Trouver les mots

non-a-l-esclavage--solidarite

« Nous vivons sous la dictature de Twitter et de Marlène Schiappa »
Laurent Ruquier in le JDD du 16 juin.

La polémique autour de la romancière/chroniqueuse de « On n’est pas couché », Christine Angot et de ses propos sur l’esclavage me donne l’occasion de reprendre la plume pour dénoncer (une nouvelle fois) la bien-pensance, version nouvelle mais plus dure de ce que nous appelions, dans un passé récent, le « politiquement correct ». Christine Angot en a fait les frais dans l’émission phare « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier pour des propos violemment attaqués sur les réseaux sociaux par ses « confrères », chroniqueurs qui l’ont précédé dans la même émission : Nolleau, Zemmour ou par des stars de la télé comme Audrey Pulvar. Tout cela sent le règlement de compte, la détestation interne liée au système médiatique, les égos froissés et, franchement, cela ne nous concernerait pas si le fond n’avait de l’intérêt.
Voici les faits rapportés par le Huffingthon Post, ils se sont déroulés dans l’émission du 1er juin 2019, lors d’un dialogue avec Franz-Olivier Giesbert. Christine Angot affirme que les souffrances ne se valent pas et que l’on ne peut pas comparer la souffrance des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale à celle des esclaves noirs. Elle déclare alors:
« Le but avec les Juifs pendant la guerre, ça a bien été de les exterminer, de les tuer, et ça introduit une différence fondamentale, alors qu’on veut confondre avec par exemple l’esclavage et l’esclavage des Noirs envoyés aux États-Unis ou ailleurs, et où c’était exactement le contraire. C’est-à-dire l’idée c’était qu’ils soient en pleine forme [« Qu’ils soient en bonne santé, oui », insiste Franz-Olivier Giesbert], en bonne santé pour pouvoir les vendre et pour qu’ils soient commercialisables. Donc non, ce n’est pas vrai que les traumatismes sont les mêmes, que les souffrances infligées aux peuples sont les mêmes. »
Il semble bien que ce soit une précision qui s’impose et que nous soyons là dans une constatation de bon sens. D’ailleurs Franz-Olivier Giesbert, abonde dans ce sens : On le voit hochant la tête pour acquiescer à cette assertion de l’ex-chroniqueuse. Le propos n’est pas d’absoudre les esclavagistes ou de minimiser le monstrueux phénomène de l’esclavage qui a touché tous les continents, le problème est de bien percevoir que tout n’est pas égal et que la pensée moderne doit être en effet « complexe » en matière historique notamment. Ainsi, il ne faut pas confondre camp d’internement, camp de concentration et camp d’extermination, les conditions de vie n’étaient pas les mêmes, l’objet, la fonction, de chacun ces camps non plus.
Sans doute faut-il voir dans la violence des réactions à l’égard de Christine Angot une manifestation supplémentaire de cet antisémitisme radical qui se manifeste de manière de plus en plus violente (cf. l’agression à l’égard de Finkielkraut) très différente de la tradition antisémite portée depuis la fin du XIXème siècle par l’extrême-droite. Le raisonnement en est simple: les juifs sont des oppresseurs, la politique d’Israël en est la manifestation la plus patente, les pays pauvres sont des victimes. Il faut donc défendre ces derniers, aveuglément, quitte à relativiser un passé pourtant récent, un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité par ces motivations et son fonctionnement, la mort industrielle, la Shoah. Le comble étant de lui comparer le sort des animaux d’élevage comme nous l’avons lu ici et là.
La philosophe Maryline Maeso répond ainsi à Christine Angot : « Génocide et esclavage ont beau être différents, dans les deux cas, il y a une déshumanisation inacceptable, et la souffrance qui en découle est incommensurable. Que l’autre soit traité comme de la vermine ou comme une marchandise, il n’est plus un être humain. Il est nié ». Bien sûr ! Qui dit le contraire ? Trouve-t-on trace de « négationisme » dans les mots de Christine Angot? Un député veut la poursuivre dans ce cadre ?
Laurent Ruquier intervient dans le débat lors d’une interview récente donnée au Journal du Dimanche où il déclare: « Nous sommes en permanence la proie des lobbies, des associations, de corporatismes catégoriels, du communautarisme… Or, ce qui est grave, c’est que des journalistes eux-mêmes s’y mettent ! ». Il précise : « Qui vient aujourd’hui accuser Christine Angot de racisme ? Eric Naulleau. Lequel travaille toujours avec Eric Zemmour. On est vraiment chez les fous ! (…) Ni l’un ni l’autre ne se sont autocensurés à l’époque, quand Christine Angot et Charles Consigny ont souvent été obligés de mettre le pied sur le frein par peur du ramdam que risquait de provoquer le moindre écart de leur part. »
Il s’y connaît en matière de médias Laurent Ruquier. Faut-il douter de sa sincérité ? Cherche-t-il à faire le buzz avancer de lancer sa nouvelle émission ? Ou au contraire pointe-t-il une dérive réelle, cette autocensure permanente sous la pression des résos sociaux et de ceux qui en abusent comme Marlène Schiappa ? La télévision disposait-elle « d’infiniment » plus de libertés du temps de Michel Polac. J’ajouterai accepterions-nous aujourd’hui la causticité d’humoristes acerbes comme Coluche ou Thierry Le Luron quand il chantait au président de la république impassible « L’emmerdant c’est la rose » ?
Christine Angot s’est excusée le 4 juin dans un communiqué de presse avec élégance : « je n’ai pas su trouver les mots. Je le regrette. Mon travail est de me faire comprendre. Je m’excuse d’y avoir échoué. Il me tenait à cœur d’éloigner la concurrence victimaire dont certains jouent ».
« Trouver les mots » en effet ça n’est pas évident.
Pierre Michel Vidal

La formidable aventure du Lynx (en Espagne) : A quand dans les Pyrénées ?

En 2002, il y avait seulement 94 exemplaires de Lynx, répartis sur deux zones, dans le sud de l’Espagne : une dans le parc national de Doñana (embouchure du Guadalquivir), l’autre à Andújar (province de Jaén). L’animal était donné en voie d’extinction.

En 2018, sa population est évaluée à 686 exemplaires ! Vivant sur 125 km2 en 2002, ils sont maintenant répartis, sur 3064 km2, en Andalousie, Extremadure, Castille et sud du Portugal. Les « miracles » seraient-ils possible en matière de conservation et de reproduction animale ?

C’est en 1998, que Miguel Ángel Simón, biologiste née à Jaen, commence dans le cadre du programme Life, financé par des fonds communautaires et privés, à inventorier, mettre en « conservation » et aider à la reproduction des Lynx ibériques. Il passe 20 ans à cette tâche. Avec méthode et argent, 20 ans plus tard, le résultat est là. La semaine prochaine, à Bruxelles, Miguel Ángel Simón sera honoré pour ce résultat hors-norme. 

Dès le début pour le biologiste, il n’y a qu’une méthode : la reproduction et la réintroduction des animaux en s’assurant d’un « consensus social » des collectivités locales, de l’administration espagnole, des propriétaires des grandes fermes qui caractérisent le sud de l’Espagne, des sociétés de chasses et des citoyens en général.

Miguel Ángel Simón vient de prendre sa retraite. Il peut être fier du travail développé depuis son centre de conservation et de reproduction de “El Acebuche”, situé à Matalascañas dans le parc de Doñana. Un centre qui n’est pas resté seul puisque le zoo botanique de Jerez et les centres de Silves (Portugal), Granadilla (Cáceres), Santa Elena (Jaén) participent maintenant aussi au « repeuplement » des Lynx ibériques. 

L’incroyable succès du programme attire beaucoup de monde. Parmi les derniers hôtes de marque : Angela Merkel et Pedro Sanchez.

A quand des Lynx dans les Pyrénées ?

– par Bernard BOUTIN

Plus sur le programme de reproduction du Lynx ibérique : c’est ICI (en espagnol et anglais). Lire aussi la parution dans El País du 11 mai 2019 (espagnol).
credit photo : https://www.lynxexsitu.es/index.php

Sur le Chemin de Saint-Jacques (II): arrivée à Compostelle

IMG_20190501_121148.jpg« Il n’y a pas de chemin qui mène au bonheur, le bonheur est le chemin. »

Bouddha

 

Cette année ce fut pour moi le tronçon final, celui qui mène du petit village noyé dans la brume du col d’O Cebreiro à Santiago de Compostelle, but de l’itinérance, à travers les vertes collines de la Gallice. C’est une splendeur que cette excroissance celtique dans l’Espagne que l’on imagine uniquement aride voir déserte. Ici tout est douceur et tempérance : une splendeur sous le soleil tiède que ces près d’un vert tendre piquetés de fleurs de champs jaunes, violettes, roses et bleues surtout. Les chemins creusés par une longue cohorte de pèlerins et par le ruissellement de l’eau partout présente, sont bordés de camélias blancs et rouges sang, de genets jaunes et blancs, on y prend à pleine mains des touffes d’aneth et de fenouil parfois aussi d’odorante citronnelle. Pour qui sait entendre c’est une volière : les merles, les grives, les alouettes, les hirondelles, les palombes chantent leurs refrains mais aussi, planant en silence, les autours dessinent leurs cercles dans le ciel.

Bientôt nous entrerons dans de magnifiques forêts de chênes, de pins et surtout d’immenses bois d’eucalyptus bien rangés qui parfument l’air pur. C’est une nature magique, un paysage virgilien que l’homme abandonne progressivement, car les villages traversés sont désertés désormais et les austères et solides églises romanes désormais fermées pour la plupart. Le retour au monde moderne, ne se fera que plus tard dans la vallée, en vue des campaniles de la cathédrale de Saint-Jacques.

Il faudrait être anthropologue pour cerner les motivations du flot toujours plus nombreux de « pèlerins » : à Orzua, deux étapes avant Santiago, on en recense aujourd’hui plus de 3000 par jour. Ils seront plus nombreux encore dans le cours de la saison, nous dit-on… Qui sont-ils, donc ? Ils viennent du monde entier : Brésil, Indonésie, Etats-Unis, Canada, Porto-Rico, Hollande, Italie, lointaines Canaries aussi pour ceux que j’ai pu aborder. Il y a ensuite de nombreux Français et une masse importante d’Espagnols venus de toute la Péninsule. L’ensemble est jeune, parfois très jeune –moins de 18 ans- et s’il fallait donner une moyenne d’âge nous dirions, à vue de nez, entre trente et quarante ans.

Leurs motivations ? Religieuses pour certains mais ils sont peu nombreux. Les messes proposées sur le parcours ont une assistance restreinte si on le compare à la densité des voyageurs. Sportives pour une bonne part d’excellents marcheurs entraînés et équipés et pour les cyclistes qui sont de plus en plus nombreux. La motivation première ? L’amour de la découverte d’un paysage nouveau, d’un autre style de vie –l’itinérance-, la confrontation avec l’effort corporel et le simple goût d’une aventure sans risques majeurs. Il y a une sorte de laïcisation de cette expérience millénaire.

Ainsi de jeunes espagnols, dévalent le chemin en bande joyeuse pour sceller leur amitié à la fin d’un cycle d’études. D’autres le font en solitaire, mais ils ne le restent pas longtemps seuls et les motivations de tous sont réellement altruistes, réconfortantes sur la nature de la jeune génération qui aspire –elle le montre ici- à autre chose qu’à vivre enfermée dans des bureaux où à accumuler richesse et pouvoir. Le téléphone est rare sur le chemin comme le sont les écouteurs. C’est un retour de longue haleine -pour certains deux mois de marche- aux valeurs de la vraie vie.

Mais la vraie vie n’est pas un long fleuve tranquille. Les marchands du temple sont là et bien que discrets encore, ils se positionnent sur les bords de la voie –longtemps sacrée- pour harponner le chaland. On vend de tout. On propose tout type d’hébergements. Comme Barrés le disait de Lourdes c’est « une pluie de richesse » qui s’abat sur cette région isolée. Une aubaine dont on ne saurait se priver.

L’asphalte gagne sur la terre et une grande partie de l’itinéraire emprunte des routes où circulent voitures, camions et tracteurs sans beaucoup d’égards pour les marcheurs. Pas de rails de sécurité ; pas de passerelles piétonnes ni même de feu pour traverser les voies les plus empruntées. Et, surtout, de très nombreux cyclistes qui dévalent les pentes à fond slalomant entre les piétons, groupes compacts quand le chemin devient étroits sans règles ni précautions. A cela s’ajoute des incivilités nouvelles : on signale des vols, du trafic de cannabis. Faudra-t-il instaurer une police du chemin ? La croissance exponentielle des marcheurs depuis que le Chemin a été décrété Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2002, obligera à prendre des mesures et le parcours perdra en authenticité. Il a déjà beaucoup perdu selon les plus anciens…

L’arbre ne doit pas cacher la forêt : on est si fier, si heureux d’arriver sur l’esplanade de Saint Jacques après les chutes, les crampes, les ampoules, les envies de tout laisser tomber, que, oui, sans aucun doute cela vaut la peine…

Pierre Michel Vidal

 

« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église».

838_victor_hugo-hunchback.jpg

 

« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée ».

Victo Hugo « Notre-Dame de Paris »

Le drame que nous venons de vivre, cette catastrophe terrible, touche tous les Français et sans doute tous les Européens, il a des répercussions dans le monde entier et tous s’attristent, quelques soient leur religion ou leur culture, de la perte de Notre Dame. Cette solidarité est émouvante, la France est encore un phare ; Paris est une ville lumière…

Cette tragédie ne touche pas les seuls catholiques. Naturellement ils sont endeuillés, au seuil de cette Semaine Sainte comment de pas entendre leur peine ? Mais beaucoup de ceux qui ne sont pas croyants se retrouvent dans la pensée de Victor Hugo, l’apôtre de la « religion universelle ». Ils ont grandi avec ses personnages et, avec la toiture de Notre Dame c’est Quasimodo, le bossu magnifique, qui disparaît dans les flammes. La cathédrale de Paris, bien sûr c’est un édifice religieux mais c’est aussi un patrimoine commun. Sans doute le monument le plus emblématique de notre pays, tant d’événements se sont déroulés sur son parvis… les scènes de la Révolution et celles de la Commune, le sacre de Napoléon, puis la Libération de Paris ; l’enterrement du Général de Gaule et plus tard les obsèques de François Mitterrand… Quel monument symbolise mieux que ce vaisseau embarqué sur la Seine l’universalité de la France ? Cette « France Éternelle » à laquelle nous sommes fiers, à juste titre, d’appartenir.

Reconstruira-t-on Notre Dame ? N’est-ce pas une illusion bien de notre époque que de croire que l’on peut bâtir deux œuvres d’art à l’identique et qu’il suffit de monter une ou plusieurs cagnottes en ligne pour cela… Pourrait-on repeindre la Joconde si par malheur elle brûlait ? Le sourire de Mona Lisa serait-il le même ? La perte est irrémédiable, définitive. On bâtira autre chose ; une sorte de mémorial, une copie au mieux. Il faut le faire mais il faut avoir conscience qu’on ne vit pas deux fois et qu’il en est de même pour les monuments. Certes on a relevé la cathédrale de Reims détruite par les canons allemands pendant la guerre de 14, mais la nouvelle n’est plus l’ancienne.

Il faut avoir conscience de cela et aussi de l’énormité du chantier car le savoir des bâtisseurs s’est perdu. La cathédrale de Paris ce n’est pas une tour de Manhattan ou d’Abou Dhabi. La générosité des donateurs petits ou grands est louable et bien incompréhensibles sont les fâcheux qui pointent du doigt ces donateurs fortunés qui mettent la main à la poche très largement. N’ont-ils pas une vocation de mécènes et sans eux que seraient devenus tant de tableaux, de sculptures et l’existence de tant d’artistes elle-même ? Ils sont là dans leurs rôles et il est mal venu de critiquer les Pinault, Arnaut et autres milliardaires pour leur générosité. Comme le dit le proverbe populaire : « à cheval donné on ne regarde pas les dents ».

Ces événements tragiques devraient nous faire réfléchir comme français et comme européens. Prendrons-nous du recul sur nos obsessions dérisoires : le matérialisme, la consommation, le confort, l’égoïsme ? Nous détournerons-nous de nos superficielles utopies : l’animalisme, le cosmopolitisme ou le transhumanisme, pour ne citer que celles pointées par le philosophe Francis Wolf dans un ouvrage récent ? Prendrons enfin nous la distance qui s’impose face à la société du spectacle ? A la télé et aux médias en général ? Ce drame nous aura-t-il montré que la spiritualité qu’elle soit laïque ou religieuse est au centre de l’univers.

Une ultime pensée pour ces milliers de bâtisseurs de cathédrales qui se sont sacrifiés, usés à la tâche pour réaliser leur idéal : bâtir un édifice qui soit le temple de la foi et de la beauté… Un ouvrage qui  demanda plusieurs siècles de travail acharné avant de s’achever et qui, on l’a vu hier, s’effondrera, pour partie, en quelques heures…

Pierre Vidal

« Banalité du mal »*

 » À l’heure actuelle, mon avis est que le mal n’est jamais “radical”, qu’il est seulement extrême, et qu’il ne possède ni profondeur, ni dimension démoniaque. Il peut tout envahir et ravager le monde entier précisément parce qu’il se propage comme un champignon. Il “défie la pensée”, comme je l’ai dit, parce que la pensée essaie d’atteindre à la profondeur, de toucher aux racines, et du moment qu’elle s’occupe du mal, elle est frustrée parce qu’elle ne trouve rien. C’est là sa “banalité”. »  Hanna Arendt « lettre à Scholem du 24 juillet 1963 »

L’agression dont Alain Finkielkraut a fait l’objet samedi à Paris est une horreur, une tâche morale qui achève de discréditer les Gilets Jaunes qui, après avoir défendu des objectifs honorables, soutenus par Finkielkraut lui-même, obtenu pas moins de dix milliards d’euros et fait plier les sacro-saintes règles européennes en dépassant les 3% de déficit budgétaire, auraient dû rentrer sagement à la maison légitimement fier d’un succès conséquent. Manipulation ? Naïveté ?  Irresponsabilité ? Les GJ ont persisté, accumulant des revendications absurdes et des attitudes scandaleuses.

Ainsi Alain Finkielkraut, écrivain, académicien et animateur d’une excellente émission de Radio le samedi matin sur France Culture a été molesté et traité, entre autre, de « sale juif » lorsqu’il sortait de chez lui. La scène véritablement haineuse étant filmée, les faits ne peuvent pas être contestés. Il n’aurait pas dû sortir, c’était de la provocation ont expliqué, après coup, certains « beaux » esprits. Parmi ceux qui relativisent cette inacceptable agression des personnes connues, de gauche, d’extrême gauche ou proches des milieux indigénistes, comme Jean-Pierre Mignard, Thomas Guénolé, Aude Lancelin ou Yassine Bellatar. Citons par exemple ce tweet de Thomas Guénolé de la France Insoumise : « Cela fait des années qu’Alain #Finkielkraut répand la haine en France. Contre les jeunes de banlieue. Contre les musulmans. Contre l’Education nationale. Etc. L’insulter, comme insulter quiconque, est condamnable. Mais le plaindre, certainement pas ». C’est ce que l’on appelle banaliser l’affaire car il ne s’agit pas d’insultes mais de menaces physiques et morales qui à travers une personne visent une communauté, compte tenu de l’Histoire de cette communauté ça n’est pas neutre. Le tweet de l’avocat Mignard familier de François Hollande, est du même tonneau : « Alain Finkielkraut se fait huer lors de sa présence le long du cortège GJ. On s’émeut sur les plateaux. Bon d’accord mais il n’a pas été, et heureusement frappé. Ce qui aurait tout changé. Là il doit être content. Il le cherchait. On l’avait oublié. C’est réparé ». Et celui de Yassine Belatar, humoriste proche d’Emmanuel Macron : « Durant une semaine voire plus, tous les médias parleront de cet acte pour faire l’amalgame entre musulmans et ces abrutis. Évidemment personne ne sera en face pour expliquer le contraire et vous serez chez vous en train de chialer.#Finkelkraut a tellement fait de mal… »

Nous avons dénoncé ici même, il y a peu, (https://alternatives-pyrenees.com/2019/01/27/noublier-jamais/ ) le cancer de l’antisémitisme, maladie latente de notre société, ancienne et bien incrustée, qui ressort brutalement et menace la cohésion sociale ; la République. Pas d’excuses donc, tolérance zéro ! La manifestation prévue mardi soir à Pau devrait rassembler très largement tous les courants de pensées et toutes les sensibilités politiques. Tout le monde en conviendra, même si on ne partage pas ses idées, Finkielkraut ne répand pas la haine en France. Lors d’une récente émission sur France Culture il a reçu par exemple, avec empathie, Régis Debré au parcours si différent du sien. On ne peut donc pas le taxer d’intolérance et même si… cela ne justifierait en rien ces actes immondes.

La réaction du maire de Pau François Bayrou dans  La république de ce lundi est pleine de bon sens : « Face à la haine antisémite, le visage d’Alain Finkielkrault était à soi seul un acte de résistance. Comme est un acte de résistance sa déclaration : ‘J’ai ressenti la haine absolue… Je ne porterai pas plainte… Ma position, c’est de comprendre…’ »

Que dit l’agressé, des violences qu’il a subies (in le Figaro de ce lundi) : « Nous ne vivons pas le retour des années 30. C’est à un nouveau type d’antisémitisme que nous devons faire face. Ce sont des gens qui ont crié “Palestine”, qui m’ont traité de sioniste. Il y en a un avec une légère barbe qui me dit “Dieu va te punir”: ça n’est pas tout à fait le langage de l’extrême droite, c’est même la rhétorique islamiste. Peut-être y a-t-il des gens d’extrême droite qui s’accrochent aux wagons, comme des soraliens (proches de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, NDLR), qui rêvent d’agréger une France black-blanc-beur autour de la haine des Juifs. C’est la version hideuse de la convergence des luttes.»

Observateur perspicace des évolutions sociétales et pour cela durement attaqué, le philosophe nous livre ainsi une clé de cette brutale résurgence qui non seulement nous bouleverse mais donne aussi une image calamiteuse de notre pays. C’est bien de défiler, d’envoyer des tweets rageurs mais il faut d’abord comprendre d’où vient cette poussée de haine du juif, sinon nous allons droit dans le mur. Cessons les atermoiements : à la question y-a-t’il un lien entre antisémitisme et antisionisme ? La réponse est oui. L’ « islamogauchisme » favorise-t-il ces actes odieux ? La réponse est oui également. Les faits sont les faits.

Pierre Vidal

 

*« Banalité du mal » concept élaboré par la grande philosophe juive d’origine Allemande, réfugiée aux Etats Unis, Hanna Arendt qui passa plusieurs mois enfermée dans le camp de Gurs.

Photo : cercledesvolontaires.fr

 

Pas de train sans contrôleur

Un p’tit train s’en va dans la campagne
Un p’tit train s’en va de bon matin
On le voit filer vers la montagne
Tchi tchi fou tchi tchi fou
Pleins d’entrain… 

André Claveau.

Des trains sans contrôleurs c’est ce qui nous attend, sur les lignes dites secondaires ; celles qui concernent quotidiennement une grande partie d’entre nous. Cette décision imminente de la SNCF (on parle du mois de mars) est critiquée par le personnel, elle l’est aussi par de nombreux voyageurs et c’est assez naturel. Le monde change certes, et la machine est censée remplacer le contact avec l’être humain, c’est l’ère numérique qui, annoncée comme un facteur de progrès est en réalité, pour beaucoup –et notamment les plus âgés qui prennent en priorité les transports collectifs- , un casse-tête supplémentaire.

Ainsi, vous l’ignorez peut-être, mais il y a une station, un arrêt plutôt, à la Croix du Prince pour la rame qui va de Pau Gare jusqu’à Bedous désormais. On ne dira jamais assez l’intérêt de cette ligne qui réduit la circulation sur une route dangereuse et déjà très embouteillée. Elle sert cette proximité qui est réclamée par de nombreux de nos concitoyens et participe au désenclavement du monde rural. Une rame confortable, ponctuelle qui semble considérablement fréquentée entre Pau et Oloron en tout cas.

Donc si vous montez dans le train à la Croix du Prince vous ne pouvez pas acheter votre billet sur place car il n’y a pas de distributeurs. Si vous avez acheté une carte de réduction senior, vous ne trouverez pas cette réduction sur page horaire de la SNCF pour prendre le billet à l’avance –elle existe paraît-il mais personne ne la trouve ni n’est capable de la montrer pas même le personnel SNCF. Ainsi si vous arrivez au dernier moment sans billet vous serez obligé d’aller voir le contrôleur, comme vous en avez le droit pour quelques jours encore. Ainsi vous vous signalez auprès de lui et celui-ci vous  fait un billet au prix normal, dans le train. Tout se passe bien ; dans la courtoisie. Les contrôleurs sont assez vigilants pour éviter les infractions. Donc vous descendez à Buzy, par exemple. Au retour, après avoir passé la journée avec votre copain agriculteur, il n’y a pas non plus de moyens d’acheter de billets à cette halte bien commode comme il n’y en a aucun distributeur sur la ligne entre Pau et Bedous sauf à la gare d’Oloron. Rebelote : vous vous signalez dans le train et le contrôleur vous fait un « titre de transport ». Pas de problème donc.

Eh bien, prendre son billet dans le train, ce misérable confort, ne sera plus possible à partir du mois de mars prochain. En montant dans le train sans billet vous vous exposerez à une amende sérieuse. Ainsi le prix du trajet entre Pau et Bedous passera pour vous de 11 à 19 euros. Vous serez présumés coupable d’une grave infraction (voleur en quelque sorte) et, avant même de vous déclarer au contrôleur s’il y en a un par hasard, vous serez considéré comme délinquant, coupable. Pas moyen d’échapper à cette sanction puisque les machines seront paramétrées à cet effet. Si vous persistez à monter sans billet, vous vous exposez à un contrôle à l’arrivée ; ces contrôles seront multipliés dit-on.

Entre Pau et Bedous, dans le train, la vie est un long fleuve tranquille : les paysages sont magnifiques et les voyageurs sympas. Mais ça n’est pas toujours le cas dans les TER. Les témoignages indiquent que sur la ligne Pessac-Arcachon où on expérimente l’absence de contrôleurs, les incivilités se multiplient et les voyageurs les plus fidèles et notamment les plus âgés sont régulièrement ennuyés. On signale par ailleurs que le 23 janvier dernier un accident de voiture a eu lieu entre Bayonne et Hendaye, le 16 janvier une tentative d’agression s’est déroulée entre Pau et Oloron, le 14 décembre 2018 des menaces de mort ont été proférées entre Dax et Ondres et le 10 décembre 2018 entre Dax et Biarritz un conducteur de train a fait un malaise. Tout cela désormais sera signalé par les voyageurs eux-mêmes sur une plateforme téléphonique ou par SMS. A cette invitation de la direction de la SNCF on se demande quelle sera la réponse et les moyens mis en œuvre pour intervenir s’il n’y a plus de contrôleurs et si le conducteur a un malaise : c’est le film catastrophe. Y’a-t-il un pilote dans le train ?

« Pas de train sans contrôleurs » cela devrait être le mot d’ordre des voyageurs pour leur confort comme pour leur sécurité.  Pour ce qui concerne les TER on peut encore écrire au Conseil Régional Nouvelle Aquitain, 14 rue François de Sourdis, 33077 Bordeaux  ou écrire aux élus responsables renaud.lagrave@nouvelle-aquitaine.fr ou alain.rousset@nouvelle-aquitaine.fr ou encore signer la pétition Internet Change.org PasDeTrainSansControleur.

Pierre Vidal

 

Photo Rue89 Bordeaux

 

« Novlangue »

« Du passé, faisons table rase
Foule esclave debout, debout »

Eugène Pottier 

Bernard Pivot sur son compte tweeter le 26 janvier : « Pétition signée de nombreux écrivains et journalistes contre l’utilisation de l’anglais par le Salon … du Livre de Paris ! «  Le live… Young Adult…Bookroom…Photobooth… » Incroyable! Je signe aussi. »

C’est la novlangue* qui s’adresse désormais aux citoyens, citoyenn.es. L’exemple vient de haut ainsi le premier ministre Edouard Philippe dans un tweet du 31 janvier dénonce le « surpackaging » ( ?) et Emmanuel Macron le lendemain, toujours sur tweeter, annonce trois principes pour le « Sea Watch 3 » (re ?).

Sont entrés dans les conversations quotidiennes et le langage commun, ces barbarismes : hashtag, threat, le live, la start up (… « Nation France »; une rengaine macroniste), btw, LDB, lgtb, fake news (ce dernier a un grand succès), flashballs, les holovans (?), le frexit, mes followers (ils sont 2500…), reporting (il est incomplet, ici), mon facebook, mes instagrams,  je te like, ulpoader, mi-geek, entièrement queer, backup (mieux que backroom), bandwidth, cookie (c’est pas du gâteau !), data, desktop, digital, download, FAQ (frequently asked questions), folder, keyboard, login, link, malaware (à fuir), network, process, router (pour routeur), booster (on en a tous besoin !), trailer (pour bande annonce), ma story (elle passionne tout le monde !), URL, branding, site Web, buisness-plan, design, Happiness Engineers (c’est un métier !), blogueur, bourgeoisie cool qui se décoolifie (cf. « Histoire de ta bêtise » de François Bégaudeau), punk, search marketing, success story, think-thank (lieux où l’on pense la modernité), taxer les GAFA, écouter de la house, se faire un blockbuster, attendre le Black Friday, lire la newsletter (d’Alternatives Pyrénées), aimer le Street Art et la World Music, cluster (numérique), être biker ou jeeper… J’en passe et des meilleurs de ce jargon à la mode qui donne un statut à ceux qui le manient avec ostentation au nom de l’inéluctable modernité et qui fait partie du « grand débat ».

Dans le même ordre d’idée, sont entrés dans le politiquement incorrect et par conséquent difficiles à évoquer en public et a fortiori très risqués à mettre sur la table des dîners élégants, les thèmes suivants : la viande, le climato- scepticisme, la chasse (c’est le pire !), la pêche, la corrida, le gaz de schiste, la ruralité dans son ensemble, le salaire des enseignants, les fonctionnaires (trop nombreux !), l’immigration (une menace plutôt qu’une chance), la limitation de vitesse, le nucléaire (comme source d’énergie), l’élevage industriel, les vaccins (dangereux), les avantages acquis, les syndicats (tous pourris !), les hommes politiques (indéfendables), « Plus belle la vie » (c’est ringard), les ronds-points, le jaune, les gilets, les patrons, la tolérance (il y a des maisons pour ça !), la Russie, Trump, Erdogan, Maduro, Mélenchon ou Wauquiez, Zemmour, Carlos Gohsn et localement Jean Lassalle (vous êtes sûr de votre effet si vous évoquez le maire Lourdios).

Par contre, sont bien vus : l’animalisme et pour les plus cultivés l’anti-spécisme, le végétalisme (mode récente), le trans-humanisme (on va vivre tous vieux !), le cosmopolitisme (cf. « Trois utopies contemporaines» de Francis Wolf), l’alimentation végan, la protection des baleines, des dauphins, l’interdiction des filets pélagiques, la couche d’ozone, la fonte des glaciers et de la banquise, la médecine chinoise ( c’est l’avenir), les voitures électriques, le golf, le yoga ou le pilates, le communautarisme et les minorités (raciales ou sexuelles) dans leur ensemble, les créateurs de petites entreprises, les ONG, le foot (quand la France gagne !), les circuits courts, le bio, l’apithérapie (se soigner grâce au miel), les certifications, l’écriture inclusive, l’allongement de la durée du travail, Nicolas Hulot, Jean-Louis Borloo (il avait raison trop tôt), Jean-Jacques Goldman ( ?), Thomas Pesquet, Juan Guaido, André Glukcsman et « place publique », les activistes environnementaux, la destruction de la planète et la fin du monde programmée, la croissance verte, la transition énergétique, la prime de Noël, les crèches (de Noël), le voile islamique, la laïcité (elle a fait son temps !), la loi anticasseurs, l’interdiction des vaccins, Netflix.**

Comme le déplore Jupiter, notre nouveau César, il existe des « gaulois réfractaires » à la modernité. Ces irréductibles pratiquent la battue aux sangliers puis versent des flots de cervoise lors des banquets où rôtissent les bêtes noires. Au cours de ces agapes, ils préfèrent les gauloiseries à la « novlangue ». Leur potion magique c’est le lien (social) qui les unit, les amis qui ne sont pas virtuels, mais de chair et d’os et munis de solides épaules sur lesquelles on peut compter.

Au fait, comment dit-on village gaulois en « novlangue » ?

 

Pierre Vidal

*La novlangue (ou le) a été inventée par George Orwell dans son livre prophétique « 1894 » : « La novlangue était destinée, non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée, et la réduction au minimum du choix des mots aidait indirectement à atteindre ce but ».

**Toutes ces listes sont subjectives et non exhaustives.

 

Moins de trésoreries, pour plus de trésor

monein-la-rep    L’année 2018 a mis sur le devant de la scène l’organisation archaïque de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) et les Béarnais, comme souvent, se montrent réfractaires à toute évolution, fut elle une évidence.

C’est la Cour des Comptes qui a analysé la situation de cette administration tentaculaire avec ses 110 000 agents répartis dans une multitude d’implantations (4000, le réseau le plus dense après celui des écoles…) qui datent de l’époque où n’existait ni le téléphone ni l’informatique. Son rapport de juin 2018, « La DGFiP, dix ans après la fusion. Une transformation à accélérer (Juin 2018) » propose des solutions, à commencer par un nombre et une répartition des Trésoreries adaptée aux évolutions technologiques.

« Avec plus de 4 000 implantations, la DGFiP s’appuie sur un maillage territorial parmi les plus denses de la sphère publique. Le réseau emploie plus de 85 % des agents et compte de très nombreuses petites unités : plus de 1 600 trésoreries comptent moins de 10 agents .Compte tenu des congés et de l’absentéisme, ce type d’unités ne peut délivrer des services avec une amplitude et une qualité suffisantes. »

Avec un problème de gestion du personnel tout aussi archaïque lié au statut de la fonction publique : « Enfin, malgré les efforts engagés, la polyvalence des agents et leur mobilité entre les fonctions comptables et fiscales demeurent limitées. Seuls 1 % des agents ont ainsi changé de filière. Pourtant les agents ont largement bénéficié de la fusion : de nombreux avantages et primes ont été accordés dans les années post-fusion, générant une hausse de la masse salariale de près de 300 M€ sur la période 2009-2012. »

L’outil informatique doit être lui aussi modernisé : « De plus, la DGFiP fait face aujourd’hui au vieillissement avancé de plusieurs pans de son architecture informatique, construite par sédimentation de couches applicatives dont certaines remontent aux années 1970 .La résorption de cette « dette technique, qui freine les évolutions de la DGFiP, constitue un enjeu majeur »

C’est ainsi que deux trésoreries béarnaises se sont assez logiquement trouvées sur la liste des fermetures : Monein et Bedous. Il y en aura sans doute bien d’autres, la dématérialisation est inéluctable.

Evidemment comme chaque fois que l’on veut changer quelque chose, les Maires, dont l’existence est encore plus archaïque et dépassée (oui, il faudrait commencer par diviser par deux le nombre de communes, issues elles de l’époque où on se déplaçait à cheval et pour la majorité des habitants, à pied en sabots…) la suite serait plus simple.

Le cas de Monein est assez caractéristique de l’impuissance française car outre le fait qu’il n’y a quasiment plus d’employés à Monein, il existe à moins de 8 km la trésorerie de Mourenx …

Mais le Préfet a temporairement cédé et souhaité une période de « concertation » qui concerne aussi les autres Trésoreries (Hendaye, Saint-Jean-Pied-de-Port, Tardets )

Bedous se trouve dans le cas d’une activité trop faible et il est désolant de voir nos élus nationaux, y compris les soutiens de Macron s’opposer à des économies dont la France a pourtant grand besoin.

J’ai compté 30 Trésoreries dans les Pyrénées Atlantiques dont 17 en Béarn : c’est bien une dizaine qu’il faut supprimer en Béarn…

Pour Bedous et Monein, ce ne sera que reculer l’échéance, et contribuer ainsi à l’indispensable diminution d’une dépense publique beaucoup trop importante.

Daniel Sango

Photo : Trésorerie Monein (La République)

CAC 40 : au bonheur de l’Etat

evolution cac  Dans cette période de fièvre jaune, les contre vérités sont reines, y compris sur des media nationaux donneurs de leçons. Comment faire un « Grand Débat » intelligent et constructif alors que les bases de l’économie sont absentes ?

 « CAC 40: au bonheur du capital » tel est le titre de l’article de Médiapart du 9/1/2019 : « En 2018, les groupes du CAC 40 ont versé 57,8 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit la moitié de leurs profits. Ces sommes ne se retrouvent pas dans le financement de l’économie, malgré ce qu’avait assuré le gouvernement lors de sa réforme sur le capital. La théorie du ruissellement disait pourtant le contraire.

Cela devait tout changer. Lorsque le gouvernement français avait présenté à l’été 2017 sa réforme de la fiscalité sur le capital, la suppression de l’ISF (impôt sur la fortune), l’instauration de la « flat tax » sur les revenus du capital, il avait justifié toutes ces mesures au nom du financement de l’économie. La libération du capital devait permettre de relancer la machine économique, les investissements, l’innovation, les emplois. Au terme d’un an de mise en œuvre de ces réformes, les premiers chiffres commencent à tomber. Comme l’avait dit le gouvernement, cela ruisselle, cela ruisselle même abondamment. Mais pour une seule catégorie : les détenteurs de capitaux. » Mediapart 9/01/2019

On retrouve ce genre d’affirmation par exemple sur le site d’OXFAM, ONG bien connue : « Depuis 2009, les entreprises du CAC 40 ont versé plus de 407 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires et près de 51 milliards d’euros versés en 2017. Les entreprises françaises sont les champions du monde des dividendes et de loin les premiers en Europe. Loin des discours ambiants, la France est compétitive pour ceux qui veulent s’enrichir au détriment d’un intérêt collectif, et d’une juste répartition des richesses. »

Et nos menteurs professionnels ne s’en privent pas, comme le plus menteur d’entre eux : Jean-Luc Mélenchon, invité de l’Emission politique sur France 2, qui s’y est collé : «Aujourd’hui, les grandes sociétés de notre pays payent à peine 8% d’impôt. Alors que c’est 33%, alors que les petites boîtes payent 30%.»(Libération 24/10/2017)

Bel exemple d’information tronquée et orientée que l’on retrouve sur les media du service public : honteux.

Pour verser 57,8 Milliards de dividende, les entreprises ont dû faire des bénéfices, il traîne depuis des années de fausses informations laissant croire que les sociétés du CAC 40 ne payent pas d’impôt : faux comme le démontre le tableau ci dessous comparant les différentes tailles d’entreprises et extrait d’un article de Libération, comme quoi il existe encore des vrais journalistes… même à gauche.

https://www.liberation.fr/politiques/2017/02/24/les-entreprises-du-cac-40-imposees-a-8-les-pme-a-30-pourquoi-ce-n-est-plus-vrai_1544531

tableau imposition

On y voit clairement que l’ordre de grandeur de l’imposition est le même quelle que soit la taille de l’entreprise. Pourtant les sociétés du CAC 40 réalisent une grande partie de leurs profits à l’étranger contrairement aux petites entreprises.

« sans compter que le taux d’imposition implicite ne prend en compte qu’un tiers du poids total de la fiscalité des entreprises ». (Libération du 24/2/2017)

Mélenchon, Médiapart et OXFAM et les autres devraient mieux s’informer…

Pour ceux qui voudraient creuser le sujet, le taux implicite d’imposition est la méthode usuellement mobilisée par les organismes internationaux (Eurostat, OCDE) et la Direction générale du Trésor.

Lire page 19 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20170112-rapport-particulier-3-taux-implicites.pdf

Mais en plus, d’où vient et où va cet argent ? En première approximation si les entreprises du CAC 40 ont distribué 57,8 milliards aux actionnaires, le bénéfice total avant impôt était le double soit environ 100 milliards et l’Etat a empoché en amont 30 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés (en fait bien plus comme dit plus haut).

Mais ce n’est pas fini puisque en gros la part française va être imposée aux actionnaires individuels par la flat tax à 30% soit 9,8 milliards (les étrangers possèdent 43% du capital des sociétés du CAC 40).

En plus il faut rajouter la part qui revient à l’Etat en tant qu’actionnaire : 2,8 milliards en 2017 (Capital 5/11/2018)

Donc aujourd’hui les bénéfices du CAC 40 qui reviennent à l’Etat sont supérieurs à 40 milliards d’euro !

En fait, et de très loin, c’est l’Etat qui rafle les profits du CAC 40 qui sont bien sûr réinvestis en totalité dans l’économie (enfin… via notre immense dépense publique), contrairement à ce que voudraient faire croire certains media et hommes politiques.

Il faut de plus noter une tendance à l’augmentation de la part des français dans le CAC 40. C’est l’Etat, par le biais de la fiscalité, qui profitera aussi de cette part supplémentaire qui ne partira plus à l’étranger.

Il faut surtout relativiser ces dividendes comme le dit Pascal Quiry dans Libération (9/01/2019) : «Le versement d’un dividende ne vous enrichit pas plus que le retrait de billets à un distributeur ne vous enrichit, vous avez simplement transformé en liquide une partie de votre patrimoine. Ce qui compte, c’est que les entreprises françaises se portent bien.»

Cette image n’est pas comprise par beaucoup de citoyens, sauf par les actionnaires qui voient la valeur de l’action baisser du montant du dividende le jour de la distribution…

Ce n’est pas le cas pour l’employé qui perçoit l’intéressement, d’autant que sa prime n’est pas négative quand les résultats ne sont pas bons…

Pour l’actionnaire, il est un facteur majeur qu’il faut d’abord prendre en compte, c’est l’évolution du capital, et en 2017 le CAC 40 à baissé : « en revanche, la valeur boursière des 40 premières entreprises françaises aura globalement diminué de 10,95% l’an dernier ». Une perte bien plus importante que les dividendes nets … pourquoi ne pas le dire ?

Il faut rajouter que si l’ISF, impôt stupidement et seulement français existait, l’actionnaire aurait à payer 1,5% de son capital, histoire d’augmenter ses pertes…

On le voit, les affirmations économiques qui traînent dans des media nationaux sont tronquées ou fausses, comment dans ces conditions organiser autre chose qu’un défouloir, un déballage, bien loin d’un vrai débat ?

Daniel Sango

Petit débat

jouanno_liberation    On aura l’occasion de reparler de ce « Grand Débat » qui s’annonce très mal et commence par un petit débat orchestré par les media : le salaire de Chantal Jouanno.

Ainsi donc c’est un battage incroyable des media sur le salaire de Chantal Jouanno qui l’a contrainte à jeter l’éponge :

« Le chiffre avait tout du chiffon rouge pour gilets jaunes… le montant de sa rémunération est apparu difficilement assumable, a fortiori en pleine crise des gilets jaunes «  (Libération)

« Un débat à peine lancé, qui est déjà pollué par la question du salaire de son organisatrice. Pour son rôle de présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), Chantal Jouanno perçoit 14 666 € bruts par mois, soit autant que le Premier ministre. Une somme qui fait bondir l’opposition. «  (France TV Info)

Cette polémique est à l’image de la pollution incroyable de cette fièvre jaune où les media de gauche, à commencer par le service public, biaisent l’information.

Car ce salaire n’a rien d’extraordinaire pour cette dame dont le parcours professionnel et sportif est exceptionnel. Je ne reviendrai pas sur son ascension, BTS, emploi dans le privé, reprise des études couronnées par l’ENA (un exemple pour beaucoup), sportive de haut niveau avec 12 titres de championne de France de karaté, …etc

Tout d’abord les media auraient dû profiter de cela pour montrer à quel point on est imposé en France.

Un célibataire qui perçoit 175 200 euros comme elle, paye 53457 euros d’impôt sur le revenu. Pourquoi personne ne le dit ?

Son salaire devient alors 10 000 euros par mois . Où est l’anomalie pour un haut fonctionnaire de 50 ans ?  Interviewée sur l’A2 elle aurait dû demander quel était le salaire des présentateurs du JT… Entre 10 et 12000 € pour Elise Lucet, 15 000 pour Laurent Delahousse et jusqu’à 50 000 pour JP Pernaut… Et ne parlons pas des sportifs, des comédiens, des PDG, etc…

Ce qui est scandaleux ce n’est pas le salaire d’une énarque de 50 ans, c’est celui du Premier Ministre où du Président de la République qui sont honteusement bas.

Daniel Sango

Crédit photo : Libération