Cinq cent mille postes de fonctionnaires en moins, c’est un minimum !

imgscan-contrepoints822-fonction-publique    La France vit au dessus de ses moyens avec une dépense publique record, 57,5% du PIB (« La vérité est dans les chiffres «  AP du 27/03/2017 ). La masse salariale des fonctionnaires s’élevait à 278 milliard d’euros en 2014, en progression constante et représente 22,7% de la dépense publique. Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les mesures qui s’imposent ?

Pour cela, il suffit de consulter un excellent rapport de la Cour des Comptes d’octobre 2009, une époque où Philippe Seguin en était le responsable. Petit extrait :

 « Cela n’empêche pas de reconnaître que la décentralisation a également généré des coûts qui n’ont pas de réelles contreparties pour les citoyens.

La décentralisation a en effet démultiplié les niveaux de décision, les structures administratives et les doublons. C’est le fameux mille-feuille administratif. On dénombre aujourd’hui plus de 36 000 communes, 100 départements, 26 régions et 16 000 structures intercommunales. Circonstance aggravante : l’Etat n’a pas su adapter en conséquence ses propres services déconcentrés, comme en témoigne le bilan en matière d’effectifs.

Les mesures de décentralisation engagées depuis les années 1980 auraient dû en effet se traduire par un allègement corrélatif des effectifs de l’Etat.

En 1980, on dénombrait 2,1 millions de personnes dans la fonction publique d’Etat et 1,1 million dans la fonction publique territoriale. En 2006, on en dénombrait plus de 2 millions et demi dans la fonction publique d’Etat (400 000 de plus !) et plus de 1,6 dans la fonction publique territoriale (1/2 million de plus), soit une augmentation en 25 ans d’à peu près un million de personnes dans les deux fonctions publiques.

Ces chiffres en disent plus que de longs discours.

Les collectivités territoriales ont de leur côté procédé à des recrutements supplémentaires, pas forcément rattachables à l’exercice des compétences nouvelles.

On a ainsi constaté une forte progression des effectifs dans les échelons territoriaux qui n’étaient pas concernés au premier chef par les changements induits par la décentralisation, notamment les communes. Entre 1980 et 2006, les effectifs des communes ont augmenté de plus de 47 % ; ceux des intercommunalités de 147 %.«      (Philippe Seguin 29 Oct 2009)

 https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-conduite-par-l-Etat-de-la-decentralisation

evolution effectifs 1980 2006

Evolution territoriaux

On voit ici la gabegie gigantesque qui s’est produite dans les communes et intercommunalités. Déjà en 2006 il aurait fallu supprimer bien plus que 400 000 postes dans la seule fonction publique territoriale, et presque autant dans la fonction publique d’Etat !

Evolution depuis 2006

Etat Territoriale Hospitalière Total
1980 2 173 169 1 021 000 670 791 3 864 960
2006 2 524 440 1 662 501 953 590 5 140 531
2013 2 385 500 1 878 700 1 152 700 5 416 900
2014 2 400 000 1 900 000 1 180 000 5 640 000
2015 * 2 477 000 1 984 000 1 186 000 5 647 000

Et bien évidemment la gabegie à continué dans toutes les fonctions publiques comme on le voit dans l’évolution entre 2006 et 2015, sauf dans la fonction publique d’Etat suite à la RGPP de Sarkozy.

On note :

+ 321 500 dans la fonction publique territoriale

+ 232 410 dans la fonction publique Hospitalière

 

Dans son rapport d’Octobre 2016 sur les finances publiques locales, la Cour des Comptes en rajoute :

« De 2002 à 2013, les effectifs de la fonction publique territoriale se sont accrus de 27,5 %, soit 405 000 agents supplémentaires. Pour plus de la moitié, cette évolution est venue des communes et des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) dont les effectifs ont augmenté de 20 %, soit 243 000 agents alors que ces entités n’ont pas fait l’objet de nouveaux transferts de compétences de la part de l’Etat, à la différence des départements et des régions. »

On peut aussi citer notre Président de Région socialiste Alain Rousset qui déclarait le jeudi 13 novembre 2014 à la commission des lois du Sénat :
« Oui, nous avons confondu en France l’emploi public et le service public. Oui, nous avons dégradé le service public parce que nous avons privilégié l’emploi public, que ce soit au niveau national ou au niveau territorial. Reconnaissons cela à notre débit. Il n’y a pas de contestation possible là-dessus, tous les recrutements qui ont été faits en redondance avec les communes plutôt que de la mutualisation… »

« en France, on a acheté l’intercommunalité. Nous sommes dans un pays gaulois où chacun veut garder tout et le reste (…) Plus l’intercommunalité était riche, plus on a payé cher par habitant. Comme l’intercommunalité a été payée, achetée, les intercommunalités ont recruté massivement ».

( « Rousset enfin illuminé » AP du 18/11/2014)

A cette inflation galopante de personnel il faut rajouter des taux d’absentéisme incroyablement élevés, surtout, là encore, dans la fonction publique territoriale. En 2013 premier au palmarès, Amiens, absentéisme moyen 40 jours par agent, avec une répartition qui en dit long 49,3 jours d’absence pour les titulaires et curieusement 13,7 jours pour les non titulaires…

Même François Bayrou est scandalisé par cet absentéisme à Pau : « avant que nous arrivions, en 6 ans l’absentéisme était passé de 9% des agents à 16% des agents, 1% d’absentéisme de plus tous les ans, c’est incroyable ! » Il serait aujourd’hui à 12,5% (c’est plus de 300 personnes tous les jours en arrêt …)

Nos maires sont de piètres manager, on le savait.

On pourra relire « Vacances territoriales » AP du 29/9/2014 qui montre les différences d’absentéisme entre public et privé… bizarre.

Il faut noter que l’amélioration de seulement 1% de l’absentéisme dans la fonction publique représente 56 000 équivalents temps pleins …

D’un autre côté, dans le privé on note une augmentation de la productivité de l’ordre de 1% par an, cette productivité ayant été aidée par la révolution numérique. Pas dans la fonction publique française, pourquoi ?

Pour la fonction publique territoriale, une décision drastique est indispensable, mais l’Etat n’a pas vraiment la main sur ce secteur décentralisé. Il n’empêche qu’il doit obtenir des Maires de France une diminution au minimum de 500 000 fonctionnaires territoriaux. L’arme de la dotation de l’Etat doit être utilisée pour négocier des objectifs de réduction significatifs. Evidemment il faudrait que les rapports de la Cour des Comptes aillent au delà de leur seul pouvoir consultatif, mais aussi que les citoyens exigent de leurs maires une gestion rigoureuse.

Dans la fonction publique hospitalière, commençons par poser que la qualité des soins qui est proposée est remarquable et qu’il existe dans beaucoup d’hôpitaux des équipes médicales à la pointe du progrès.

Dans un premier temps il faudra d’abord prendre du temps pour expliquer la situation car les syndicats ont fait croire aux media et aux citoyens que ce qui se passe aux urgences des grands hôpitaux est la généralité de la situation. Des mesures d’amélioration des performances existent et la première consiste en un vrai passage au 35 H/semaine, sans RTT, car c’est là la première source de problème (voir les tentatives d’augmentation de la productivité aux Hôpitaux de Paris par Martin Hirsch). Il faudra bien sûr continuer à supprimer les établissements dont l’activité n’est pas suffisante, aller vers plus de médecine ambulatoire et rendre aux urgences leur vraie vocation d’urgence. Mais il faudra aussi augmenter considérablement la productivité du personnel hospitalier.

L’étude faite par l’INSEE « Comment évaluer la productivité et l’efficacité des hôpitaux publics et privés ? » parue le 16/5/2013, Economie et Statistique No 455 et 456, décortique le fonctionnement de ces établissements (Bien noter que le public traite 56% du total des dépenses hospitalières).

Hôpitaux lits et personnel

Ce tableau montre une disparité énorme dans les ratios personnels/lits entre privé et public.

Ils vont quasiment du simple au double entre privé et public comme entre grand établissement et petit.

Il faut sûrement pondérer cela par les types de patients, mais la différence restera grande.

Dans son rapport 2014 sur la Sécurité sociale la Cour des Comptes traite dans son chapitre 14 « Les dépenses de personne médical et non médical des hôpitaux : une maîtrise précaire ». Une de leur recommandation :

« Un programme national d’efficience portant sur l’optimisation de l’organisation, la gestion des effectifs et du temps de travail à l’hôpital est ainsi à mettre en œuvre de manière prioritaire ».

 Les marges de progrès en matière de personnel sont importantes contrairement à l’image qui est donnée de l’hôpital public par les syndicats …

Pour compléter, quelques points de repère que donne l’étude réalisée par l’Institut Thomas More en 2012 sur la comparaison France Allemagne des dépenses de santé :

« Dépenses hospitalières : une économie potentielle de 26,4 milliards d’euros.

Un facteur autrement important est à chercher, malgré de nombreuses réformes du côté d’un système hospitalier trop coûteux. Chaque Français dépense pour l’hôpital 409 euros de plus que son voisin d’outre-Rhin (1 229 euros contre 819), soit au total un surcroît de dépenses de 26,4 milliards d’euros. Cela n’est pas le fait du hasard, mais le fruit de plus de lucidité et de courage outre-Rhin, où l’on a mis en œuvre des réformes visant à l’alignement des tarifs de remboursement des actes effectués dans les hôpitaux publics sur ceux effectués dans les hôpitaux privés. Cette réforme a été achevée en 2009. Elle n’est toujours pas faite en France. Le résultat aujourd’hui est qu’il y a beaucoup plus d’établissements hospitaliers en France (2 751 contre 2 084 en 2009) : soit 42,7 établissements pour un million d’habitants contre 25,4 en Allemagne (soit 68% de plus). Mécaniquement, les établissements sont aussi plus petits : 154 lits par hôpital en France en moyenne pour 323 en Allemagne (soit 52% de moins). Du côté du personnel, le constat est le même : on compte 1 608 personnels hospitaliers pour 100 000 habitants en France, contre 1 338 en Allemagne. Cela permet alors d’avoir un tiers de personnel en moins par lit d’hôpital : 2,44 personnes en France contre 1,63 en Allemagne. »

Les sources de progrès sont donc très importantes et clairement identifiées. Il faudra bien que la fonction publique hospitalière se remette (un peu) en question.

Dans la fonction publique d’Etat, les sources d’optimisation existent aussi, par exemple la fermeture des sous préfectures, utiles dans les époques où on se déplaçait à cheval et obsolètes à l’heure de l’internet. Et en y regardant de près, un nombre considérable d’Agences et autres Comités Théodules perdurent alors que leur utilité est plus que discutable. Ce sont souvent le point de chute des amis …cela ne peut durer.

L’informatisation efficiente des ministères doit se poursuivre et se traduire par des baisses d’effectifs.

Le cas de l’Education Nationale doit lui aussi être examiné.

1 052 000 fonctionnaires dont 197 500 non enseignants (chiffres 2015)

Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des enseignants, dont nous avons parlé récemment, laisse largement sous silence le problème des enseignants qui ne sont pas devant les élèves. En 2012, ce seraient [*92.400 enseignants qui ne seraient pas en charge d’une classe*]. Ces enseignants peuvent s’occuper de quelques élèves, ou bien rester inemployés une partie de l’année (remplaçants). A cela s’ajoutent [*125.000 personnes*] (essentiellement des enseignants) qui, en 2011, étaient gérées par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, mais qui [*n’étaient pas en fonction au sein du ministère*] : ils travaillent dans un autre ministère (Affaires étrangères par exemple) ou une organisation syndicale, ou encore sont en congé (parental, fin d’activité, …). Ce problème de gestion des personnels se retrouve dans chaque ministère, mais [*dans l’enseignement, 217.500 personnes auraient ainsi été sous-employées en 2011.*] (IFRAP Juin 2013)

En complément de cette situation qui mériterait plus de rigueur, le cas de l’informatique de gestion censée augmenter la productivité des administratifs montre toute l’inefficacité de l’Education Nationale :

« Le dernier en date s’appelle SIHREN, un nom sorti des fonds marins pour Système d’information et de gestion des ressources humaines du ministère de l’Education nationale. Lancé il y a dix ans, il devait coûter 60 millions d’euros. Aujourd’hui, ce budget a été multiplié par 8 : 496 millions pour un logiciel encore loin d’être opérationnel. » (L’œil du 20H, France 2)

« Engagé en 2007 sans cadrage technique et financier précis, le projet a rencontré des difficultés mal maîtrisées qui ont entravé son bon déroulement jusqu’à provoquer un quintuplement du coût final (de 60 M€ à 323 M€), un étirement jusqu’en 2023 du calendrier global et un blocage du programme… » (Cour des Comptes 6/03/2017)

On le voit, les marges de progrès existent, sans compter les améliorations évidentes. Par exemple le temps de travail réel d’un certifié qui enseigne durant des années dans le même collège, avec les mêmes classes et dont le travail de préparation/correction est réduit au strict minimum, bien loin des 39 heures dont se réclament les syndicats d’enseignants, ou bien le scandale des agrégés qui enseignent en collège, en prime avec seulement 15h de cours, …etc.

Concernant le taux d’absentéisme, celui des enseignants est légèrement inférieur à la moyenne des fonctionnaires avec un taux de 6,9% mais curieusement plus du double de celui des enseignants du privé qui se situe à 3,2 % (Chiffres DGAFP par LCI oct 2016).

Même s’il faudrait une étude plus détaillée par secteur, on peut facilement viser une réduction d’environ 700 000 postes de fonctionnaires dont 500 000 dans la fonction publique territoriale.

Entre départs à la retraite et contractuels, cela est tout à fait réalisable sur un rythme de 80 000 par an (120 000 départs à la retraite naturels) et ce sans augmentation du temps de travail.

Il est évident que l’augmentation du temps de travail n’a aujourd’hui pas de sens dans ces secteurs ou la priorité est l’augmentation de la productivité.

Il faut s’interroger sur les causes d’ une telle dérive. J’ai eu l’occasion si souvent de répéter que la professionnalisation de nos politiques entraînait leur volonté, à tout prix, d’être ré élu, et donc la démagogie et le clientélisme qui en découlent. Et aujourd’hui, s’attaquer à la productivité des fonctionnaires est faire preuve d’un courage immense, quasi suicidaire.

Il ne faut pas oublier qu’en plus des 6 millions d’actifs, il existe aussi plus de 3,7 millions de retraités de la fonction publique (chiffre 2015) cela fait sans doute près de 15 millions de bulletins de vote si on inclut les conjoints… Le lobby le plus puissant de France, et de très loin !

Mais il faudrait bien sûr aller plus loin (cela devrait être fait d’abord…) en copiant ce qu’ont déjà fait nombre de pays : la suppression du statut de fonctionnaire pour la très grande majorité de la population actuelle.

Ce statut qui pouvait à la rigueur se comprendre à la sortie de la seconde guerre mondiale n’a de justificatif que dans quelques fonctions régaliennes, et encore, bon nombre de militaires sont depuis longtemps des contractuels.

Il en résulterait immédiatement une augmentation importante de la flexibilité et de la performance.

Daniel Sango