SOS l’administration ne répond plus.

Voici ici la mésaventure d’un Palois de mes connaissances. Elle illustre, à mon avis, le comportement de l’administration, je devrais dire des administrations, à l’égard de certains citoyens qui entrent pourtant dans la catégorie de ceux qui sont respectueux des lois et des règlements. Alors plusieurs questions : est-ce aussi exceptionnel que ça ? N’y a-t-il pas dans cette façon d’ignorer les administrés une des causes principales du mouvement des gilets jaunes.

Venons en au fait. Il y a maintenant quelques mois, notre homme propriétaire d’une maison individuelle à Pau, envisage des travaux qui déboucheront sur une extension de son habitation. Pour cela et afin de se conformer aux obligations qui lui incombent, il adresse à la mairie de Pau une demande d’autorisation. Son dossier est complet, il a pris au préalable la précaution de le vérifier. Très vite la mairie lui répond en lui précisant que son dossier devant être soumis à une autre réglementation, le délai habituel d’un mois est porté à deux mois pour savoir si l’autorisation lui est accordée ou pas. Il lui est même écrit : « Si passé ce délai vous n’avez pas reçu de réponse de l’administration, vous bénéficierez d’une autorisation tacite et vous pourrez commencer les travaux en affichant la présente lettre sur le terrain pendant la durée du chantier selon les modalités détaillées plus bas. Vous pourrez également par une simple demande obtenir de la mairie un certificat attestant de l’autorisation tacite ».

Eh bien justement, après que le délai est dépassé (de quelques jours, mais dépassé quand même), notre homme reçoit de la mairie de Pau, un refus d’autorisation. L’argument développé est que l’architecte des bâtiments de France a fait savoir que sa maison se situait dans un périmètre protégé. Tiens, tiens, comme c’est bizarre se dit ce Palois. En effet quelque temps auparavant (moins d’un an) pour d’autres travaux sur la même maison située au même endroit, il avait fait une autre demande pour améliorer l’extérieur de son habitat. Et là pas de problème, aucune réticence de l’architecte des bâtiments de France n’avait été formulée. Ce dernier s’était même fendu d’une note où il était précisé que cet immeuble ne se situait pas dans un périmètre protégé. Nous avons tous entendu parler de la dérive des continents, mais nous ne savions pas qu’à Pau, les bâtiments se déplaçaient.

Donc ce brave Palois honnête et sérieux écrit une lettre au maire en lui demandant de bien vouloir lui délivrer, comme cela lui a été proposé, un certificat attestant de l’autorisation tacite. Il argue pour cela d’une part du retard apporté par les services de la mairie, la date est en effet dépassée de plusieurs jours, et d’autre part des avis contradictoires de l’architecte des bâtiments de France. Il va même, car il connaît un peu les règles administratives, jusqu’à écrire au Préfet qui est chargé du contrôle de la légalité des décisions municipales pour lui demander d’annuler l’arrêté du maire, portant refus d’autorisation des travaux. Et puis modestement il demande à l’architecte de bien vouloir, au vu de ses avis divergents, lui dire quel est celui qui doit être pris en considération.

Eh bien savez-vous ce qu’il s’est passé ? Au bout de deux mois, ni le Préfet, ni le maire, ni l’architecte des bâtiments de France n’ont daigné fournir une réponse à sa demande. Ils ont honte ou quoi ? En tout cas pour avoir participé à plusieurs « Grands débats palois » je puis vous dire que plusieurs intervenants ont reproché à François Bayrou de ne pas répondre à leurs courriers.

A force d’ignorer le petit peuple, il finit par descendre dans la rue… avec son gilet jaune !

Pau, le15 avril 2019

par Joël Braud

Européennes, ça approche !

A la date du 5 mai, la possibilité de constituer une liste pour les élections européennes n’existera plus. Celles-ci sont programmées pour le 26 mai. Notez bien cette date. En attendant quatorze listes se sont constituées au plan national et, en Béarn, nous avons notre candidate.

Rappelons quelques règles qui vont présider à cette échéance. Ces élections se feront à la proportionnelle, selon le scrutin de liste. Ces listes, actuellement au nombre de quatorze, seront constituées au niveau national et non plus au niveau des circonscriptions. Elles devront comporter autant de candidats que la France détiendra de sièges au parlement européen, c’est à dire 79. Enfin 79, c’est plutôt théorique car les Anglais qui ne seront pas encore sortis de l’Europe, voteront vraisemblablement eux-aussi. Ce qui risque réduire le nombre des sièges de la France à 74. Ah ce Brexit !

Il se dit que lors de négociations en coulisses, François Bayrou, a réussi à imposer trente candidats issus du parti dont il est président sur la liste : LREM + MoDem + Agir + Mouvement radical. C’est pas mal en reconnaissance des supposés 5% qui auraient permis à Emmanuel Macron d’emporter la présidentielle. Et nous Béarnais avons sur cette liste, à la quinzième place, en rang éligible, une certaine Laurence Farreng née Despaux. Il s’agit de l’actuelle directrice de la communication de la ville de Pau, membre comme il se doit du Modem. Le maire de Pau l’a placée sur la liste de Nathalie Loiseaux, tête de liste issue de LREM.

Actuellement François Bayrou apparaît aux yeux des commentateurs politiques les plus avisés comme celui qui est ou serait très écouté par le Président de la République. Ses conseils se font dans la discrétion de ce qu’il est convenu d’appeler les visiteurs du soir. Alors comme il est personnellement convaincu, il ne s’en cache d’ailleurs pas, que le RIC (Référendum d’initiative citoyenne), le vote blanc, le rétablissement de l’ISF et l’élection des députés à la proportionnelle sont indispensables pour répondre aux revendications des Gilets jaunes, il faut s’attendre à quelques réformes. Enfin, s’il est aussi écouté qu’on le dit…

Les scrutins de listes ont toujours cette part d’inconnu. La liste LREM-MoDem est composée de candidats aux convictions pas toujours très conciliables. Qu’y-a-t-il de commun, en effet, entre Pascal Canfin (2 ème), écologiste convaincu, tenant de la disparition du glyphosate et Jérémy Decercle (4 ème), président des jeunes agriculteurs qui, lui, est plutôt d’un avis contraire ? L’électeur devra admettre que lors d’un vote au scrutin de liste, sans panachage possible, il faut se satisfaire de cette pluralité de doctrines. Alors il faudra oublier ses convictions politiques, vous voyez bien qu’elles ne servent à rien.

Et pendant ce temps-là, notre Jean Lassalle cherche à composer une liste dont il prendrait la tête. Mais y parviendra-t-il ? Le suspense est grand et l’argent lui manque.

Pau, le 10 avril 2019

par Joël Braud

Qui va limiter la vitesse ?

Lors d’une interview récente accordée à France bleu Béarn, le sénateur Max Brisson s’est dit particulièrement réjoui par le projet du Sénat de donner la possibilité aux départements ou aux préfets de relever la vitesse à 90 km/h à la place de l’État. Faut-il partager le même enthousiasme ? Quelles seront les changements que l’on peut espérer ou craindre ?

Nous sommes maintenant en plein débat sur l’opportunité de la limitation de vitesse à 80 km/h. Les gilets jaunes sont vent debout contre cette mesure au point d’avoir saboté nombre de radars fixes afin de les rendre inopérants. La conséquence ne s’est pas faite attendre : les accidents mortels sont en notable augmentation (sauf dans notre département rassurez-vous). L’enjeu semble être politique. En enfonçant un coin entre le premier ministre, initiateur de cette nouvelle limitation à 80 km/h, et le chef de l’État qui est, sur ce sujet, plutôt nuancé, la préoccupation principale n’est pas vraiment sécuritaire.

Mais tout d’abord essayons d’y voir plus clair en listant les différentes limitations de vitesse qui, selon le code de la route, peuvent s’imposer aux conducteurs :

130 km/h est la vitesse maximum autorisée sur autoroute ;

110 km/h est la vitesse maximum autorisée sur autoroute par temps de pluie ;

90 km/h est une limitation autorisée soit sur les routes dont les deux axes de circulation sont séparés par un terre-plein central, soit sur les routes à quatre voies même lorsqu’elles ne sont pas séparées par un terre-plein central. A noter que sur les routes à trois voies sans terre-plein central, le 90 km/h est permis uniquement sur l’axe muni de deux voies (vous suivez ?) ;

80 km/h est la limitation qui s’impose partout ailleurs. Elle remplace la limitation à 90 km/h ;

70 km/h est une limitation qui s’applique sur les voies qui présentent un danger particulier ;

50 km/h est la limitation normale en agglomérations ou quand la visibilité est inférieure à 50 m.

30 km/h est la limitation décidée par les maires dans certains secteurs urbains ;

20 km/h est la limitation destinée à favoriser les rencontres en secteur urbain..

Et tout cela sans tenir compte des conditions particulières qui s’appliquent aux jeunes conducteurs.

Les partisans de ce transfert de responsabilité agitent comme toujours, l’argument de la proximité sur l’air de : nous qui sommes d’ici, nous savons mieux ce qu’il convient de faire. Bon ! on verra bien si toutefois cet amendement du sénat sera également adopté par l’Assemblée nationale. Mais que ces tenants d’une décentralisation à tous crins sachent que la responsabilité de la sécurité routière pèsera alors (lourdement) sur leurs épaules dans les départements. Il ne faut pas exclure également que ces élus locaux, toujours disposés à satisfaire les doléances de leurs électeurs, multiplient les limitations comme c’est actuellement le cas sur la route Pau/Oloron ; on y dénombre pas moins de 32 panneaux de limitation de vitesse (si mes comptes sont exacts). Alors il y aura des commissions et on discutera et débattra à l’envi.

Mais cela n’est-il pas un débat qui porte principalement sur la décentralisation. Notre pays serait selon certains encore trop jacobin. Les élus locaux se disent dépossédés de nombre de leurs responsabilités et on besoin de reconnaissance. Plus qu’une préoccupation sécuritaire, une volonté d’élargir les pouvoirs des élus de terrain, viendrait fausser le débat.

Pau, le 1 avril 2019

par Joël Braud

Crédit photo : Seine-Maritime.gouv.fr

L’obligation de dénoncer

Récemment un haut responsable de l’église catholique a fait l’objet d’une condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon. Cette condamnation a été prononcée non pas pour des considérations que beaucoup, au fil des articles de presse, laissent supposer ou entendre, mais en regard d’un article du code pénal auquel, à ma connaissance, il n’a pas été fait référence. Il n’entre pas ici dans mes intentions de prendre parti sur le bien fondé de cette décision de justice, ni d’apporter un jugement sur le comportement des auteurs d’atteintes sexuelles infligées à des mineurs, mais d’attirer l’attention de chacun sur cet article du code pénal qui s’applique à tous et ce dans des circonstances beaucoup plus larges qu’on ne le suppose habituellement.

Voici donc le texte de loi en question :

Article 434-3 du code pénal « Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. »

La Justice de notre pays, et c’est tout à son honneur, a pour fonction d’appliquer la loi. Son rôle se situe en dehors des appréciations sur le bien fondé des articles de loi, cela est le rôle du législateur et de personne d’autre. Elle n’a pas non plus pour vocation de donner des leçons à tel ou telle organisation, elle se base uniquement sur un texte et doit l’appliquer dans toute sa rigueur. Elle se fait en outre un devoir de considérer que les lois de notre République ont prééminence sur celles qui régissent d’autres structures.

Or à la lecture de cet article cité ci-dessus dans son intégralité, il faut que chacun se sente concerné. Parce que les cas cités sont nombreux et les situations possibles protéiformes, l’éventualité d’en connaître ne peut être écartée a priori. Les mauvais traitements de toutes natures ne se produisent pas en majorité, contrairement à une idée reçue, dans les institutions mais le plus souvent dans la sphère privée, voire familiale. Informer les autorités, pour reprendre le terme employé dans la loi (qui ne parle pas de dénonciation), n’oblige pas à avoir une certitude sur les actes répréhensibles, un simple doute peut suffire. Les faits pourront éventuellement être établis par un service d’enquête beaucoup plus compétent qu’un simple particulier.

Comme vient de le démontrer un très récent jugement du Tribunal de grande instance de Créteil, les mauvais traitements sont très sévèrement punis – cinq ans de prison ferme pour un homme auteur de gifles et d’insultes sur une personne âgée dans un Établissement d’Hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il faut y voir la manifestation du devoir de respect et de protection des personnes vulnérables (pour employer un terme plus générique), que notre société impose.

Pau, le 25 mars 2019

par joël Braud

Réflexions

L’actualité immédiate conduit à s’interroger sur l’évolution de notre société parce qu’il s’agit bien de cela. Des événements divers se produisent devant nos yeux et chacun, comme moi, n’est pas certain d’en comprendre le sens. Alors les réflexions et interrogations sont ouvertes.

Le bilans des grands débats. A Pau, il faut le reconnaître, les différents actes du grand débat national se sont déroulés dans de bonnes conditions. Même si quelques questions se posent sur la place de François Bayrou qui, en réalité, a été plus un débatteur qu’un simple animateur. Il a le mérite d’avoir été très présent. Cependant, même si l’idée était bonne d’inviter ceux qui ont été appelés les « grand témoins », il eût été plus valable de les solliciter davantage. Ils étaient là pour apporter des éclairages sur la pertinence de certaines revendications des gilets jaunes. Maintenant, sur le plan national, il faut laisser la place au bilan. On se demande comment toutes ces idées, toutes ces propositions pourront être analysées. Déjà se font entendre des critiques sur la réelle objectivité des algorithmes qui serviront à ce dépouillement inédit.

Les manifs. Samedi 16 mars ont été organisées (ou inorganisées) plusieurs types de manifestations. D’abord celle des gilets jaunes qui a entraîné des violences et dégradations graves. Il faut rappeler que ce mouvement a débuté le 17 novembre 2018. Ce qui s’est passé ne peut être admis plus longtemps. Les forces de l’ordre font l’objet de critiques, et leur efficacité est mise en doute. On s’interroge : manque de moyens ou manque de coordination. Les politiques sont à la recherche d’un fusible.

Ce même samedi, des jeunes étaient descendus dans la rue. Leur manifestation se nomme « la marche du siècle pour le climat ». Ils ont été un modèle de calme et de modération. Il n’y a pas eu d’incidents. Ces collégiens ou lycéens ont manié l’humour pour alerter l’opinion. L’humour, oui à en juger par cette pancarte sur laquelle était inscrit : « Les calottes sont cuites ». Sans doute la meilleure manière d’être entendu.

Un autre modèle, s’est aussi déroulé en Algérie. La population est dans la rue pour sauver la démocratie qui pourrait bien être confisquée. Ils ne cassent rien, agissent dans la dignité et avec beaucoup d’humour, eux aussi.

Collapsologie. Voilà un néologisme qui va faire les beaux jours des penseurs ou de ceux qui se classent dans cette catégorie. Une autre fin du monde est possible nous disent-ils. Ce serait l’effondrement de la civilisation industrielle telle que nous la connaissons depuis deux siècles. Il faut se préparer à un grand changement, comme une sorte de révolution de notre manière de vivre. Mais pourquoi être pessimiste ? A quoi ça sert sinon à décourager les gens ?

Que l’on se place du côté des gilets jaunes, du côté des jeunes qui nous alertent sur l’évolution du climat ou enfin du côté de ceux qui prônent un changement pour les générations à venir, le point commun tient dans le mot révolution. Alors en guise de conclusion, ce dialogue entre Raymond Aron et Charles de Gaulle :

R. Aron : « Les Français font de temps en temps une révolution, mais jamais de réformes. »

C. de Gaulle : « Il ne font des réformes qu’à l’occasion d’une révolution ».*

Pau, le 18 mars 2019

par Joël Braud

 

* In De Gaulle, le politique de Jean Lacouture. Édition du Seuil.

Grand débat palois, acte V

Si l’on devait faire un bilan de ce cinquième « Grand Débat », il serait forcément contrasté. D’un côté, les éternels donneurs de leçon qui croient apprendre aux participants les banalités et utopies qu’ils développent ; et de l’autre les grands témoins particulièrement intéressants. Mais il faut regretter que dans cette accumulation de prises de paroles des réponses n’aient pas été apportées à certains sujets.

Il avait lieu ce vendredi 8 mars 2019, comme toujours au Parc des expositions. Comme l’intérêt pour le mouvement des gilets jaunes, le nombre des participants s’émousse ; une petite centaine de participants. Les grands témoins étaient :

– David CARASSUS, professeur en sciences et gestion, responsable du master « Management public des collectivités locales » à l’Institut d’administration des entreprises (I.A.E.) de Pau-Bayonne, directeur de la chaire OPTIMA (Observation du Pilotage et de l’Innovation Managériale locale) ;
– Valérie PARIS, présidente de la Caisse primaire d’assurance maladie Béarn et Soule ;
– Jean GOURDOU, professeur de Droit public à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, directeur du centre de recherches de Droit public ;
– Fabienne BASCOU, vice-présidente de la Caisse d’allocation familiale Béarn et Soule ;
– Denys de BECHILLON, constitutionnaliste, professeur de Droit à l’université de Pau et des Pays de l’Adour ;
– Jean MARZIOU, ancien rédacteur en chef de La République et l’Éclair ;
– hilippe TUGAS, ancien chef d’agence à Sud Ouest et ancien rédacteur en chef de La République et l’Éclair.

Le sujet retenu était : L’organisation de l’État et des collectivités publiques.

Il faut reconnaître qu’il y a eu des questions de fond et ce sont d’ailleurs deux femmes qui ouvrent la série. La première parle de la constitution et demande si le nombre des députés – 577 – et de sénateurs – 348 – n’est pas trop élevé. Elle interroge sur la saisine du Conseil Constitutionnel. Une autre demande ce qu’est le Conseil Économique Social et environnemental et quelle est sa fonction.

Denys de Béchillon répond que le Conseil Constitutionnel est un juge qui a pour mission de vérifier que les lois sont conformes à la constitution. C’est votre ami, dit-il. Crée en 1958 sa saisine n’était ouverte qu’à l’opposition politique. En 1974 par une modification des textes, il a été possible de le saisir par référendum et en 2010, il a été décidé qu’il pouvait être saisi à l’occasion d’un procès par un particulier ; c’est la fameuse « question prioritaire de constitutionnalité ».

Puis un homme livre ses réflexions sur le trop grand nombre d’échelons entre l’État et la collectivité de base qu’est la commune. Il s’interroge sur la pertinence des grandes régions et considère qu’elles n’ont pas permis de faire des économies d’échelle. Pour lui il faut donner à chaque niveau administratif une part d’autonomie fiscale. Le regroupement des communes devrait se faire d’initiative ou sous contrainte réglementaire.

Jean Gourdou pose les questions suivantes : Comment lutter contre le millefeuille territorial ? L’aménagement des territoires, la marge de manœuvre des budgets des collectivités territoriales. Qu’est-ce que le régalien ? Ce qui me choque, dit-il, c’est l’uniformisation des structures.

David Carassus souligne que pour ce qui concerne le millefeuille, le problème vient du fait que les feuilles n’ont pas de relation les unes avec les autres. Il faudrait passer du millefeuille à une structure de réseau.

Denys de Béchillon se prononce sur le R.I.C. (référendum d’initiative citoyenne). Le RIC ne peut être utilisé pour changer la constitution. Il peut être envisagé pour des choses qui ne sont pas des questions de société. Or pour répondre à un intervenant qui proposait un référendum pour lever l’interdiction imposée à l’État par la loi de 1905 sur la laïcité parce que cela permettrait de choisir entre les différentes formes de l’Islam, il rappelle que le problème de l’Islam est à l’évidence une question de société. D’autre part, on ne peut faire un référendum si préalablement le Sénat et l’Assemblée nationale ne sont pas saisis. Il faut protéger nos droits qui sont notre patrimoine le plus précieux. L’anxiété est mauvaise conseillère. Il ne faut pas trop facilement modifier la constitution, et surtout ne pas le faire dans l’émotion.

Fabienne Bascou pose une question sur les membres du Conseil constitutionnel. Ils ne sont pas élus dit-elle. Les juges du Conseil constitutionnel sont en train d’ordonnancer et de judiciariser la politique.

Ce à quoi, Denys de Béchillon répond que la tradition française veut que nous n’élisions pas nos juges. Le juge est tenu d’exposer le caractère juridique de sa décision. Il s’agit d’un tiers désintéressé et impartial. Il est fragile, humain, mais c’est ce qu’il y a de moins mal.

Valérie Paris fait part de son soucis d’ouvrir les services publics. Nous essayons de faire en sorte que tout ne soit pas « tout numérique ». Elle plaide pour un accueil humain. Il existe un projet de présence médicale dans le 64.

Cette fois-ci les grands témoins sont intervenus plus souvent ce qui a donné de l’épaisseur au débat. La conception première de ce genre d’exercice est à la fois de permettre à chacun de s’exprimer mais surtout d’apporter un éclairage sur les sujets évoqués, éclairage provenant de personnes qualifiées et opportunément sélectionnées.

Cela n’a pas empêché des interventions complètement décalées. Ainsi pour ne rapporter qu’un exemple, un gilet jaune (parce qu’il y en avait quelques uns) a parlé des francs-maçon en interpellant François Bayrou. Il avait un ton agressif et n’a jamais dit très clairement les reproches qu’il formulait à l’endroit de cette organisation. Mais la théorie du complot sourdait entre les lignes. François Bayrou a bien répondu, sans convaincre. Le lendemain à Tarbes, des Gilets jaunes causaient des dégradations dans un temple maçonnique. Jusque là il n’avait pas été établi qu’il existait un contentieux entre les gilets jaunes et la franc-maçonnerie.

Pour ma part, je suis resté sur ma faim. J’ai posé une question sur l’élection des députés à la proportionnelle. Je m’adressais bien évidemment à Denys de Béchillon dont je crois connaître l’orientation à ce propos. François Bayrou, selon une technique bien rodée, a classé en attente plusieurs questions dont la mienne. C’est une façon qui se croit habile pour refuser l’obstacle. Je n’ai eu droit à la fin qu’à la réponse de François Bayrou. Dommage ! le débat entre un politique et un juriste de haut niveau, aux opinions différentes, aurait été très enrichissant.

Ce débat était le cinquième et le dernier. Tout le monde est en attente du dépouillement des doléances. Que va-t-il en sortir ? Personne ne le sait. Mais déjà, il est possible de dire que le principal intérêt s’est porté sur la fiscalité. Attendons, nous verrons, mais les politiques en responsabilité sont maintenant dans l’obligation d’agir. Attention aux déceptions…

Pau, le 12 mars 2019

par Joël Braud

Grand débat palois acte IV

Vendredi 1er mars 2019, s’est déroulé le quatrième grand débat palois. Le thème en était : Impôts, dépenses et action publique, fiscalité et économie. Il faut admettre et sans doute le regretter, que peu de monde avait répondu présent comparativement aux autres éditions. Cependant malgré ce public restreint ce fut un débat de très bonne tenue. C’est sans doute là le plus important.

Toujours dans le rôle de monsieur loyal qui s’était engagé, il y a maintenant quelque temps, à une stricte neutralité, François Bayrou (Bayrou comme Bayonne, nous a-t-il tant de fois répété).

Et les grands témoins sont :

-Frédéric Cabarrou, directeur départemental de la banque de France des Pyrénées Atlantiques,

-Philippe Cazes-Carrère, chef d’entreprise, président du groupe APR,

-Valérie Paris, présidente de la Caisse primaire d’assurance maladie Béarn et Soule,

-Fabienne Bascou, vice présidente de la C.A.F. Béarn et Soule,

-Jacques Le Cacheux, professeur d’économie, spécialisé dans les finances publiques,

-Jean Marziou, ancien rédacteur en chef de la République et de l’Eclair,

-Philippe Tugas, ancien chef d’agence à Sud Ouest et ancien rédacteur en chef de Pyrénées presse.

La première question revient à une femme qui évoque une forme d’hypocrisie des banques. Elle demande en effet pourquoi les banques françaises possèdent des filiales dans les paradis fiscaux. Le directeur de la banque de France répond qu’il s’agit là de la liberté d’entreprise. François Bayrou précise ici que la question de l’évasion fiscale est une question civique comme le travail au noir.

Mais déjà le ton est donné, il portera essentiellement sur le souci de chacun du respect de l’égalité devant la fiscalité.

Puis certains contesteront la TVA, ; d’autres s’étonneront qu’il existe deux CSG, la déductible et la non déductible ce qui a pour conséquence que chacun paie des impôts sur des impôts. A ce propos, Jacques Le Cacheux répond que cette distinction est en effet très peu lisible. Plus tard il précisera, toujours à propos de la CSG qu’elle est en réalité un impôt sur le revenu calculé à partir du premier euro. Ce qui relègue au niveau anecdotique ce récent débat soulevé par une membre du gouvernement. Une intervenante défend les familles et souhaite que l’impôt prenne en compte la composition familiale. La question également évoquée par le maire de la dépendance, le coût des EHPAD.

Il serait en réalité difficile d’évoquer tous les sujets qui sont abordés tant ils sont à la fois nombreux et divers. Mais retenons quand même le sujet de la réduction des dépenses publiques. A ce propos est évoquée la situation de l’Allemagne où les prélèvements sont inférieurs de 8% à ceux de la France. A cela l’édile palois répond que, en Allemagne, les retraites ne relèvent pas des finances publiques. Jacques Le Cacheux fait ici une réflexion intéressante en signalant que la densité de population étant différente de celle de la France, les distances sont moins grandes ce qui a une incidence sur le coût des services publics. Mais il reste et cela est rappelé opportunément par Valérie Paris que, en Europe, sur 28 pays 27 ont réussi à baisser leurs dépenses, mais pas la France.

Pourtant il n’est pas inutile de lister quelques questions sans pour autant prétendre à l’exhaustivité :

Ainsi une dame s’étonne qu’habitant à Pau, en limite de Bizanos, lorsqu’elle compare ses impôts locaux avec ceux de ses voisins, elle est sidérée de constater qu’il existe une telle différence entre les deux villes. Elle souhaite une harmonisation au niveau de la communauté d’agglomération. Et pourquoi pas au niveau national dira un autre.

Les dépenses consacrées à la défense nationale (36 milliards).

La dette qui s’élève actuellement à 2350 milliards au plan national tandis qu’au niveau des collectivités territoriales elle est de 150 milliards.

L’ISF à propos duquel le député Jean-Paul Matteï reconnaît avoir voté la suppression parce qu’il considère qu’il faut protéger le patrimoine professionnel, ce dernier étant productif d’emploi. Il faut distinguer selon lui, le patrimoine productif du patrimoine non productif.

Laissons la conclusion à certains grands témoins. Une grande question a été évoquée ici, celle de la justice fiscale. Le système est moins juste qu’il ne l’était il y a vingt ans (Jacques Le Cacheux). Ce débat a été sage et de haute tenue. Les citoyens sont matures. Des paradoxes sur l’utilité de l’impôt transparaissent. Il y a une urgence absolue à se mettre au travail pour aboutir à une réforme, une solution de remplacement à l’impôt (Jean Marziou). Nous n’avons pas beaucoup parlé le l’évasion et de la fraude fiscale qui représentent 100 milliards, soit plus que l’impôt sur le revenu (Philippe Tugas).

En clôturant cette réunion à 21 h 30, François Bayrou a parlé de la courtoisie du débat. Il faut pourtant regretter qu’il ait été lui-même beaucoup plus dans le rôle d’un débatteur que dans celui de l’animateur neutre. Il a battu le record du temps de parole. C’est donc si vrai de dire qu’un élu est toujours en campagne !

Pau, le 5 mars 2019

par Joël Braud

NB : Le prochain grand débat palois aura lieu le vendredi 8 mars 2019 à 18 au Parc des expositions. Thème retenu : Organisation de l’État et des collectivités territoriales.

Grand débat palois acte III

Vendredi 22 février 2019 à 18 h 00 avait lieu le troisième grand débat palois au parc des expositions. Beaucoup moins de monde que pour les deux précédents, cela est sans doute dû au sujet qui était « la transition écologique », sujet qui passionne moins le public. Pourtant, et c’est là mon avis, ce grand débat était le plus réussi, le plus abouti.

François Bayrou, toujours dans le rôle de l’animateur, précise que transition écologique peut revêtir plusieurs formes : développement durable, protection de l’environnement, économie d’énergie etc. Pas moins de huit grands témoins pour « affronter » un public pas très jeune, il faut bien le reconnaître et, pour la première fois, sans aucun gilet jaune.

Ces grands témoins sont :

Pierre Hamelin, directeur de Soliha – rénovation de l’habitat, ancien Pact du Béarn.

Véronique Mabrut, Directrice régionale de l’Agence de l’eau, Adour Garonne.

Patrick Baleyre, ingénieur d’études au CNRS – IPREM

Eric Schall, maître de conférence à l’Université de Pau et Pays de l’Adour, chargé de mission, transition énergétique et développement durable.

Jean-Marc Sotiropoulos, directeur de recherches au CNRS – IPREM, chimie.

Benoît de Guillebon, Directeur de l’APESA, centre technique au service des transitions.

Maryvonne Lagaronne, vice-présidente de la chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantiques.

Philippe Tugas, journaliste en retraite, ancien chef d’agence à Sud Ouest et ancien rédacteur en chef de La République et l’Éclair.

Pas moins donc de huit personnes, si à certains cela peut paraître beaucoup, il faut souligner que devant un sujet protéiforme, des spécialistes aux diverses compétences sont nécessaires. D’ailleurs à la différence de ce qui s’était passé lors des deux éditions précédentes, les connaissances et réflexions de ces « grands témoins » ont été largement mises à contribution ce qui est une explication de la réussite.

On peut s’interroger pour comprendre l’absence de jeunes participants à ce débat. D’autant que le sujet met en jeu l’avenir de tous mais principalement des jeunes générations. On en est réduit aux conjectures pour trouver une raison valable.Un match de rugby, un sujet qui ne motive pas parce que tant de fois répété ?

L’absence de gilets jaunes, contestataires et parfois agressifs, a permis de bénéficier d’une ambiance plus sereine. Les interventions des particuliers étaient pour la plupart opportunes et réfléchies. Il est toujours difficile pour la fonction « d ‘animateur » qu’assumait François Bayrou, de maîtriser certaines prises de paroles souvent longues et déroutantes. Une personne a cru indispensable de nous lire une longue page d’un écrit de Fred Vargas après nous avoir précisé que, selon elle, la transition écologique est un non sens. Mais surtout l’intervention d’un homme portant une chemise à carreau qui n’en finissait pas de nous déblatérer des théories, ses théories à lui, qui lassaient tout le monde. L’autorité de Bayrou n’en venait pas à bout malgré plusieurs tentatives pour mettre un terme à sa logorrhée. Bon on se consolera en considérant que cet homme est un convaincu (qui aura sa revanche) par ses propres propos.

Voilà donc pour la forme. Sur le fond très vite a été abordé le sujet du glyphosate, Monsanto et les lobbies. Ce qui a conduit François Bayrou à rejeter l’idée qu’il existe un complot universel. Mais surtout ce qui a donné l’occasion à Maryvonne Lagaronne de défendre le monde paysan auquel elle appartient. Ce monde a reçu pour mission de nourrir la population au moindre coût et dans le respect de la nature. L’enjeu a été compris, nourrir avec des prix de plus en plus bas. Le monde paysan a répondu. Les molécules actuelles, a-t-elle dit, sont bien moins toxiques que celles utilisées autrefois. Dans notre département la culture du maïs représente seulement un tiers des cultures. La majorité des terres sont en herbe. Lorsqu’on parle de lobbying, il faudrait, à son avis, préférer le terme d’acteurs économiques. Ce sont les principaux acteurs de recherches et à ce titre, ils agissent à la place de l’État. Enfin elle termine sa première intervention en précisant qu’actuellement les agriculteurs reviennent sur des pratiques mécaniques pour réduire l’utilisation des produits chimiques. Dans le monde ce sont 800.000 tonnes de glyphosate qui sont consommées. La France n’en utilise que 1%. Les principaux pays utilisateurs sont la Canada , l’Amérique du Nord et l’Argentine.

C’est vrai que tous les sujets abordés prêtent à discussion et à échanges. Mais c’est vrai aussi que Maryvonne Lagaronne a été, à mon sens, parce que d’une certaine façon, elle ramait un peu à contre courant en voulant s’attaquer à certaines idées reçues, la personne qui a émergé du débat. Elle s’exprimait facilement, clairement et de façon construite. Par la suite elle a pu évoquer un sujet d’actualité qu’est l’écobuage. Pratique ancestrale qu’il convient de comprendre lorsqu’on a le souci de remettre le pastoralisme en montagne. Que deviendrait en effet la montagne sans cette pratique ? Il y a actuellement moins d’animaux qu’autrefois ce qui fait que les territoires ont tendance à se fermer par l’expansion des ronciers. Elle a également évoqué à sa façon par un exemple survenu dans la commune dont elle est la maire, la nécessaire cohabitation ou proximité entre les animaux et les humains. C’est l’histoire d’un gypaète barbu… Pour autant elle n’a jamais nié qu’il y avait beaucoup à faire pour lutter contre la pollution renvoyant chacun à ses responsabilités propres puisqu’on constate une diminution de la consommation d’énergie sauf au niveau individuel.

Pour conclure, deux choses : en me focalisant sur les interventions de Maryvonne Lagaronne, je n’oublie pas les autres interventions toutes très instructives. Un débat qui a beaucoup apporté même si parfois on avait le sentiment d’avoir déjà entendu ces différentes prises de positions. Peu importe il est toujours utile de le dire et de le redire car il y a urgence.

Et enfin, une dernière observation, même s’il faut reconnaître à François Bayrou, une présence certaine et un art consommé pour mener les débats, sa position de maire a parfois transpiré. Ainsi lorsqu’il nous fait le panégyrique du bus à hydrogène, lorsqu’il rappelle que Pau est la deuxième ville de France de moins de 150.000 habitants, après La Rochelle, pour le kilométrage des pistes et voies cyclables on ne peut s’empêcher de penser que la campagne électorale pour les municipales c’est en 2020 et que si certains pouvaient encore douter qu’il sera candidat, les voilà maintenant rassurés ou inquiétés, c’est selon.

Pau, le 25 février 2019

par Joël Braud

Une jeune fille à Pau

Ce mardi 19 février, je me trouvais devant la Préfecture des Pyrénées Atlantiques à Pau. Je participais à la manifestation pour dénoncer l’antisémitisme qui revient comme une bête immonde. Nous étions environ cinq cents personnes. Lorsqu’une jeune fille …

Une jeune fille s’est approchée de moi et avec un sourire timide m’a demandé ce qu’il se passait. Il s’est alors installé entre elle et moi le dialogue suivant :

Elle : Que se passe-t-il ?
Moi : II s’agit d’une manifestation contre l’antisémitisme et l’antisionisme. Vous êtes au courant de ce qui s’est passé à Paris ?
Elle : Non.
Moi : A Paris, samedi dernier, le philosophe et académicien, Alain Finkielkraut a été insulté. Il a été victime de propos racistes, antisémites et antisionistes. Vous ne le saviez pas ?
Elle : Non
Moi : Vous connaissez Alain Finkielkraut ?
Elle : Non.
Moi : Vous ne lisez pas les journaux, vous ne regardez pas la télévision, vous n’écoutez pas la radio ?
Elle : Non.
Moi : Est-ce que l’explication que je viens de vous donner vous suffit ?
Elle : Oui.
Et avec son sourire de jeune fille bien élevée, elle est partie. Elle ne s’est pas jointe aux autres manifestants.

Cela m’a fait penser à cette intervention de Brice Teinturier, président délégué de l’IFOP qui, lors de l’émission C dans l’air sur la Cinq, a exposé qu’un récent sondage faisait apparaître que 62% des personnes interrogées se disaient indifférentes à ce problème. Vous vous rendez compte, 62%, une forte majorité ! L’indifférence est ici insupportable. Elle résulte sans doute d’un manque d’information, comme l’a reconnu cette jeune fille.

Alors si vous rencontrez un de ces 62% d’indifférents, qu’il soit jeune ou pas, dites-lui qu’il doit savoir. Qu’il doit savoir ce qu’à été le génocide, ce qu’est l’antisémitisme, ce qu’est le racisme. Dites-lui surtout que l’indifférence fait le lit de la bête immonde qui, un jour, si l’on ne crie pas le dégoût qu’elle suscite, va resurgir. Avant qu’il ne soit trop tard.

Pau, le 20 février 2019

par Joël Braud

Le vote blanc

A l’occasion du Grand débat palois qui s’est tenu le 6 février 2019 à Pau, a été évoquée la possibilité de prendre en compte les votes blancs en les considérant comme des suffrages exprimés. Il s’agit là d’une revendication insistante des gilets jaunes. Mais en dépit des apparences ce dispositif nouveau ne serait pas aussi simple que cela et soulève un certain nombre de réflexions.

Tout d’abord, lors de ce débat, le professeur droit public, Philippe Terneyre a eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet. Il a dit qu’il était pour considérer que les votes blancs devaient être intégrés dans les suffrages exprimés, parce que, à son avis, il s’agit d’une expression citoyenne. Il n’en a d’ailleurs pas dit beaucoup plus. Les avis sur ce point, sont en réalité partagés et beaucoup parmi les juristes ou sociologues, estiment au contraire que ne rien dire n’est pas une façon de s’exprimer. Lorsqu’on n’a pas d’opinion et qu’on ne peut pour cette raison faire un choix, on se tait et on vote blanc. Ils parlent alors d’expression taiseuse.

Actuellement lors des élections en France du Président de la République, des députés et des conseillers départementaux, le vote est uninominal à deux tours (sauf pour les départementales où il est binominal, mais cela ne change rien). Le principe est relativement simple pour être élu au premier tour, il faut que le candidat obtienne la majorité absolue des voix, c’est à dire, la moitié des suffrages exprimés plus un. Ne peuvent se maintenir au second tour, lorsqu’il y a lieu d’y recourir, que les candidats qui ont obtenu 12,5% des suffrages exprimés. Qu’en sera-t-il lorsque les votes blancs intégreront les suffrages exprimés ? Il est fort probable que très peu de candidat sera élu dès le premier tour et que beaucoup ne pourront accéder au second. Il est tout aussi probable que les scores de certains élus seront modestes au point que pourra, se poser la question de la représentativité. On peut également s’interroger sur l’incidence qui pourra résulter de cette intégration lors des scrutins à la proportionnelle.

Un autre point, plus matériel celui-ci, est de considérer que le vote blanc devra être possible par la création d’un bulletin de vote spécifique, un bulletin ne comportant aucune inscription. Cela ne constituera-t-il pas une sorte d’incitation à l’usage du vote blanc ? La question mérite d’être posée d’autant que nous Français, de tempérament frondeur et contestataire nous avons une tendance marquée à chercher des moyens de manifester notre mécontentement. Rappelons pour illustrer cela, que lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017, le pourcentage des votes blancs et nuls était de 11,20%, ce qui n’est pas négligeable.

Autre illustration, en revenant sur l’élection présidentielle de 2017 qui, par parenthèses, est celle pour laquelle les Français se mobilisent le plus, les résultats pourraient être modifiés de la façon suivante si les votes blancs avaient été intégrés :

Le président Macron n’aurait pas obtenu 24,01% des suffrages exprimés au premier tour mais 23,57% (et seulement 18,19% des inscrits). Au second tour, il n’aurait pas obtenu 66,10% des suffrages exprimés mais 58,59% (et seulement 43,59% des inscrits). Si les différences ne sont pas énormes pour ce qui concernent l’élection présidentielle, elles le seront vraisemblablement davantage pour les autres élections. Les taux d’abstention en France sont relativement élevés, ainsi pour la présidentielle, il est de 22,23% et 25,44% ; européennes : 57,57% ; législatives : 51,30% et 57,36% ; régionales : 50,09% et 41,59%, départementales : 49,83% et 50,02%.

Une réforme du mode électoral est-elle aussi opportune que certains le prétendent ? Si oui, ne devrait-elle pas s’accompagner de l’obligation de voter ? La question n’est pas simple.

Pau, le 18 février 2019

par Joël Braud

NB : Le prochain grand débat palois se tiendra le vendredi 22 février sur le thème de la transition écologique.

Crédit image : parti du vote blanc.fr