« VOX » populi

Toute la famille est tenue en haleine par le feuilleton des Gilets Jaunes : il y a dans ma famille, des pros et des anti-Gilets Jaunes. Il y a ceux qui font des barbecues sur les barrages et ceux qui les détestent et le font savoir. Il y a des cousins jaunes et d’autres qui ne le sont pas ; des amis de droite et des amis de gauche et c’est très bien. C’est une famille qui est ainsi parfaitement intégrée à la démocratie, à la République dont tous se réclament. Ceci-dit, les anthropologues les plus savants le pointent du doigt, il y a un « problème de territoires » en France : certains se meurent d’autres prospèrent et le bassin familial est essentiellement rural. Il y a donc fort à parier que de nombreux des miens se trouvent sur les barrages se voyant comme abandonnés et méprisés. Car nous, Gascons, nous sommes d’une race fière et nous n’aimons pas que l’on nous parle mal.

L’actualité des Gilets Jaunes a fait passer au second plan un autre fait majeur chez nos voisins qui nous sont chers : le résultat des élections régionales en Andalousie. Il est capital pour le futur de l’Europe : c’est la région la plus peuplée du pays ; fief historique de la gauche. Dans cette région, au nom de la modernité, un parti demandait l’arrêt pur et simple de toute tauromachie, l’Andalousie en est le berceau, et celui de la chasse, ressource importante de ses villages : Podemos membre de la coalition nationale au pouvoir à Madrid,classé à l’extrême gauche. Un autre, au contraire, voulait la « sanctuariser », Vox, nouvel arrivant d’extrême droite. Le premier a subi un grave recul électoral, le second est entré au parlement régional, pour la première fois de son histoire, en totalisant plus de 11% des voix, chiffre qu’aucun institut de sondage n’avait prévu.

Soyons clair : la famille ne se réjouit pas de l’irruption de Vox sur la scène espagnole. Il évoque les années sombres d’un pays que nous aimons. Mais la gauche andalouse ne récolte-t-elle pas le fruit de son intolérance ? Ces menaces radicales sur l’avenir de la tauromachie et sur celui de la chasse ces deux piliers de la culture populaire locale défendue en son temps par de nombreux intellectuels victimes du franquisme, comme Garcia-Lorca ou Miguel Hernandez, étaient-elles nécessaires ? Les secteurs cynégétiques et  taurins ont voté massivement VOX. Le grand matador Morante de la Puebla, très populaire en Andalousie, s’est manifesté dans ce sens, cela lui a valu des tags sur sa propriété, le traitant de nazi. La carte électorale le montre : le vote Vox est un vote populaire qui touche les zones les plus pauvres de cette grande région. Il semble que la fulgurante extension de ce parti -selon les sondages- se poursuivra aux prochaines élections nationales qui auront lieu l’année prochaine. L’Espagne rejoindrait ainsi l’Italie, l’Europe de l’Est et, toujours selon les sondages, la France. Nous aurions alors une Europe « mitée » par le populisme.

Ces résultats devraient rendre modestes les partis traditionnels et leurs discours. La gauche espagnole, démentie par les urnes, poursuit pourtant ses provocations. La dernière vient de la ministre socialiste espagnole de la transition écologique, Teresa Ribera, qui au lendemain de cette défaite andalouse s’est prononcée, à Madrid cette foi, pour l’interdiction pure et simple, immédiate et définitive de la tauromachie et de la chasse. Quand on connaît la contribution des éleveurs comme celle des chasseurs à la défense d’un environnement préservé sur des centaines de milliers d’hectares, à un bien-être animal malmené par les pratiques industrielles, sans compter les milliers d’emplois pérennes on se dit que c’est d’une mauvaise foi délibérée ou d’une ignorance coupable.

La récente sanction électorale andalouse, le succès de VOX, trouvent leurs racines dans ce mépris de ces nouveaux décideurs européens qui n’aiment pas le peuple. Ultime illustration, cette déclaration hasardeuse du responsable des députés LREM, Gilles Legendre, sur Public Sénat, assurant tranquillement que le gouvernement n’a fait aucune erreur mais a simplement été « trop intelligent, trop subtil, trop technique ». Déclaration symptomatique d’une prétendue élite européenne au talon de fer, autoproclamée, adepte de la réforme pour la réforme, sourde aux aspirations populaires au nom d’une modernité portée comme un totem.



Pierre Vidal

Illustration: « Le torero mort » par Edouard Manet.

Politique – France-Espagne : Vers la rétrogradation des Partis Socialistes ?

Etat de guerre entre Pedro Sanchez et Pablo Iglesias
Etat de guerre entre Pedro Sanchez et Pablo Iglesias

L’observation des PS français et espagnol fait apparaître des similitudes inquiétantes pour les dirigeants de ces formations. Tous les deux sont actuellement « débordés » sur leur gauche. Seraient-ils trop « conservateurs » et pas assez « anti-austérité »  ?

La situation française du PS vient de nous offrir un spectacle d’un genre surprenant avec 30 députés de son « aile gauche » essayant de mettre en place une motion de censure contre un gouvernement composé principalement de « camarades du parti » ! Une situation incroyable qui en d’autres temps, celui où l’honneur et la cohérence passait avant tout, aurait conduit à l’exclusion du parti des signataires, et à la démission du patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui ne tient pas ses troupes.

Face à cette « vendetta », soulevée par le projet de loi Travail, qui a aussi de multiples traductions dans la rue, le gouvernement va utiliser le 49.3 pour le « faire passer ». Une décision peu démocratique que d’imposer une loi en faisant fi du Parlement !
Que penser par ailleurs, à l’heure des réseaux sociaux, de tels archaïsmes que le 49,3, mais aussi des ordonnances que nous promet Alain Juppé, s’il venait à être élu ?

Le PS est donc bousculé par sa gauche. Les 56 signataires du projet de motion de gauche vont-ils aller plus loin et tenter de déborder le processus présidentiel qui voudrait imposer, en ne passant pas par une primaire, le Président Hollande comme candidat du PS ?

N’allons-nous pas voir émerger une regroupement des frondeurs du PS avec le reste de la gauche (Ecologistes et communistes) ? Une candidature, anti-austérité, à gauche du PS ne serait-elle pas une conséquence logique de la contestation, au Parlement comme dans la rue ?

En tout cas, pour la gauche au pouvoir, les 12 mois qui s’ouvrent, seront loin d’être de tout repos.

Ce qui se passe en Espagne devrait inquiéter le PS français. Les élections du 26 juin au « Congrès des Députés » sont, en effet, celles de tous les dangers pour le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) qui, lui aussi, se voit débordé à sa gauche par PODEMOS. Les adhérents de cette formation viennent en effet de voter, à une écrasante majorité  de 98%, la constitution d’une coalition avec IU (Izquierda Unida), petit parti minoritaire « écolo-communiste », qui pourrait, avec ses quelques députés, permettre à la coalition PODEMOS-IU de passer devant le PSOE en nombre d’élus au Congrès.

Si c’était le cas, alors qu’il y a 6 mois, Pablo Iglesias, leader de PODEMOS, demandait à Pedro Sanchez, secrétaire général du PSOE, d’une façon peu académique par voie de presse, de lui attribuer un poste de Vice-Président, c’est tout à fait l’inverse qui pourrait se produire aux nouvelles élections.

D’ailleurs, sans attendre, Pablo Iglesias n’a-t-il pas déjà proposé un poste de Vice-Président à Pedro Sanchez pour former un gouvernement de « cambio y progreso », dès le mois de juin !

Si la coalition PODEMOS-IU venait à passer devant le PSOE, gageons que cela donnerait des idées aux 56 élus qui étaient disposés, à mettre en place la motion de censure de gauche, contre la loi Travail. Le 26-J (comme disent les Espagnols) sera aussi important pour la France.

– par Bernard Boutin

crédit photo : AMERICA 2.1

Debout la nuit et en marche

IMAG8857[1]Le premier mot d’ordre ne peut plaire à tout le monde : beaucoup d’entre nous ont besoin de sommeil. Quant au second, on peut se demander vers quoi la marche est supposée se diriger. Ce n’est pas précisé dans les déclarations d’Emmanuel Macron qui est plus disert sur ses proclamations de fidélité à la gauche et à François Hollande. Peut-être sent-il le besoin de convaincre sur ce point. Mais on peut supposer que ses initiatives laissent présager une voie fort libérale, plus soutenue par le monde de l’entreprise que par le monde du travail.

Cependant, chacun de ces mouvements reflète un sentiment diffus de rejet de la situation actuelle, ou au moins de critique profonde de l’organisation de la société. L’ennui est que ces deux critiques vont dans des sens différents et que leurs appuis ne représentent pour le moment qu’une part minime du corps électoral, même s’ils peuvent jouir de sympathies. Ils constituent donc plus des frémissements que des mouvements. Cependant, des expériences passées comme la révolte de mai 68 ou Podemos montrent que des courants ascendants peuvent faire monter l’emprise sur l’opinion.

Il faut tout de même ajouter que mai 68 a donné lieu à un vote record pour la droite aux élections du mois suivant. Cependant, la vague a laissé des traces : il est difficile d’imaginer aujourd’hui ce qu’était la société française avant 1968, engoncée qu’elle était dans une rigidité qui s’alliait bien avec les vieillards au pouvoir. De sorte que les appels au modernisme de M. Macron et les aspirations à une société plus juste, plus humaine des veilleurs de la nuit laisseront peut-être des traces palpables.  Les uns et les autres rejettent le carriérisme des hommes politiques, le cumul des mandats dans le temps et dans les fonctions. Mais cela suffira-t-il à faire changer les choses ?

Séduire les lecteurs du Financial Times pour l’un, agiter les mains comme des marionnettes pour approuver une résolution ou mouliner ses avant-bras pour montrer son souhait de passer à autre chose est peut-être novateur et sympathique. Mais les forces à l’œuvre dans le monde, celles des multinationales notamment, ne bougeront pas avec de simples pratiques de ce genre.

Lorsque je considère ces deux mouvements, je ne ne peux m’empêcher de penser au livre « L’homme qui parle » de Mario Vargas Llosa. Une étude quasi ethnographique du peuple machiguenga de la forêt amazonienne, qui se met en marche pour arrêter le soleil dans sa chute, tandis que les tronçonneuses détruisent la forêt pour que les surfaces dédiées aux tourteaux de soja nous parviennent en quantités toujours plus grandes.

Paul Itaulog

Espagne – Politique : Entre corruption et Podemos, rien ne va plus !

Capture d’écran 2016-01-28 à 19.44.24En Espagne, les blocages sont nombreux depuis que la traditionnelle opposition PP-PSOE (Parti Populaire – Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) a éclaté, lors des élections du 20 décembre des représentants au Congrès (Parlement à Madrid). Suite à l’apparition des nouveaux partis : Ciudadanos (40 sièges) et surtout celle de Podemos (69 sièges), le PP (123 sièges) et le PSOE (90 sièges) ne sont pas suffisamment représentés pour former un gouvernement seul, comme ils le font depuis 1976, date de la nouvelle constitution mise en place à la mort de Franco. Pour simplifier le tout, il convient aussi de prendre en compte les indépendantistes, et autres « divers », qui représentent 19 sièges. A l’heure des coalitions, ces voix comptent plus que jamais.

Le Roi, Felipe VI, dans son rôle de « Jefe de Estado » (chef de l’Etat) a consulté la semaine dernière tous les partis, présents au Congrès, afin de trouver à qui proposer de former le nouveau gouvernement. Vendredi 22, il a achevé ses consultations en recevant d’abord, Pedro Sánchez, secrétaire général du PSOE, suivi du Président sortant du Gouvernement, Mariano Rajoy (PP) dont le groupe a obtenu le plus de représentants au Congrès. Naturellement, il a proposé à celui-ci de former un gouvernement ce que Mariano Rajoy a courtoisement refusé, arguant du fait qu’il n’avait pas trouvé à ce jour de majorité de coalition pour gouverner. Lors d’une conférence de presse, il demandait par la suite un délais supplémentaire.

Cette semaine, le Roi a repris ses consultations en débutant par les petits partis régionalistes avant de terminer par le PP et le PSOE vendredi 29. Tout semble se diriger vers une nouvelle situation de blocage qui devrait conduire soit à une dissolution du Congrès, soit à une prolongation de 2 mois donnée aux partis par le Roi pour former un gouvernement.

D’un côté, une partie de poker intense se joue entre le PP qui propose à Ciudadanos et au PSOE de former une coalition que refuse la gauche du PSOE. De l’autre, Pablo Iglesias de Podemos propose de former une coalition avec le PSOE pour mettre en place un gouvernement de gauche. Pedro Sanchez (PSOE) est donc tiraillé de tout les côtés mais, nombreux sont les « Barons » du PS qui craignent d’être avalé par la dynamique Podemos qui parait difficilement contrôlable. Tant sur le fond que sur la forme.

Podemos est craint par beaucoup pour les risques qu’il représente pour l’économie espagnole qui a vu le chômage baisser de 678.000 demandeurs d’emplois en 2015. L’idéologie du parti, issue du mouvement des Indignés, puise son inspiration dans les recettes de l’extrême-gauche* avec des nationalisations, la constitution de Banques Publiques, des menaces de sortir de l’OMC etc. (voir programme).

La presse a fouillé le passé de Pablo Iglesias et publié en « Une » un fait qui est tout un symbole. La figure emblématique de Podemos, théoricien universitaire madrilène, n’avait pas hésité, lors de la dernière campagne électorale d’Hugo Chavez, à aller participer à sa campagne en posant des affiches à Caracas. Et la presse, de rappeler, à quel point de délabrement économique, l’utopiste Chavez a conduit son pays : Chômage, précarité, criminalité et raréfaction des produits de première nécessité sont le lot quotidien des vénézuéliens alors que le pays jouit de réserves pétrolières très importantes. Hugo Chavez, mentor de Pablo Iglesias !

Un Pablo Iglesias qui utilise la moindre intervention publique comme un plateau télé, n’hésitant pas à mettre en scène l’entrée de ses députés, au Congrès, lors de leur installation officielle. Le « script » de la scène : pénétrer dans l’hémicycle parmi les premiers, s’installer aux places les plus télévisuelles, mettre en avant une députée portant un bébé dans ses bras, un autre à la coupe rasta ou encore une élue « noire ». Jean et T-shirts ou chemisette de rigueur. Des « coups de com » très médiatisés qui ont vite fait prendre conscience à une partie des Espagnols du risque de dérives que représente Podemos. Prise de conscience qui s’est accentuée quand Pablo Iglesias a proposé de former un gouvernement au PSOE en s’attribuant d’office le poste de « Vice-Président ». Bref, un bulldozer dans l’antre des « barons du PSOE » qui n’en mènent pas large et vont « devoir se remettre profondément en cause s’ils veulent reprendre la main à gauche ».

Plus d’un mois après les élections, tous les partis restent campés sur leur position et rien n’a réellement avancé. Seul Ciudadanos serait prêt à rejoindre une coalition, de droite ou de gauche, pourvu qu’il y ait accord sur le fond et notamment dans la lutte contre la corruption, ce qui semble difficile à obtenir du côté du PP, à nouveau, empêtré dans un important réseau de corruption. Cette fois-ci, dans la région de Valence. Un PP qui va « devoir se remettre profondément en cause s’il veut reprendre la main à… droite et au centre ».

Tout reste ouvert pour la nomination du prochain gouvernement en Espagne et, si solution il y a avec le Congrès actuel, elle ne pourra apparaître que dans la douleur.

– par Bernard Boutin

* Une affirmation qui devrait animer le forum…
** Source photo d’illustration : http://www.libertaddigital.com

Espagne : Le changement, c’est demain !

Congreso_de_los_Diputados-pagina_web-asedio-25A-Anonymous_MDSIMA20130425_0095_13Dimanche 20 décembre, les Espagnols votent pour renouveler leurs représentants aux « Congreso de los Diputados », la Chambre des 350 députés espagnols.

Traditionnellement, depuis l’adoption de la nouvelle constitution à la mort de Franco en 1977, il appartient au parti qui a remporté le plus de sièges de mettre en place le nouveau gouvernement. Le Président du gouvernement devrait donc être soit le Président du PP (Parti Populaire), soit le secrétaire général du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol). Lors des élections de 2011, le PP avait raflé la mise avec 186 sièges (majorité absolue à 176). Le PSOE avait du se contenter de 110 sièges. Le reste des sièges allant à des partis régionaux ou nationalistes. En 2016, tout va changer.

Au cours des dernières années, le mouvement des indignés, le développement des réseaux sociaux, la volonté indépendantiste de l’autonomie catalane, la crise économique et l’explosion du chômage ont bouleversé complètement la donne politique. Résultat : Dans la campagne électorale actuelle, deux nouvelles « têtes », accompagnées d’un nombre important de députés, sont en passe de rentrer au Parlement de Madrid. Demain, ni le PP, ni le PSOE vont pouvoir gouverner seul. Le temps des coalitions arrive. En Espagne, il y a eu un avant 1977 et un après 1977. Il y aura maintenant un avant 2015 et un après 2015.

Le mouvement de indignés a débouché sur l’apparition de PODEMOS et son leader Pablo Iglesias, reconnaissable entre autre à sa queue de cheval, attribut rare en politique ! Un homme charismatique, simple, transversal allant jusqu’à offrir des livres au Roi lors de sa venue au Parlement Européen. Son positionnement le situe à la gauche du PSOE et mord très largement dans son électorat. La nébuleuse* de PODEMOS est créditée, dans le dernier sondage du CIS (Centro de Investigaciones Sociológicas) de 45 à 49 sièges contre 77 à 89 pour le PSOE, dirigé actuellement par Pedro Sánchez. Une addition de voix cependant insuffisante pour atteindre la majorité de 176 voix pour gouverner.

L’autre leader, apparu en octobre 2014 dans les sondages, est centriste : Albert Rivera. Son parti CIUDADANOS s’intercale entre le PSOE et le PP. Lancé en Catalogne, CIUDADANOS, prône l’union entre Catalogne et Espagne. Aux dernières élections régionales catalanes, le 27 septembre 2015, CIUDADANOS est devenu le premier parti d’opposition au Parlement catalan. Un succès qui a marqué les esprits. Si vite, si haut.

Albert Riviera et Iglesias, 35 et 36 ans, rajeunissent** singulièrement le paysage politique espagnol. Ils ont en commun un combat fort : la lutte contre la corruption qui a gangrené au fil du temps les deux poids lourds de la politique : le PP et le PSOE (et accessoirement la Generalitat catalane).

CIUDADANOS est crédité de 63 à 66 sièges dans le futur parlement espagnol. Un nombre de sièges absolument nécessaire tant pour le PP comme pour le PSOE afin de gouverner. A quel parti, Albert Rivera souhaitera t’il se joindre ? Une question sans réponse à ce jour.

Demain, le jeune Président de CIUDADANOS, centriste mesuré, sera idéalement placé pour faire ou défaire le prochain Président du gouvernement espagnol.

– par Bernard Boutin

* La nébuleuse de PODEMOS : Podemos, Compromis, En Comu Podem et En Marea
** L’incroyable rajeunissement de la classe politique espagnole:
PSOE : Pedro Sánchez, né à Madrid en 1972 : 43 ans
CIUDADANOS : Albert Rivera, né à Barcelone en 1979 : 36 ans
PODEMOS : Pablo Iglesias, né à Madrid en 1978 : 35 ans
PP : Mariano Rajoy né à St Jacques de Compostelle en 55 : 60 ans

Espagne : La Catalogne pourra t-elle lancer son processus de sécession après les élections au Parlement régional du 27 septembre ?

Catalunya, nouvel Etat de l'Europe
Catalunya, nouvel Etat de l’Europe

Dimanche, les Catalans sont appelés à élire leur 135 représentants au Parlement de Barcelone. Artur MAS, président de la Généralitat (gouvernement autonome catalan), compte bien obtenir 68 députés pour soutenir son projet indépendantiste. Pour cela, il a créé un large front indépendantiste « Junts pel Sí » (ensemble pour le OUI à l’indépendance). Un ensemble qui regroupe les politiques de la quasi totalité de la classe politique catalane qui militent pour l’indépendance. « Junts pel Sí », qui ratisse de la droite à la gauche, a un programme simple : faire en sorte que la républicaine Catalogne rompe enfin, et définitivement, les ponts avec la royale Espagne.

Ce jour-là, la Catalogne lavera l’affront que lui ont fait subir les Bourbons castillans, il y a 301 ans, le 11 septembre 1714, en conquérant Barcelone et, faisant disparaître, par la même occasion, la Catalogne indépendante qu’elle était jusque-là.

Si dimanche soir, au terme des élections, 68 députés sont élus sur les listes « Junts pel Sí » et du CUP (extrême gauche souverainiste qui n’a pas voulu faire liste commune avec « Junts pel Sí  »), Artur MAS, fort de cette majorité lancera un « processus sécessionniste unilatéral » pour rendre la Catalogne indépendante dans un délais de 18 mois à compter de l’élection.

Artur MAS a du caractère, du charisme et de la persévérance. C’est un communiquant. Il « surfe », avec aisance, sur la frustration des Catalans de souche qui ne se sont jamais totalement soumis au joug des castillans. Le ressentiment est toujours vivace 300 ans plus tard. Le discours est simpliste : Madrid prélève par l’impôt nos richesses pour les redistribuer à de nombreuses régions espagnoles qui ne survivent que grâce à elles. L’Andalousie est la première désignée du doigt.

Populiste, il galvanise les Catalans en leur faisant croire que demain ne peut être que meilleur entre soi et loin des colonisateurs castillans. Les Catalans sont fiers. Fiers de leur culture, de leurs artistes, de leur capitale Barcelone qui brille de par le monde. Fiers aussi de leur activité industrielle, la plus forte de l’Espagne avec celle du Pays Basque. La Catalogne, c’est 19% du PNB espagnol, 25% de ses exportations et 7,5 millions d’habitants sur les 46,6 millions que compte le pays.

La tentative d’Artur MAS se traduit par une mobilisation impressionnante pour le oui à l’indépendance. A Barcelone, les indépendantistes étaient, le 11 septembre pour le jour de la Diada*, entre 1 et 1,5 millions à défiler. Un lien entre tous, le drapeau de la région : la senyera que l’on retrouve partout pendue aux balcons dans les moindres villages ou encore au sommet du Canigou et de la Pica d’Estats, pic le plus haut de Catalogne. Les ronds-points sont tous parés d’un mat au sommet duquel flotte la senyera. L’élan des souverainistes ressemble à une vague de fond. Le drapeau espagnol ne flotte plus en Catalogne, en dehors des rares casernes de la Guardia Civil et de quelques bâtiments publics nationaux. Surprenant !

De leur côté, les partisans, pour que la Catalogne reste au sein de la nation espagnole, sont trop dispersés pour occuper le terrain comme le font les indépendantistes. Ils sont pourtant nombreux à croire à l’utilité de rester unis à Madrid. Selon le dernier sondage du CIS**, institut de sondage similaire à l’IFOP français, ils seraient même légèrement majoritaires en voix, sauf que les indépendantistes (Junts pel Sí + CUP), aidés par le découpage des circonscriptions, arriveraient tout de même à avoir une majorité d’un ou deux sièges au Parlement.

A cela, Artur MAS répond que, même si l’élection n’est pas majoritaire en voix, avec la majorité en siège pour les indépendantistes, il poursuivra son processus de sécession unilatérale à l’échéance de 18 mois… Unilatérale, car la constitution espagnole ne prévoit pas l’indépendance d’une de ses provinces. On mesure là que les enjeux sont considérables et les risques de radicalisation certains.

Le gouvernement de Madrid, mené par Mariano RAJOY, n’a, à aucun moment, créé les conditions d’un dialogue afin de rechercher une issue négociée aux principales critiques émises par Barcelone, notamment à propos des impôts prélevés en Catalogne, insuffisamment redistribués sur place.
En son temps, le président du gouvernement espagnol, Luís ZAPATERO avait su négocier avec le gouvernement autonome basque, en lui accordant une large autonomie fiscale, et arriver à un accord qui a calmé le jeu en Euzkadi.

Si le vote des électeurs porte les indépendantistes au pouvoir à Barcelone, le rigide Mariano RAJOY sera co-responsable, avec Artur MAS, d’avoir crée une situation qui ne pourra dès lors qu’empirer.

Au plan national, l’étape suivante, serait celle des élections, qui devraient avoir lieu en novembre 2015, pour élire des députés aux Cortes, Parlement de Madrid. Elle porterait très probablement au pouvoir une majorité de gauche. Mariano RAJOY, rendu responsable du « désastre catalan » disparaîtrait alors de la présidence du gouvernement et serait remplacé par son homologue PS, Pedro SANCHEZ qui avec Podemos formerait une coalition. Ensemble, ils auraient alors à négocier avec Artur MAS pour tenter de trouver un accord pour rompre sa tentative sécessionniste.

D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous le Manzanares (Madrid) et le Llobregat (Barcelone) et les pions auront probablement bougé.

– par Bernard Boutin

* Diada : fête nationale catalane pour célébrer le sacrifice des défenseurs de Barcelone le 11 septembre 1714
** En espagnol, l’analyse par El País, du dernier sondage du CIS