Délit de légèreté


ssimon-portraitJe crains de vous avoir choqué(e) par ma précédente chronique. Au lieu d’évoquer un livre sulfureux, j’aurais pu comparer la grisaille de notre vie publique à la couleur du ciel.

Mais cela n’aurait pas été très original. Qui ne parle de ces deux sujets en ces temps de récession et de trombes ? J’aurais pu aussi noircir le tableau. Rien de plus facile. Mon modèle se serait fait un plaisir de croquer les protagonistes des différents scandales (je vous laisse deviner son nom, mais je vous donnerai quelques indications). Il aurait eu l’embarras du choix ! Tous plus effrontés les uns que les autres. Tous clamant leur innocence jusqu’à l’évidence du contraire. Il est réconfortant que M. Cahuzac n’ait pas reçu l’accueil qu’il espérait de ses électeurs, ce qui l’a conduit à remiser ses ambitions. Mais un autre ancien ministre du budget continue à parader à la télévision, alors que sa femme (qu’il avait fait engager) travaillait pour ce qu’on appelle pudiquement «  l’optimisation fiscale » de contribuables. Lui-même, comme M. Sarkozy, traîne plusieurs casseroles et rencontrait Mme Bettencourt sans doute pour parler de la propreté des caniveaux de Neuilly-sur-Seine…

Prend-on les Français pour des sots ou des inconséquents ? Sont-ils à ce point bornés qu’ils ne puissent comprendre la différence entre un enrichissement délictueux et une opération visant à fausser la démocratie ? Peuvent-ils avoir oublié la morgue de M. Khadafi plantant sa tente sur les pelouses de l’Hôtel Marigny, comme un créancier se comporterait chez un débiteur qu’il veut humilier? Le cas du trésorier de campagne de M. Hollande est peut-être différent ; mais il serait bon que la lumière soit faite. Et que l’on n’assiste pas à de petits arrangements entre amis, comme un précédent pour des emplois fictifs à la mairie de Paris l’a montré et comme de récents avis du parquet le fait craindre. N’oublions pas que la justice de ce pays n’est pas totalement indépendante : le parquet dépend directement du pouvoir exécutif. Et lorsque cette justice est une justice privée qui offre sur un plateau la coquette somme de 400 millions d’euros à un Tapie qui se plaint d’avoir fait une mauvaise affaire, lui le dépeceur d’entreprises, le champion de la prise de risques, n’y a-t-il pas de quoi faire enrager le contribuable  (qui a déjà bien donné pour le sauvetage du Crédit Lyonnais)? Et ne parlons pas du scandale de Dexia, qui impacte tant de collectivités locales et le budget de l’Etat de manière vertigineuse.

Quant à la société civile, elle est bien peu civilisée, en particulier du côté des fauteurs de troubles présents dans les manifestations et du côté des footeux fouteurs de désordres et de violences. Ils ne peuvent évoquer que les horribles jeux du cirque des romains du temps de Néron, de Commode ou de Domitien. Pas eux, bien sûr. Ce n’est pas Commode (qui ne l’était pas) qui incommode leur cavité crânienne.

Je ne comptais pas sur eux pour évoquer l’empereur Nerva. Mais j’espérais que quelque lecteur aurait eu l’idée de comparer le choix de ce sénateur lors de l’élimination de Domitien le tyran au choix des Français pour leur président. Nerva était fort âgé pour l’époque (à peu près l’âge de M. Hollande) et paraissait bien démuni de toute autorité. Mais sa simplicité, sa ténacité, son sens de la justice  et son intérêt pour le sort des humbles lui conférèrent l’estime du peuple et du sénat. Sa réforme économique, celle des Alimenta (une sorte de Banque publique d’investissement visant à stimuler l’économie et à fournir une subsistance pour les indigents) fut d’ailleurs poursuivie et renforcée par son successeur Trajan.

Vous le voyez, j’essaie de me racheter pour ce qui est de ma légèreté. Pas aux yeux d’Oscar, bien sûr, qui verra dans le paragraphe précédent la marque de mon inféodation au socialisme. Je lui décerne la palme de l’imagination. Certes, j’avais émis l’idée que l’Europe se soucie concrètement et collectivement de son industrie (comme elle l’avait fait pour EADS) et de sa politique énergétique ? Des frémissements récents (i.e. depuis ma dernière chronique) permettent d’espérer qu’à l’avenir il pourrait en être ainsi, au moins pour l’énergie et l’industrie des panneaux solaires. Et par ailleurs, les fondateurs de l’Europe, il y a 60 ans, ne pensaient-ils pas en priorité au charbon et à l’acier ? Etaient-ce de dangereux gauchistes qui ne comprennent rien à rien, comme les gens de Bruxelles et l’auteur de ces lignes ?

Oui, j’ai commis le péché d’ironiser sur Frigide Barjeot en la comparant à Hypathie d’Alexandrie. C’est qu’il était tentant de rapprocher sa distinction [sic] et la bien-pensance des familles traditionnelles défilant sous sa bannière (il est vrai qu’elles n’avaient sans doute pas visionné son clip-vidéo « Fais-moi l’amour avec deux doigts » qui pourrait être pris par les lesbiennes comme un hymne à l’amour saphique). Mais depuis qu’elle a été menacée, j’ai envie de rappeler à chacun une version approximative des propos de Voltaire (même si j’aggrave mon cas) :
« Je ne partage pas vos opinions. Mais je me battrais jusqu’à mon dernier souffle pour que vous ayez la liberté de les exprimer ».

– par Paul Itologue

PS pour ceux qui voudraient s’amuser à deviner le personnage choisi comme figure tutélaire. Leur dire qu’il était tellement admiré de mon beau-père qu’il ensoleillait les repas de famille par les anecdotes issues de ses écrits (volumineux) ne les aidera pas beaucoup. Une autre indication : Mme Du Deffand disait de lui « Quoique son style soit abominable, les portraits mal faits, l’auteur n’étant pas un homme d’esprit…[la lecture de ses écrits vous procurerait] des plaisirs indicibles ». Balzac, Stendhal et Proust ont opté pour la fin de cette phrase ; je garde pour moi la première partie mais j’espère vous titiller un peu. Dernière indication : ne le confondez pas avec un membre éloigné de sa famille, effectivement considéré comme un socialiste et un utopiste.

PPS Cet article a été écrit avant l’odieuse agression de Clément Méric qui ne peut que renforcer une vision sombre de notre pays.

4 commentaires sur « Délit de légèreté »

  1. Serait-ce le duc de Saint-Simon, propriétaire du chateau de La Ferté-Vidame, acheté par le banquier Laborde, originaire de Bielle, à ne pas confondre avec l’inventeur du saint-simonisme ?? Merci

  2. La légèreté n’est pas un délit cher ami. Il ne s’agit que du poids de vos arguments… de plume.

    Et puisqu’il faudrait aussi se souvenir de votre contribution précédente pour comprendre les subtilités de celle-ci, j’ en fournis avec plaisir le lien à vos lecteurs afin qu’ils en profitassent à loisir.

    C’est ici

    Ou encore ici, c’est plus direct

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s