«L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue.» (Nietzsche)

GV 06 10Les derniers propos qui ont fait le buzz sont partagés par un rédacteur de Pontacq qui en fait la promotion. Ceci montre que nous vivons une époque particulièrement troublée, tant au niveau économique que politique, culturel et religieux, les quatre, d’ailleurs, s’inter-activant l’un l’autre. Pour lutter contre cette perception erronée et dangereuse, mais hélas ressentie par beaucoup de nos compatriotes, mieux vaut s’efforcer de démonter l’argumentation que de traiter par le mépris. C’est l’objet de cette intervention.
La réflexion ambiante étant de plus en plus basée sur l’émotion et l’immédiateté de l’action à réaliser, le «nano-temps» incontournable écarte toute possibilité d’inclusion du problème rencontré dans un système de pensée où le présent s’enracine dans le passé et programme le futur. Pour mener à bien un tel système, le recours à l’histoire est indispensable.

«La connaissance de l’histoire libère, à condition de s’intéresser aussi à l’histoire de l’autre et à la culture de l’autre.» Benjamin Stora.

>La France est un pays aux racines judéo-chrétiennes»

Vouloir réduire les racines de la France à ses racines religieuses, c’est le type même du raisonnement ultra-réducteur qui déforme l’histoire.
Il existe deux grands «systèmes racinaires» pour prélever les ressources du sol et permettre l’épanouissement d’une plante :

  • le système pivotant où il existe une racine principale dominante et puissante, la carotte par exemple. C’est cette image qui illustre l’affirmation ci-dessus.
  • Le système fasciculé où il n’y a pas de racine principale mais une infinité de racines ramifiées formant un chevelu s’irradiant dans toutes les directions, comme le blé qui a joué un rôle fondamental dans la nourriture de la France.

La France a «des racines» fasciculées.

Elle est le résultat d’interrelations et interactions infinies entre ses racines biologiques, environnementales, philosophiques, culturelles, technologiques, religieuses…..
La préhistoire puis l’histoire nous dévoilent, par exemple, tout au long des millénaires, le rôle déterminant joué par les contacts avec d’autres civilisations, des habitants du territoire qui s’appelle, depuis peu, la France: civilisation chinoise, grecque, égyptienne, mésopotamienne, juive, romaine, arabe..; les vagues migratoires de populations venues de l’Est, du Nord et du Sud ont contribué à imprégner et à forger notre identité, les différentes religions et leurs dérives aussi.

Toutes ces racines continuent leur développement et leurs ramifications, que cela nous plaise ou pas !

>«pays de race blanche dans lequel on accueille des personnes étrangères »

Dans ces propos, le fait d’accueillir des personnes étrangères laisserait supposer qu’elles ne sont pas de «race blanche» ! Or, wikipedia dixit:
«Au début du XXème siècle des peuples comme les Perses, les Berbères ou les Arabes ont également été classés parmi les populations «blanches». De même, en 1944, Henri Vallois écrit que les races blanches «n’habitent pas uniquement l’Europe; elles couvrent tout l’Afrique du Nord et l’Asie sud-occidentale […] le territoire des races blanches est orienté autour du bassin méditerranéen prolongé par la Caspienne»

Les populations d’AFN qui fuient la guerre et demandent asile à l’Europe appartiennent donc à l’ex fausse vraie race blanche.

On reste donc entre nous !!!!!

> En ce qui concerne la religion voici une analyse permettant d’élargir l’éventail des perceptions des problèmes actuels sur ce sujet. Elle émane de François Reynaert dans «Nos ancêtres les Gaulois».

«Pendant des siècles, et toujours d’ailleurs, notre continent vit comme le siège de «la chrétienté», de même que l’Egypte ou le Maghreb se vivent comme des «terres d’islam». Cela n’a aucun fondement ni religieux ni éternel.»

> La caractéristique des deux grands monothéismes est de transcender les frontières, les ethnies, les patries.

«La croyance est liée à une foi ou à une pratique, pas à une terre.»

Il a existé pendant des siècles un islam européen: celui de l’Espagne musulmane. Un autre a pris sa place, plus à l’est, dès le XVI ème siècle, et il existe toujours celui de Bosnie, legs de l’Empire ottoman dans les Balkans. Un nouvel islam d’Europe est entrain de naître, grâce aux nombreux musulmans qui y vivent actuellement.

Il existe un christianisme oriental «essentiel»au Liban, Egypte, Syrie, Irak; il est l’héritier des premiers siècles de cette religion.
«Tous les grands conciles où furent définis les fondements de la foi chrétienne: Ephèse, Chalcédoine ou Nicée, se tinrent dans ce qui est aujourd’hui la Turquie. Et les Pères de l’Eglise s’appellent Athanase d’Alexandrie ou Saint Augustin, un Berbère.»

«Le christianisme est une religion orientale, exactement comme est l’islam; la géographie devenue la leur ne tient qu’aux hasards de l’histoire.»

>Une certaine droite identitaire parle de nos «vieilles terres chrétiennes» !
«Pour eux, Jésus Christ est aussi français que le roquefort ou le Général de Gaulle. Ils oublient juste que si ce malheureux arrivait aujourd’hui de sa Palestine natale avec ses pratiques bizarres et son dieu étonnant, ils appelleraient la police pour le faire reconduire à la frontière.»

«Il est curieux de développer un nationalisme primaire en voulant planter des drapeaux partout, avant même que ces drapeaux ne soient inventés !»

par Georges Vallet

crédit photos:editions-agora.ch

Quand on parle des religions, de quel courant parle-t-on?

religionSi l’histoire n’est pas un perpétuel recommencement comme Thucydide l’affirmait, c’est l’ensemble des archives qui nous permet de comprendre le passé et de le suivre jusqu’au présent, évitant ainsi des jugements plus spontanés que réfléchis. Mehdi Jabrane nous apporte des informations historiques et une bibliographie qui permettent sans aucun doute de mener une réflexion et un approfondissement sur l’Islam à ceux qui souhaitent réfléchir avant de dégainer plus vite que leur ombre.

L’actualité et ses retombées dans la presse m’ont amené à lire le dernier Sud Ouest dimanche, p.8, et le dernier numéro spécial du Nel.Obs,

• «Islam, le vrai du faux selon Tareq Oubrou», imam de Bordeaux.
• «l’énigme Jésus» par de multiples auteurs,

A la lumière de ces lectures et à bien d’autres, une question me vient à l’esprit :
Dans tous ces débats et prises de positions tranchées et irréversibles sur les religions, de quel Islam et de quel Christianisme parle-t-on, voire même de quel Judaïsme ?

L’histoire montre les rivalités, les oppositions, les différentes conceptions ou lecture des textes, la pulvérisation des courants.

Rien d’anormal à cela car dès qu’on rentre dans le monde des croyances,
«Tout est possible, tout est réalisable».

>En ce qui concerne le christianisme, Maurice Sachot dans : « le christianisme n’est pas né tout à fait..» montre que le message chrétien s’est construit et reconstruit par étapes successives. A sa naissance, le juif Jésus avait été marqué par l’enseignement des pharisiens, courant populaire laïque et non sacerdotal du judaïsme en Judée, au IIème siècle avant J.C. ; il s’opposait aux prêtres sadducéens du temple de Jérusalem. Le christianisme n’est que le résultat d’une scission conceptuelle au sein de ce qui n’était alors que «philosophie». Depuis, le fossé s’est creusé et de très nombreux courants sont apparus dans le monde entier, rivalisant entre eux.
Le christianisme s’est construit en religion au sein de la culture latine. Jusqu’à la fin du IIè siècle, les romains considéraient le christianisme comme une survivance non fondée du judaïsme qu’ils qualifient de superstitio. Un païen romanisé de Carthage, converti au christianisme : Tertullien, renverse l’ordre établi dans son ouvrage «L’apologétique», en 197 ; il est le premier latin à qualifier le christianisme de religio et la religion romaine de superstitio !

Pour Frédéric Lenoir, dans son article sur :«La principale matrice de la pensée moderne»
«On a totalement oublié le message du Christ tel qu’il s’exprime dans les évangiles. Jésus souligne que tout être humain a une dignité; il affirme l’égalité entre les individus, libres ou esclaves, riches ou pauvres, hommes ou femmes, Juifs ou non Juifs…….Cela peut paraître curieux pour un esprit contemporain qui confond totalement le Christ et sa pensée avec l’Eglise, qui a condamné les Lumières puis au siècle suivant, les droits de l’homme. Il faut bien comprendre qu’au fil des siècles l’Eglise a assis son pouvoir en pratiquant une inversion radicale des valeurs évangéliques, trop subversives, trop exigeantes, seulement accessibles à des individus courageux et lucides…... l’église chrétienne a tourné le dos au Nouveau Testament… Parallèlement à son message spirituel, Jésus délivre un enseignement éthique à portée universelle, à l’antipode des dérives de l’institution, à travers notamment l’Inquisition : il prône la non-violence, l’amour du prochain, la justice sociale, la liberté de choix, la séparation des pouvoirs spirituel et politique…»

On peut très bien être chrétien et anticlérical.

> Cette pulvérisation des courants est propre à toutes les religions ; Elle se retrouve chez les musulmans. Parmi eux Tarek Oubrou, théologien, recteur de la grande mosquée de Bordeaux…, représente une des voies de «L’islam des Lumières». Il nous livre sa vision sur certains principes de l’Islam déformés par les courants fondamentalistes.

• Les interdits et les injonctions pratiques de l’Islam ne concernent que les croyants musulmans et en aucun cas les non croyants.
• Il y a un paradoxe à critiquer un non-croyant qui représente ou caricature le Prophète puisque l’interdit ne s’applique pas à lui.
• Le vrai martyr n’est pas celui qui cherche la mort mais celui qui la subit.
• Le vrai djihad est intérieur ; si le terme est utilisé sans sa densité théologique pour imposer sa foi, il s’agit de terrorisme.
• La difficulté aujourd’hui de séparer le politique et le religieux vient du fait que les musulmans n’ont toujours pas fait leur deuil de l’effondrement, au XVème siècle de la civilisation arabo-musulmane que l’Islam avait créé.

Pour lui, « il faut changer de paradigme et il me semble que la France est un vrai laboratoire pour la sécularisation de l’Islam.»
Après tout, le catholicisme a mis des siècles pour ne plus être religion d’Etat !

Pour Michaël Privot, personnalité de l’Islam belge et directeur du réseau européen contre le racisme : « Si la réponse est uniquement sécuritaire, nous ne résoudrons pas le problème et il risque d’y avoir d’autres attentats. Pour la sécurité on trouve toujours le budget mais l’investissement dans le social, le public, l’école, les soins de santé, le logement de qualité, ne me paraît pas faire partie des priorités politiques européennes actuelles. »

Il serait donc peut-être judicieux de ne pas se tromper de cible car la plupart des deux millions de musulmans qui se déclarent croyants et pratiquants en France, ne demandent qu’à profiter de la laïcité à la française pour vivre leur foi intérieure en toute tranquillité. Ne gaspillons pas ce réservoir de matière grise qui ne demande qu’à s’exprimer au service de leur pays : la France. Pour cela, il faut leur donner les moyens.

Une poignée de criminels qui surfent sur cette religion, organisés et motivés, à la recherche de pouvoir, de domination et d’argent, veulent imposer leurs lois ; voilà la vraie cible qu’il convient d’éliminer par l’action simultanée (raisonnement systémique !) :

• de l’instruction, de l’éducation, de l’apprentissage de la rationalité à l’école, dans les familles, dans les banlieues…
• de la lutte contre les discriminations, les inégalités, la détresse sociale…
• de la poursuite implacable du renseignement et de la politique sécuritaire bien sûr.

– par Georges Vallet

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