Quand François Bayrou fait de la récupération


Il en va toujours ainsi, lorsque des manifestants, les gilets jaunes en l’occurrence, expriment de façon spontanée, leur ras-le-bol, la classe politique est surprise et ne parvient pas à comprendre le sens du mouvement. Alors il faut occuper le devant de la scène, se placer sous les feux de la rampe. C’est donc ainsi que certains politiques en mal de notoriété se répandent en banalités et théories inutiles.

François Bayrou, du haut de son Olympe béarnais, a accordé une interview du journal « Le Figaro ». Condamné au ministère de la parole, il se fait, en la circonstance, le champion des truismes. Il dit que les gilets jaunes sont le révélateur d’une crise profonde et demande à Emmanuel Macron de réfléchir, de comprendre les ressorts de ce mouvement. Et tandis que les gilets jaunes ont affiché haut et fort qu’ils fuyaient comme la peste les partis politiques et les syndicats, le maire de Pau, président de la communauté d’agglomération, président du pays de Béarn, président du Modem, n’hésite pas à préconiser un dialogue poussé avec les organisations syndicales et associatives ainsi qu’avec les représentants des gilets jaunes. N’est pas le sage de l’ombre qui veut et ce n’est certainement avec des propos de cette confondante banalité que l’édile palois va parvenir à jouer ce rôle, même s’il prétend être un visiteur régulier du président.

Et dans l’élan, le Béarnais ajoute : « Nous devons entreprendre une remise en cause profonde de la manière dont nous pensons le pouvoir et dont nous l’exerçons depuis trente ans […] de nombreux concitoyens se sentent étrangers aux débats, aux orientations, aux décisions qui sont prises en leur nom, mais dont ils ont le sentiments qu’elles sont prises contre eux ». Bien vu, sauf que venant d’un politicien aux affaires depuis maintenant plus de trente ans, on peut se demander s’il ne s’agit pas là d’une autocritique. Et il conclut par un retentissant : « Le chef de l’État doit hiérarchiser et simplifier les priorités de son quinquennat ». Les spécialistes trouveront dans cette affirmation un modèle de langue de bois. Ensuite il parle d’une taxe flottante sur les carburants de façon à éviter de trop grands écarts des prix à la pompe. Très bien, mais il faut se souvenir de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) adoptée en 2000 et retirée deux ans plus tard car jugée inefficace ; un vieux serpent de mer en quelque sorte.

Lorsque l’on entreprend de donner des leçons à ceux qui sont en responsabilité au plus haut niveau de nos institutions, il faut soi-même être irréprochable. A Pau, dans le genre, il y a quelques progrès à faire. Dans notre ville, il faut bien reconnaître que, durant les quatre dernières années, le prix des transports en commun a augmenté dans des proportions considérables, les impôts locaux progressent plus vite que l’inflation, le nombre des places de stationnement payant a été multiplié par deux, les dépenses résultant de travaux pharaoniques et pas toujours justifiés, pèsent fortement sur l’endettement. Il faut être au dessus de tout soupçon pour vouloir faire la morale. Alors face à un mouvement qui dénonce l’augmentation des taxes et autres impôts, il eût sans doute été préférable de se trouver dans une situation différente. Comment prétendre être une éminence grise lorsque sa propre gestion entre dans le registre des revendications formulées par les gilets jaunes ?

Quand le président de la République française, dit : « Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants », pensez-vous, M. Bayrou que vous êtes le mieux placé pour l’aider à y parvenir ?

Pau, le 26 novembre 2018

par Joël Braud

Crédit photo : midilibre

7 commentaires sur « Quand François Bayrou fait de la récupération »

  1. La souffrance des « classes laborieuses » chômeurs, smicards, précaires, petits retraités, etc. est un fait objectif que personne ne discute plus pas même le pouvoir. Evidemment il y a pire ailleurs et il ne faut pas perdre ça de vue -cela explique le fond des crises migratoires- c’est sans doute un réconfort… Ne peut-on tenter de faire mieux cependant? C’est ce que l’on attendait du jeune et fringant Président que nous avions élu avec enthousiasme. Le ressentiment est à la hauteur de la déception.

  2.  » MACRON DÉMISSION » claironnent certains « gilets jaunes » et pas des plus jeunes, derniers reliquats hirsutes de Mai 68.
    C’ est sûr qu’ être élu par abstention et défaut de démocratie expressive, avec 25% de
    l’ électorat n’ est pas un bon héritage qui peut présager d’ un avenir serein.
    C’ était à ce moment là qu’ il fallait exprimer les problèmes et agir pour les faire prendre en compte. Mais si aujourd’ hui ceux qui crient « Macron démission »ne s’ étaient tus en succombant aux chants des sirènes et avaient accompli pleinement leur devoir de citoyen en allant voter pour exprimer leur opinion, nous n’ en serions pas où nous en sommes aujourd’hui.
    Mais peut être aussi que nous aurions Marine ou Mélenchon à la place d’ Emmanuel, tant le mécontentement général était déjà fort et grand. Mais on a préféré laisser faire et sortir du bois une fois le président élu. Une « gauloiserie » typiquement française.
    Je pense qu’ actuellement la situation serait bien pire et qu’ il n’ y aurait sûrement pas autant de monde avec des gilets jaunes à faire des entraves à la circulation.
    Il y aurait bien longtemps qu’ ils auraient été calmés « manu militari « , jugés et condamnés chèrement, avec sûrement une présidente ou un président ,aux abonnés absents et pas à leur écoute.
    Personne n’ est net dans cette affaire, pas plus l’ imberbe Jupiter fait de paille, avec des pieds d’ argile, qui cherche à fouler les charbons ardents de l’ ISF, de la CSG et des niches fiscales et autres, que le peuple qui cherche à le trahir pour un vulgaire remède placebo, aux effets bien pire que le mal.
    Méfions nous que le slogan « Macron démission » ne soit pas pris à la lettre par
    l’ impétueux président, comme ce fut le cas avec Hulot. Ce qui laisserait ses opposants politiques et le pays dans l’ expectative et le chaos
    Certains réclament un référendum à corps et à cris, la question devrait être:
    « Souhaitez vous de l’ énergie et des carburants chers ou du chaos gratuit »?
    « Vous avez 3 heures pour vous exprimer et on ramasse les copies. Interdiction de copies blanches »
    Un jour il faudra écrire l’ histoire de cette affaire, pour nos générations futures, qui sans réponse hantera à tout jamais leur vie, comme celle du vase de Soisson, hante éternellement nos esprits.

    1. Je suis d’accord de A à Z avec cette analyse….Mais pourquoi donc soumettre Macron à un « péché originel » qui lui viendrait de ses 25% du premier tour. Que dire alors de l’élection de certains de ses prédécesseurs. Est ce que J.Chirac a été délégitimé par son score de 19% au premier tour de 2002 ?
      Il faut dire que son quinquennat a été celui de l’inertie….ceci explique peut-être cela…

  3. ce fiel anti-bayrou est gratuit.

    « « Nous devons entreprendre une remise en cause profonde de la manière dont nous pensons le pouvoir et dont nous l’exerçons depuis trente ans […] de nombreux concitoyens se sentent étrangers aux débats, aux orientations, aux décisions qui sont prises en leur nom, mais dont ils ont le sentiments qu’elles sont prises contre eux ». Bien vu, sauf que venant d’un politicien aux affaires depuis maintenant plus de trente ans »

    Depuis 30 ans au pouvoir Bayrou ? Il vous manque 29 ans d’épisodes

  4. Je pense que vos propos peuvent s’ adresser aussi à bien d’ autres responsables politiques, qui ont été aux commandes localement ou nationalement, ou qui aspirent à
    l’ être de nouveau. Comme on le voit ces temps-ci beaucoup se contentent du rôle de jeteurs d’ huile sur le feu.
    Mais que feraient’ ils face à un tel héritage avec leur passé?
    En dehors de toutes considérations politiques, qu’ ils soient encore heureux qu’ un jeune politique, avec ses qualités et ses défauts, ait eu le courage de relever le défit de prendre les commandes du pays, sinon nous serions dans une situation encore pire.
    Face à une telle situation dans beaucoup de pays la décence voudrait que toutes ces personnes se taisent, au moins le temps que le problème se règle, pour laisser les hommes en place agir, mais chez nous ils ne s’ empêchent pas de pratiquer la démagogie. Ce qui n’ est pas très glorieux pour eux, alors que les  » gilets jaunes » les rejettent d’ un bloc pour leur passé d’ ex dirigeants.

    1. La jeunesse du président, même si elle est sympathique, n’excuse pas son ton méprisant ni son incapacité à entendre la souffrance des classes laborieuses. On attendait justement autre chose de sa part. Le travail des politiques est de s’exprimer (ils sont payés pour ça) c’est légitime donc de la part de François Bayrou mais son « ni-ni » (ni d’accord ni pas d’accord avec les gilets jaunes), n’est pas à la hauteur des circonstances et ce n’est pas par une énième table ronde qu’on en sortira. Il n’est pas en effet le mieux placé pour donner des conseils comme le note justement Joël Braud. Il appartient de fait à cette « classe » politique récusée par les manifestants et leurs sympathisants.

      1. Macron n’est pas méprisant, il parle vrai. Evidemment on n’est pas habitué et les français préfèrent peut être la langue de bois de ces politiques qui veulent ratisser large avec pour seul objectif d’être ré élu…
        Quant à la souffrance des classes laborieuses, il faudrait peut être remarquer que la France est le pays au monde où il y a le plus de redistribution. Avec 58% du PIB de dépense publique on est le pays le plus proche d’un système communiste …
        Les gilets jaunes sont la conséquence de la situation d’un pays d’assistés qui demandent toujours plus à l’Etat.Sauf que là aussi nous sommes le pays où les prélèvements sont les plus élevés du monde. Il faudrait que les français apprennent l’économie… dans tous les sens du terme.
        Pendant ce temps avec nos 6 millions de chômeur il faut faire venir des travailleurs étranger pour vendanger ou récolter des fruits …

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s