Lettre au Père Noël


Cher Père Noël,

Le soir de noël nous serons sur le rond-point, en face du bâtiment de la Poste qui vient de fermer, avec papa et maman. Papa m’a dit qu’on ferait brûler des palettes pour nous tenir chaud. Elles viennent de la cour de l’Usine abandonnée depuis deux ans. Là où papa travaillait avant d’être au chômage. On n’aura pas froid, c’est l’avantage du réchauffement climatique dont ils parlent tant à la télé. Je l’espère du moins. Grand-père et Grand-Mère seront là avec nous ; en fait on sera comme à la maison où de toute façon on ne se chauffe plus après 7 heures du soir. Même que maman a attrapé mal la semaine dernière -elle est quand-même partie à six heures du matin pour faire le ménage à l’Ephad. Avec nous, il y aura tous les nouveaux copains de papa et maman. Tous ces amis qu’ils se sont faits sur le rond-point, ces gilets jaunes. Avec eux papa a retrouvé le moral, il rigole, il chante. Il est comme avant…  comme quand il allait au boulot, tous les matins…

Père Noël fait en sorte qu’il ne pleuve pas…

On m’a dit qu’on ferait un bon repas. Sur le rond-point, il y a un copain de papa, agriculteur. Il a un fort accent et il veut m’apprendre l’occitan. « Adiou gouyat ! » Il me dit quand je le vois. « Adishats gouyat ! » quand il s’en va. Il a dit qu’il amènerait du foie gras pour tout le monde. « Du foie gras maison ! » a-t-il précisé devant les copains. Moi, je n’en ai jamais mangé du foie gras, alors ! On fera griller des morceaux de dinde sur le barbecue que papa a bricolé. Et la grand-mère de mon copain Luis, celle qui a un accent espagnole, va préparer du vin chaud avec de la cannelle. Evidemment je ne pourrais pas en boire. Les enfants on aura du coca et des « chamalos ». Et il y aura des cadeaux.

Père Noël, voilà le cadeau que je voudrais :

Je voudrais une voiture. Une voiture comme celle de papa et maman qui l’aiment tant leur voiture. Qui se donnent tant de mal pour l’entretenir. Pour la vidanger, la laver. Qui parlent si souvent d’elle avec amour, avec orgueil. Ils ont pu se payer une voiture et la première fois qu’ils s’en sont servis… la première fois qu’on est monté dedans tous les trois c’était comme un rêve. Sauf qu’aujourd’hui elle reste devant la maison car on n’a pas d’argent pour mettre du gasoil dans le réservoir. Père Noël, je sais que je ne pourrais pas avoir une vraie voiture. Je suis un fils d’ouvrier, un fils de chômeur mais je ne suis pas un idiot -mon père non plus d’ailleurs. Je voudrais une voiture à pédales. Une voiture écolo qui ne consomme pas d’énergie et qui ne fasse pas de bruit. Une voiture à pédales que personne ne m’enlève et qui roulera tout le temps. Tu crois que c’est possible, Père Noël ?

Père Noël, je voudrais que papa et maman soient heureux.

Ils sont très gentils pour moi. Ils se démènent tous les deux. Papa fait des petits boulots chez les voisins. Il taille les haies. Il répare les fuites d’eau, les pannes électriques. Il fait ça au black comme il dit. Mais il ne faut pas le dire car sinon on lui supprimerait « les allocs ». Maman elle fait des heures supp et le dimanche je reste souvent seul devant la télé. C’est triste. Et quand maman rentre, elle n’est pas toujours gentille. Elle est crevée. Je la comprends parce-que je l’aime. J’aime ma famille. On n’a pas grand-chose mais on y est bien. Il y a tous ceux qui ne nous aiment pas à la télé. Qui parlent mal de nous, qui nous traitent de fainéants et qui nous trouvent pas assez intelligents. Père Noël je me demande ce qu’on leur a fait ? Tu pourrais me l’expliquer ? Père Noël, ils sont gentils mes parents, ils ne méritent pas ça. Je voudrais tant que papa retrouve du travail. Et que maman ne soit plus obligée de faire des heures supplémentaires.

Voilà ma lettre cher Père Noël, tu es le messager des enfants, ta hotte est pleine de jouets pour les enfants des riches et comme pour ceux des pauvres, car tout le monde a droit à son moment de bonheur qu’il soit riche ou pauvre. Je sais aussi que tu es un homme de paix : fais en sorte que cette soirée de fêtes, sur le rond-point des gilets jaunes, se passe dans la sérénité.

 

Pierre Michel

 

 

14 commentaires sur « Lettre au Père Noël »

  1. Nous allons laisser à nos enfants et petits enfants une dette abyssale de l’Etat plus toutes les dettes de la SNCF, de l’EDF, Les commentateurs des médias , et même d’Alternatives n’en parlent pas. Evacuons ces problèmes et faisons comme les autruches, mettons nos têtes dans le sable.

    1. « Les commentateurs des médias , et même d’Alternatives n’en parlent pas »
      Mais si tout le monde en parle, à commencer par moi même dans un article très récent du 2/12 :
      https://alternatives-pyrenees.com/2018/12/02/pas-de-beau-cadeau-pour-les-gilets-jaunes/

      « Mais le problème est bien plus compliqué car depuis 42 ans, nous avons été incapables de présenter un seul budget de l’Etat en équilibre, si bien que notre dette frôle les 100 % du PIB, et va bientôt les dépasser car toujours pas de budget en équilibre alors que les bons élèves de l’Europe y arrivent. »

      Mais le problème c’est que les gens s’en moquent…
      Après nous le déluge, exactement comme le réchauffement climatique…

    2. « Nous allons laisser à nos enfants et petits enfants une dette abyssale de l’Etat plus toutes les dettes de la SNCF, de l’EDF, »
      cette dette n’est rien par rapport à la dette écologique!

  2. «cher Père Noël, tu es le messager des enfants, ta hotte est pleine de jouets»

    La hotte, en effet, était pleine de jouets, mais le fisc s’est aperçu que ce patrimoine devait plutôt participer au développement des entreprises qu’au plaisir des enfants; il a donc été taxé si bien que le père Noël n’a plus de jouets!

    Toutes les générations, réelles comme virtuelles, doivent participer à l’augmentation du PIB!

  3. A la lecture de l’article, m’est venu à l’esprit le film « le voleur de bicyclette » et ensuite la chanson « les roses blanches ».
    Or je ressens plutôt cette comptine comme un succédané du « réalisme ».
    La part donnée à l’optimisme est bien grande et puis le petit garçon a passé l’âge de croire au Père Noël.

  4. Réponse du faux papa Noël. Mon petit garçon. Les enfants de la plèbe, des gueux et de la populace doivent se contenter de miettes. En plus tu n’es pas assez intelligent pour comprendre que tes parents sont trop pauvres pour acheter une voiture hybride ou électrique à plus de 20000 euros. Je n’apporte des cadeaux qu’à ceux qui ont les moyens de supporter la transition écologique. seuls les enfants de riches ont droit à mes cadeaux fiscaux (isf flat tax). Ton esclave de père est un chômeur donc une feignasse. Ta famille mérite à peine le smic et des cdd à temps partiel. Tu es trop stupide pour comprendre qu’un pacte avec les riches de vous laisser crever dans la misère et l’esclavage est avantageux pour maintenir mon emploi. rêve toujours petit enfant stupide tu me fais marrer

    1. Les mêmes personnes doutent de la précarité des gilets jaunes comme ils doutent que E. Macron soit un militant de la classe des riches, conduisant à ne pas revenir sur l’impôt sur les grandes fortunes. Tout simplement en niant que cela soit ces mêmes riches qui ont financé la campagne d’E. Macron qui a récolté ainsi 15 millions d’euros pour sa campagne, sans avoir besoin de cotisations d’adhérents ou d’élus de son parti qui n’avait pas encore d’existence.

      1. Il ne s’agit pas de croire ou de douter : la composition sociologique du mouvement des gilets jaunes a été analysée à de nombreuses reprises, avec des conclusions assez convergentes : le coeur du mouvement n’est pas constitué des classes les plus défavorisées du pays, mais des petites classes moyennes. Cela ne veut pas qu’il n’y a pas aussi de vrais pauvres qui se sont greffés sur le mouvement, mais encore une fois ils n’en constituent vraisemblablement pas le coeur. Cet article postule même que les vrais pauvres pourraient être les victimes collatérales du mouvement : https://www.telos-eu.com/fr/et-les-pauvres-dans-tout-ca.html

        Vous pouvez le nier, mais ce serait bien d’étayer vos thèses, dans ce cas.

        Le financement de la campagne de Macron est un autre sujet.

        1. Les sources de votre argumentation laisse à penser que l’essentiel des gilets jaunes était constitué de personnes vivant nettement au-dessus du seuil de pauvreté. Un peu comme si les pauvres se satisfaisaient de leur sort ou bien qu’ils auraient honte d’exprimer publiquement leur mécontentement. En comptabilisant davantage de gilets jaunes parmi les couches sociales intermédiaires, cela peut donner l’impression que ses demi-pauvres expriment leur mécontentement par la peur à devenir réellement pauvre à leur tour.
          Il faut vraiment se situer dans le haut gratin des intouchables pour considérer que ce mouvement des gilets jaunes aura des effets collatéraux pour les personnes pauvres, avec l’Etat qui sera contraint de réviser à la baisse les aides sociales attribués aux pauvres pour financer le plan gouvernemental de sortie de crise.
          En clair, comme tout mouvement revendicatif appauvrit les plus pauvres, soyons humains pour ne pas exprimer notre mécontentement. Soyons soumis et résignés. Les pauvres nous en seront reconnaissants.Quelle pauvreté d’esprit.

          1. Je vous remercie pour la « pauvreté d’esprit » dont vous me gratifiez pour la seule raison (apparemment ?) que je ne partagerais pas votre vision des choses.

            Je n’ai pourtant, il me semble, pas un instant commenté la légitimité ou pas à porter des revendications même si on n’appartient pas aux classes les plus défavorisés. J’ai simplement porté au débat le fait que le coeur du mouvement des GJ n’était pas constituées de ces classes là, contrairement à ce que l’article laisse entendre.

            Sur les effets collatéraux ou pas pour les pauvres, à chacun de se faire son opinion. J’ai tendance pour ma part à partager la thèse de l’article. Pas forcément à court terme, et pas forcément sur les aides sociales aux plus démunis. Mais ce mouvement avait une forte teinte anti-fiscale, et à moyen terme si on veut payer moins d’impôts il faudra bien trouver sur quoi rogner : par exemple les études seront de plus en plus chères avec des droits d’inscriptions en hausse (le mouvement est d’ailleurs déjà amorcé), et donc encore moins accessibles aux classes défavorisées qu’aujourd’hui (notons que même les classes moyennes qui protestent aujourd’hui y perdront, mais elle ne s’en rendent pas compte). Mais cela fait de moi un « pauvre d’esprit », j’en prends note.

  5. La réponse du Père Noël (reçue ce soir et transmise par une dépêche de l’AFPN -Association des Faux Pères Noël-)

    Mon cher enfant,

    Je sais que tu es très sage et aimes tes parents comme l’argent le beurre. Hélas, il faut que tu saches que tes parents Gilles et John, que je connais très bien car ils étaient dans un temps ancien des enfants eux-mêmes, ont tellement rué dans les brancards qu’ils ont assassiné l’Economie du pays, « vidalisant » ainsi ma hotte des quelques cadeaux fiscaux que je leur promettais. Tout cela s’est passé très vite, et je comprends qu’un gamin de ton âge n’ait pas suivi le cours des événements, ni ne l’ait compris. Alors sache que par tous ces problèmes rencontrés entre Rovaniemi et la cheminée de ton domicile a été anéanti mon gentil commerce : j’ai dû licencier mes lutins et les rennes qui tirent mon traîneau ont été revendus à Vladimir Poutine, pour éviter de trop grands frais de transport. Monsieur Trump a, de son côté, déjà avalé les dindes de Thanksgiving et j’ignore quels dragons viendront nous caraméliser au Nouvel An Chinois. Cependant, petit garçon sage et poli, garde espoir, le petit Jésus n’est pas encore né, mais dis à tes parents que ce n’est pas forcément un cadeau que celui de sa naissance. Il contribue à faire tourner en rond, (au même titre que le Judaïsme, l’Islam, la Chrétienté, bref toutes ces religions monothéistes qui illusionnent par un « futur » monde meilleur qui pourtant dans le réel sans cesse empire) les enfants sur des giratoires, en plein hiver, rongeant des bûches de vrai bois, croquant du foie gras pygmalionnesque et buvant du Coca Cola dans le frimas, quand leurs parents (qui ont ressorti leurs vieilles casquettes de plage) en sont au petit jaune de l’apéro . Pour le vin rouge, il faudra attendre la rondeur des arènes, n’est-ce pas ?
    Bon Noël;

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