La forêt est un état d’âme. (Gaston Bachelard)

Rz_ARBRE055Les forêts ont fait dernièrement l’objet d’un texte remarquable. Ne les abandonnons pas si vite! Dans peu de temps, elles vont se peupler de transhumants mycophages.

Oubliant les rancœurs à propos du député de leur circonscription, ces bolétophiles pourront aller dans les bois publics car ils sont ouverts à tous, à droite comme à gauche (les bois privés sont réservés à des privilégiés). On passe alors des débats tonitruants à la discrétion! On ne souhaite pas, cette fois, que ceux qui font fonctionner l’écosystème (les champignons) et qu’on recherche avec passion, les fonctionnaires donc, soient en nette diminution! Sans eux, plus d’omelette aux cèpes!

En dehors de cette addiction «boletophagique», ces touristes des bois sont sûrement loin de connaître toute la richesse biologique et culturelle de la forêt.

Les arbres et les forêts appartiennent au patrimoine mondial de l’humanité. Ils et elles concernent le biologiste, le naturaliste, le physicien, le chimiste, le forestier, l’urbaniste, le chasseur, le pharmacien, le préhistorien, l’historien, le géographe, le peintre, le musicien, le poète, le philosophe, le croyant (la pomme a été croquée!), le politique, …en bref nous tous.

• Le poète Brassens vivait heureux auprès de son arbre et regrettait bien de l’avoir quitté !
« Au plus profond des bois, la patrie a son cœur. Un peuple sans forêts est un peuple qui meurt. » André Theuriet.
• L’écrivain et politique Chateaubriand, écologue avant l’heure, affirmait : « Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent .»
• Pour le politique Alain Rousset, l’arbre est une promesse du futur, bien autre chose qu’une promesse électorale. Nous devons renommer notre progrès.(affaire à suivre!)
• La République n’était pas indifférente; la Marseillaise, dans un couplet oublié :
« Arbre chéri, devient le gage, de notre espoir et de nos vœux,
Puisses-tu fleurir d’âge en âge et couvrir nos derniers neveux.
Que sous ton ombre hospitalière, le vieux guerrier trouve un abri,
Que le pauvre y trouve un ami, que tout français y trouve un frère ! »

L’arbre est bien «enraciné» dans notre langue: prendre racine, racines mathématiques, racines du mal, racines des mots, «branches» de l’industrie. Arbre généalogique, de l’évolution, de vie. «Feuilles» d’impôts!

Il est présent dans la symbolique:

• Légendes : Saint Louis rendant la justice, Lou bielh cassou, Saint-Vincent-de-Paul (Landes).
• Traditions, coutumes (arbre de Noël), la vie sociale: le chêne de Guernica, l’arbre de la liberté, le cyprès des cimetières, l’arbre du souvenir; le Pin franc : ralliement des cathares et symbole de liberté, repère topographique… Il fait partie de notre histoire, de nos «racines» culturelles, le compagnon incontournable de toute vie biologique, passage obligé de notre vie sociale.

A propos de vie sociale, pardonnez une petite anecdote pas très sérieuse qui se rattache au bois !

Il paraît que Louis IX promulgua en 1254 un édit menaçant d’extradition toute personne vivant directement ou non de la prostitution à Paris. Deux ans plus tard, sous le poids des protestations, Louis IX change d’idée. La prostitution n’est plus interdite mais réglementée. Les filles devaient simplement exercer hors de la ville. Elles s’installèrent dans des baraques en bord (bois) appelées bordes, d’où le nom de filles bordelières et de bordel.
 Saint-Louis serait donc l’inventeur des bordels !

Passons à des choses plus sérieuses.

Pour Francis Hallé, l’arbre est un être à la fois unique et pluriel. L’homme possède un seul génome, stable. Chez l’arbre, on trouve de fortes différences génétiques selon les branches; chacune peut avoir son propre génome, ce qui conforte l’idée que l’arbre n’est pas un individu mais une colonie, un peu comme un récif de corail. En fait chaque pousse de l’année se développe, fleurit, fructifie sur les restes de la pousse de l’année précédente. La totalité de l’arbre est un emboitement de générations, la nouvelle se développant sur l’ancienne. Les générations successives, mortes, assurent l’accumulation des déchets toxiques:la lignine qui forme le bois, le ravitaillement et l’épanouissement des jeunes, toujours plus haut et plus loin, vers la lumière. L’arbre est donc un enchainement d’individus vivant une seule année alors que l’accumulation des individus : l’arbre, serait immortel, sauf maladies ou accidents bien sûr. Le plus vieil arbre que l’on ait identifié pour l’instant, le houx royal de Tasmanie, a 43000 ans. Sa germination remontrait au Pléistocène, au moment de la coexistence entre Neandertal et l’homme moderne.

Le terme d’arbre généalogique prend donc tout son sens !

La forêt intervient dans trois domaines : écologique, économique, thérapeutique.

1°) Fixation et aération des sols, circulation et réservoir d’eau. Rôle trophique, de réserve biologique et de biodiversité. Rôle climatique : régulateur des vents, de l’évaporation, de la chaleur; purificateur de l’air : rejet d’O2, prise du CO2 ; très important puits de carbone.

L’instituteur faisait réciter, jadis, à ses élèves :

L’arbre nous fait l’eau, l’eau nous fait le pré,
le pré, le troupeau, le troupeau l’engrais,
l’engrais le blé.

2°) Économiquement, le bois devient, de façon dangereuse, à la mode, dans son utilisation pour le chauffage ou la production d’électricité; par exemple la centrale de cogénération biomasse Biolacq est un «grand bêtisier» ; le bois qui brûle dégage du CO2 ! Par contre, la construction (charpente ….), l’industrie du meuble.., permettent de stocker le CO2.

Les fruits des arbres sont des sources de vitamines et nutriments, les graines fournissent le café…, les feuilles, le thé…, la sève ou apparentés : sucre, caoutchouc, résine et dérivés. Ils sont aussi les marqueurs des paysages en géographie et écologie : maquis, garrigues…

3°) L’arbre a joué et joue encore un grand rôle en médecine et en pharmacopée.

Tout ce rappel pour justifier le cri d’alarme au niveau régional, national et mondial, de la disparition d’origine anthropique des arbres. Certains prétendent qu’on reboise. Quantitativement, c’est vrai peut-être chez nous, mais ce n’est pas le cas qualitativement: les essences étrangères: chêne d’Amérique, tulipier de Virginie, les épicéas et conifères acidifiants, les peupliers OGM, ou les cultivars dont la poussée est rapide, employés en mono sylviculture «engraissée», déstabilisent notre écosystème. Et puis, ce n’est pas le cas en Afrique, Amérique du Sud, Indonésie où les forêts disparaissent rapidement sous la pression des demandes en biocarburants(canne à sucre, palmiers à huile) et de l’élevage. La politique forestière gouvernementale est anti-nature et anti-économique à long terme; c’est un abandon pur et simple des forêts domaniales aux lois du marché avec un gestionnaire, l’ONF, au bord de la privatisation, à qui l’on demande de se payer sur la vente de bois et de couper plus. Tout cela est scellé dans le prochain contrat de plan Etat-ONF.

Au plan régional, les mesures préconisées par l’INRA de ceinturer et de séparer des îlots de pin maritimes dans les Landes, par des brèches en feuillus pour servir de «paravent» contre le vent et le feu, d’hébergement pour les prédateurs des chenilles processionnaires, ne sont pas suivies, d’où les futures catastrophes en vue.

Au niveau de l’agglomération, l’authenticité de la ville de Pau est inséparable de son boisement. Les arbres sont un élément paysager; le vert est reposant, l’ombrage apporte de la fraîcheur et protège du soleil, ou de la pluie, l’été; sans les feuilles, ils laissent passer le soleil les jours d’hiver, mais c’est surtout un formidable filtre des polluants de nos voitures, un pourvoyeur d’oxygène efficace.

Le parc du château de Pau est devenu une pépinière; il a perdu ses «âmes flottantes» des vicomtes de Béarn, de Gaston Fébus, des rois de Navarre jusqu’au futur Henri IV. Des conseils donnés par l’ONF (le parc est une gestion domaniale) visaient à préserver quelques arbres pluri centenaires: chênes, hêtres, en les ceinturant de barrières, pour éloigner le public, par sécurité, et en plaçant des panneaux pédagogiques expliquant la valeur patrimoniale d’arbres qui ont vu passer Henri IV et dont la biodiversité des espèces hébergées était considérable. Certains, renfermant une espèce hautement protégée: l’Osmoderma eremita ou«pique prune»(rapport de l’ONF), ont été abattus, avec l’accord du Préfet!!.

Cet insecte est un bio-indicateur fiable de la qualité des milieux. il est strictement protégé sur l’ensemble du territoire par l’arrêté du 23 avril 2007.

Les politiques ne sont pas les seuls responsables; des habitants réclament régulièrement l’abattage des arbres, car les feuilles tombent dans leur jardin ou gênent leur vue! D’autres veulent les supprimer car ils sont la cause d’accidents. Comme si les arbres étaient responsables! Après eux, il faudra supprimer les trottoirs, les clôtures, pourquoi pas les maisons! Avec un taux d’alcool ou de drogue plus faible, moins d’arbres traverseraient la rue devant les conducteurs!

Goudronnage et bétonnage sont les deux mamelles de beaucoup de nos concitoyens; il y a beaucoup de travail pour faire comprendre qu’une symbiose est indispensable entre l’homme et les arbres dans la cité.

par Georges Vallet

crédits photos : <a href= »http://www.photo-libre.fr »>Photos Libres</a>

Le système de pôle régional est-il pernicieux ?

Le treillage EuropéenCet ancien système de pôle régional serait-il pernicieux ? Attirerait-il tous les intérêts économiques, au détriment du reste du territoire ? 

Les pôles (régionaux ou nationaux) attirent les intérêts économiques parce qu’ils constituent des « écosystèmes » particulièrement performants, capables d’interactions positives. Ils tirent profit de la mondialisation. Le développement se fait ainsi, partout dans le monde depuis des siècles.
Tous les territoires régionaux ne peuvent pas agglomérer toutes les compétences même si les vitesses sont accrues dans tous les sens ; ce qui est d’ailleurs une illusion. Dans les territoires, tout un ensemble de revenus (retraites, sociaux, publics, tourisme, loisirs par exemple) existent également. Il crée une économie souvent florissante. Les régions s’appliquent d’ailleurs à capter ces revenus sans trop se soucier de savoir comment ils sont produits.

Il est maintenant établi que revenus et création de richesses ne se localisent pas au même endroit. Les richesses créées dans les métropoles se retrouvent distribuées dans les provinces plus efficacement qu’on ne le pense généralement.
Le cliché de « Paris et le désert français » publié en 1947 et sa traduction par le dogme de l’égalité des territoires ont la vie dure. Les métropoles ont plutôt été affaiblies par plus de trente années de régionalisation. La réforme régionale dont le principal objectif est le « redressement productif », ne fait que corriger cette situation. Mieux vaut redistribuer des richesses créées dans le pays par des métropoles, naturellement  efficaces, que de continuer à emprunter.

Certes, il faut aussi tenir compte des effets de 20 à 30 ans de déficits publics, de remodelage du territoire (souvent délocalisations ou migrations à l’échelle du pays) ainsi que des effets négatifs de la mondialisation.  Des problèmes humains, des frustrations et des inquiétudes (bas salaires, emplois précaires, écarts de revenus, prix élevés du logement par exemple) existent. Ils demandent, à défaut de réponses impossibles à court terme, des perspectives ; parfois des boucs émissaires.  Cette « déprime » n’épargne pas non plus notre territoire qui n’est pourtant pas des plus mal loti.
En plus, nous dit-on, il faudra tenir compte du réchauffement climatique, de la fin de l’énergie bon marché, de la réduction de la biodiversité ainsi que celle des espaces agricoles et naturels. On nous annonce également la fin d’une situation de plein emploi (au sens encore actuel) et l’avènement de  la mobilité comme valeur dominante du XXIe siècle.

La réforme des régions donne la priorité à l’accroissement du « PIB dit compétitif ». Ainsi un réseau Toulouse- Barcelone- Marseille- Lyon sera vraisemblablement plus productif qu’un réseau Bordeaux- Bilbao- Saragosse.
Les autres problématiques nécessiteront peut-être une adaptation du schéma proposé.
Mais les élus suivent les évolutions davantage qu’ils ne les provoquent.
Aussi les territoires  devront montrer leur capacité à coopérer et non à se concurrencer ou encore à mettre en application des modèles territoriaux prospectifs ; mosaïques de projets (adapté aux pays de l’Adour), Interface entre métropoles et périphéries (adapté à Bordeaux ou Toulouse) par exemple.
En attendant, il est important que l’Etat assure le contrôle de l’application de la réforme actuelle, de ses effets ainsi que des corrections nécessaires.

– par Larouture

PS : Article inspiré par les échanges entre MM. Sango et Lacanette, suite à l’article de
M. Boutin du 16/07/2014, «  Réforme territoriale : N’oubliez pas les Pyrénées-Atlantiques ! ».

Illustration : Le treillage Européen, ©R.Brunet,  Mappemonde 66 (2002.2)