La volonté politique de développer le numérique est incontestable ; le développement d’Internet est globalement perçu comme un progrès fantastique irréversible.
C’est vrai.
Mais toute médaille, même en or, a son revers que l’on ne doit pas ignorer pour l’assumer. Là aussi, la transparence est nécessaire.
L’incidence des TIC sur l’environnement est encore très loin des préoccupations. Les usages auxquels elles nous invitent : écrire, lire, écouter de la musique, voire en composer, échanger des mails, parler au téléphone, parler en vidéo sur Internet, faire des photos.. semblent à mille lieues de toute activité polluante. Il est vrai qu’à aucun moment, de l’acquisition et de l’usage, la dimension écologique est évoquée, à part parfois l’emballage, trop encombrant! L’intérêt cache tout.
>Des effets, effectivement, sont largement positifs :
L’aventure spatiale et médicale, le contrôle des pollutions, la modélisation des risques environnementaux majeurs, la mise en place des SIG, des capteurs affinant l’épuration des eaux, la surveillance et la sécurité de la qualité des milieux: biologiques et culturels, la modélisation climatique, les écoquartiers, la maison, les moteurs, les transports, les réseaux énergétiques, les compteurs,….. intelligents !
>D’autres sont, par contre, nettement négatifs.
De nombreuses lectures, soit livresques, soit sur Internet, engagées ou pas, permettent en dépit d’une rigueur relative des chiffres (en existe-t-il de vraiment objectifs ?), de se faire une opinion…. «soutenable» !
Bien que des progrès aient été réalisés en matière d’économie d’énergie, le développement des TIC annule les gains obtenus. Une étude de la société Enertech montre qu’un «poste audiovisuel» dévore en 2008, 550 kWh d’électricité, soit le double comparativement à 1998. Les écrans LCD consomment moins d’énergie que les écrans cathodiques à taille égale, mais comme ils sont bien plus grands, ce gain est vite perdu. La production croissante de gadgets électroniques contrebalance largement la réduction de consommation de certains appareils. La plupart des familles sont équipées d’ordinateurs, parfois de plusieurs. D’après un rapport du Conseil général des technologies de l’information, les TIC pèsent 13,5% dans la consommation électrique française.
La demande énergétique des NTIC progresse rapidement, de l’ordre de +10% par an en France. A ce rythme, il faudra fournir en 2030 l’équivalent de ce que peuvent produire 200 réacteurs nucléaires, avec leurs avantages et surtout leurs redoutables risques!! Comme l’explique Richard Ferrère informaticien du laboratoire de mathématiques de l’Université de Besançon :
« Derrière un clic, il y a toute une infrastructure que l’on ne voit pas, des appareils, des réseaux bien matériels que la magie de l’immédiateté et la taille réduite des objets ont fait oublier. Un data center moyen consomme près de quatre mégawatts par heure soit l’équivalent de 3000 foyers américains».
Selon les sites consultés, le coût énergétique n’est pas le même. Plus il contient d’images, de vidéos, de publicités, plus il nécessite d’électricité. Une étude suédoise montre qu’au-delà de 20 minutes de lecture de textes sur le Web, ce média consomme plus d’énergie qu’un journal papier(Le Monde 12 janvier 2009).
A elles seules, les TIC sont responsables, en France, de 5% des émissions de gaz à effet de serre. Selon une étude commandée par l’Ademe, 20 mails par jour et par personne représenteraient annuellement les émissions de CO2 équivalentes à plus de 1000 km parcourus par une voiture !
Les spams ou pourriels ont, en 2009, une empreinte carbone annuelle équivalente à celle de trois millions de voitures sur la route chaque année.
Si l’on en croit une récente étude du cabinet d’analyses spécialisé Gartner, l’industrie informatique génère autant d’émission de gaz à effet de serre que l’industrie aéronautique, soit 2% du total des émissions de CO2.(Rue 89).
Google possèderait plus d’un million (2010) de serveurs et achèterait 500.000 nouveaux ordinateurs par an, Amazon 450.000 en mars 2012, Microsoft 300.000, Facebook 60.000 en 2010.
Pour relier les ordinateurs, plus d’un million de km de câbles ont été posés au fond des océans, soit 25 fois le tour de la terre. Ces transferts de données par fibres optiques, qui permettent de faire transiter 40 millions d’échanges dans un fil épais comme un cheveu, nécessitent des investissements importants. Des bateaux appelés câbliers partent régulièrement de Calais à travers le monde pour aller poser sur le fond des océans; ces tuyaux: Inox, cuivre, polyéthylène, plastique… participent à l’élaboration de ces fibres optiques qui, elles, sont réelles, ainsi que les GES produits !
«Nous vivons dans le temps de la démesure»
Cédric Biagini dans l’Emprise numérique.
Contrairement à ce qu’annoncent les chantres de l’économie de l’immatériel, la consommation annuelle de matières premières n’a pas cessé de croître pour atteindre 60 milliards de tonnes. On consomme 50% de ressources naturelles en plus qu’il y a trente ans(Commissariat général au Développement durable :2010). La demande en matériaux a explosé depuis une quinzaine d’années. Près de 5 milliards d’habitants possèdent des téléphones portables qui peuvent contenir 12 matériaux différents.
La fabrication d’un ordinateur nécessite 1500 litres d’eau, 240 kg de combustible fossile et 22 kg de matériaux différents (fair-computer.ch) dont : cuivre, aluminium, plomb, or, zinc, nickel, étain, argent, fer, platine, palladium, mercure, cobalt…qui viennent du monde entier, en général par voie aérienne(GES) La course à la miniaturisation oblige à utiliser les fameuses «terres rares» recherchés pour leur forte réactivité. La Chine en a le quasi monopole d’où les grandes tensions politiques. A cela s’ajoute l’obsolescence programmée, symbole de la société de gaspillage.
Outre les impacts directs sur l’environnement comme les excavations de grandes quantités de terre engendrant le défrichage de sols, l’élimination de la végétation et la destruction des terres fertiles, cette course aux matières premières a des conséquences humaines et sanitaires désastreuses. Pour la République démocratique du Congo, la richesse en cuivre, coltan, zinc ou diamant provoque des désordres politiques et économiques allant jusqu’aux conflits armés. On estime a plus de 3,5 millions le nombre de personnes tuées dans les guerres pour le contrôle des ressources. Le coltan utilisé dans les téléphones portables est acheté aux rebelles et à des compagnies minières hors la loi par des sociétés internationales, dont Cabot Inc aux USA, HC Starck en Allemagne(filiale de Bayer), Ningxia en Chine. Ces sociétés transforment le minerai en une poudre qu’elles vendent à Nokia, Motorolla, Sony, Siemens…(L’échappée 2008).
Jamais autant de déchets n’ont été produits. Selon l’Ademe, la production annuelle moyenne de déchets municipaux par Français s’élève à environ 543 kg dont 16 à 20 kg de DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). Que faire de toutes ces déjections de la société connectée? Le rapport du Cniid et des amis de la terre nous éclaire: «Environ la moitié des 20 à 50 millions de tonnes des DEEE produits dans le monde chaque année alimentent les économies informelles des pays du S, essentiellement Asie et Afrique: démantèlement des appareils, recyclage rudimentaire des métaux précieux avant de finir dans des décharges sauvages. En bout de chaîne, les chiffonniers accomplissent un pénible et dangereux travail où les enfants et les femmes sont exposés sans protection aux vapeurs toxiques des métaux lourds et des dioxines émises par le brûlage des déchets.
On jette l’opprobre sur la Chine mais les jouets de Noël et la plupart des appareils utilisés par les TIC sont fabriqués en Asie où les contraintes humaines et environnementales sont peu considérées. Par contre, ils sont utilisés en Europe!
Il n’y a aucune raison que les Tic vertes réduisent les émissions de GES; elles vont sans doute réduire l’augmentation de certains impacts, mais en augmenter d’autres.
La Bien-pensance ambiante, le greenwashing publicitaire, consiste à ne retenir que le brillant de la médaille, on cache ce qui donne mauvaise conscience, une position de «tartuffe» donc !
«Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.»
– par Georges Vallet
crédit photos: promptinc.org