros. Il est prévu, nous dit-on, un remboursement de cet investissement dans un espace de seulement trois ans grâce au stationnement payant. Et François Bayrou nous affirme qu’il s’agit là d’une réalisation qui ne coûtera absolument rien au contribuable. Belle et péremptoire affirmation en laquelle tout le monde voudrait bien croire.

D’abord quelle est la définition du mot contribuable  : « Personne qui paye des contributions, des impôts directs » (Le Petit Robert) ou « Personne qui contribue aux charges publiques en payant des impôts » (Dictionnaire de l’académie). Autrement dit, il n’y a pas seulement celui qui paye des impôts directs, il y a également celui qui, d’une manière ou d’une autre, contribue, généralement contraint et forcé, à un financement, à une réalisation pour la collectivité. Serait-il exact de dire que les utilisateurs de la place de Verdun ne contribueront pas au remboursement de l’investissement en payant le stationnement ? Certainement pas car les utilisateurs deviennent également des contribuables.

Autre exemple qui est aussi présenté à Pau comme ne coûtant rien au contribuable, c’est le BHNS (Bus à Haut Niveau de Service). On nous dit que là l’investissement se chiffre à 51 millions d’euros. On nous dit également que cela sera payé par la taxe transport prélevée sur les entreprises. Ces dernières lorsqu’elles payent cette taxe contribuent à la charge des infrastructures de ce nouveau moyen de transport ? Cela coûtera alors non pas à la totalité des contribuables mais à une certaine catégorie d’entre eux : les entreprises. Mais en vérité, il faut admettre que l’effort est consenti par tous. Outre l’augmentation du prix des transports palois, on peut s’interroger pour savoir si une autre utilisation de cette taxe transport n’aurait pu être faite. Dans d’autres villes (Compiègne, Dunkerque, Châteauroux par exemple), cette taxe est utilisée pour rendre totalement gratuits les transports en communs de la ville. Mais pas à Pau où le souci d’une réalisation de prestige l’emporte, semble-t-il, sur l’intérêt général.

Nous dire que cela ne coûtera rien à la collectivité relève de la propagande politique. Il y aura toujours à la base quelqu’un pour financer un investissement décidé par les politiques. Ce quelqu’un est forcément le contribuable. « Il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable. » (Alphonse Allais).

Pau, le 2 août 2017*
Joël Braud

*Ce 2 août 2017 est le jour à partir duquel l’humanité vit à crédit et ce jusqu’à la fin de l’année.

Crédit image : observatoiredesgaspillages.com