La formidable aventure du Lynx (en Espagne) : A quand dans les Pyrénées ?

En 2002, il y avait seulement 94 exemplaires de Lynx, répartis sur deux zones, dans le sud de l’Espagne : une dans le parc national de Doñana (embouchure du Guadalquivir), l’autre à Andújar (province de Jaén). L’animal était donné en voie d’extinction.

En 2018, sa population est évaluée à 686 exemplaires ! Vivant sur 125 km2 en 2002, ils sont maintenant répartis, sur 3064 km2, en Andalousie, Extremadure, Castille et sud du Portugal. Les « miracles » seraient-ils possible en matière de conservation et de reproduction animale ?

C’est en 1998, que Miguel Ángel Simón, biologiste née à Jaen, commence dans le cadre du programme Life, financé par des fonds communautaires et privés, à inventorier, mettre en « conservation » et aider à la reproduction des Lynx ibériques. Il passe 20 ans à cette tâche. Avec méthode et argent, 20 ans plus tard, le résultat est là. La semaine prochaine, à Bruxelles, Miguel Ángel Simón sera honoré pour ce résultat hors-norme. 

Dès le début pour le biologiste, il n’y a qu’une méthode : la reproduction et la réintroduction des animaux en s’assurant d’un « consensus social » des collectivités locales, de l’administration espagnole, des propriétaires des grandes fermes qui caractérisent le sud de l’Espagne, des sociétés de chasses et des citoyens en général.

Miguel Ángel Simón vient de prendre sa retraite. Il peut être fier du travail développé depuis son centre de conservation et de reproduction de “El Acebuche”, situé à Matalascañas dans le parc de Doñana. Un centre qui n’est pas resté seul puisque le zoo botanique de Jerez et les centres de Silves (Portugal), Granadilla (Cáceres), Santa Elena (Jaén) participent maintenant aussi au « repeuplement » des Lynx ibériques. 

L’incroyable succès du programme attire beaucoup de monde. Parmi les derniers hôtes de marque : Angela Merkel et Pedro Sanchez.

A quand des Lynx dans les Pyrénées ?

– par Bernard BOUTIN

Plus sur le programme de reproduction du Lynx ibérique : c’est ICI (en espagnol et anglais). Lire aussi la parution dans El País du 11 mai 2019 (espagnol).
credit photo : https://www.lynxexsitu.es/index.php

Ecobuage : qui pour démontrer son utilité ?

écobuage du côté du Rocher d’Aran

Chaque année, dans les Pyrénées, une fois que l’herbe a bien séché, une fois qu’elle est devenue paille et a revêtu une magnifique couleur or qui scintille au soleil, les pentes s’embrasent.

L’or se transforme en couleur cendre, l’air devient irrespirable. Il faut cheminer sur ces espaces brûlés, morts… et se questionner : quelle chance a-t-elle été donnée aux insectes, qui vivent au raz du sol, pour échapper au feu dévastateur ? Quelle chance a-t-elle été donnée aux nichées d’oiseaux qui vivent camouflées sous les mottes de terres ? Quelle chance a-t-elle été donnée aux petits rongeurs pour fuir le feu ? La réponse est simple, dramatique : aucune !
Et si ce n’était que cela : cette herbe paille n’était-elle pas aussi litière pour les ongulés (isards, chevreuils etc.), voire un complément nutritionnel pour les mois d’hiver.

A t-on évalué le bilan de ces écobuages ? A t-on évalué, d’un côté, la disparition par le feu de plantes invasives sur les estives (ajoncs, ronces etc.) et l’enrichissement des sols par les cendres et, de l’autre, l’inexorable disparition de la chaîne du vivant ?

Qu’est-ce qui est le plus important : préserver une activité traditionnelle (la transhumance) qui ne concerne que quelques uns ou préserver le vivant qui nous concerne tous ? Un choix difficile entre court-terme et long-terme.

Il serait intéressant que les naturalistes qui interviennent sur AltPy aident à développer ce sujet et nous renseignent, si possible, sur le bilan réel de l’enrichissement des sols par les cendres.

– par Bernard Boutin

Ours : à qui appartiennent les Pyrénées ?

Jeudi matin, le maire et éleveur de Sarrance, Jean-Pierre Chourrot, s’exclamait sur l’antenne de France Bleu Béarn, à propos des barrages filtrants, installés sur sa commune, pour s’opposer au lâcher d’ourses : « On est quand même chez nous ! ».

« On est quand même chez nous ! » : cette appropriation des Pyrénées plante bien le décors. Les Pyrénées appartiendraient aux seuls bergers… qui ne montent à la transhumance que fin juin/début juillet pour descendre fin septembre.

Deux à trois mois de présence sur les estives (elles ne représentent qu’une partie de l’espace pyrénéen) permettent-ils d’attribuer la propriété de toute la chaîne à ces seuls bergers et aux rares éleveurs qui habitent encore en moyenne montagne. Sur quel fondement de droit de la propriété peut-on affirmer cela ?

Quid de ces passionnés de nos montagnes qui y font vivre tout un tissus touristique ? Quid des employés des collectivités territoriales qui entretiennent routes et stations de sports d’hiver ? Quid des techniciens qui font tourner le réseau de centrales électriques de l’ancienne Compagnie du Midi ? La liste est longue des pyrénéens qui permettent aux Pyrénées d’être ce qu’elles sont. Il n’y a pas que des bergers dans la chaîne.

Le débat sur la propriété de la chaîne ne devrait-il pas aller plus loin alors même que l’homme a colonisé la grande majorité de la planète terre ?

Dans les plaines, tous les paysages ont été façonnés par lui et pour lui. On en sait le résultat : un appauvrissement remarquable de la bio-diversité. Un recul, toujours plus rapide, du vivant pour le seul bénéfice de son espèce.

Des « poumons verts », rares confettis à l’instar des Pyrénées, parsèment la planète. A qui appartiennent-ils ? Aux habitants locaux, à l’humanité ou à tous les êtres vivants quels qu’ils soient : plantigrades, prédateurs, ongulés, rapaces, batraciens, reptiles, ovins, bovins, hommes. Une autre mixité sociale.

– par Bernard Boutin

Pau : les grandes lignes de cars en manque d’une gare routière

La gare routière de Pau

Pau, avenue de l’Université. La « mousson béarnaise » tombe dru. Les voyageurs se sont réfugiés sous l’auvent face à la COREP et au bar « Le Forum ».
Il n’est pas un Palois pour ne pas avoir remarqué que régulièrement du monde attend à cet endroit les « cars Macron » des lignes internationales ou interrégionales. De plus en plus depuis la grève des trains.
Sur des panneaux, on peut lire que des cars Ouibus font 3 fois par jour la ligne Saint-Sébastien-Toulouse (et l’inverse), des cars Flexibus proposent deux fois par jour Saint Sébastien-Montpellier (et l’inverse).
Des cars d’Isilines, d’Eurolines passent aussi. Des autocollants le confirment. Pas de panneau d’horaires mais sur internet, il est proposé, par Eurolines, « 754 destinations à partir de Pau » (avec nombre correspondances).
Justement, un car Flexibus arrive. Comme par miracle, la pluie s’arrête. Les voyageurs accourent. Une vingtaine. Sous la pluie, la queue aurait été compliquée. Pas d’abri à cet endroit-là. Allez faire la queue en bon ordre sous la pluie ! Il n’y a que les anglais qui savent s’y coller…
Un jeune se précipite pour glisser son bagage dans la soute gauche du bus. Côté rue. Les voitures le frôlent. Accident encore évité cette fois-çi. Jusqu’à quand ?
Aux 4 coins du monde, toute ville digne de ce nom a une, voire plusieurs, gares routières souvent situées aux entrées des villes. Pau capitale !
Mais peut-être est-il prévu d’en réaliser une aux côtés de FéBus qui demain irriguera la ville ? Pau capitale a probablement prévu d’y joindre aussi une aire de covoiturage facilement accessible et sécurisée. Un élu pourrait-il nous éclairer sur cet aspect du développement de notre ville ?
Ce qui est sympa pour lui, comme pour les autres, c’est qu’il reste tant et tant à faire…

– par Bernard Boutin

Pyrénées : Des ours polaires bientôt lâchés !

Face à la dramatique situation que connaissent les ours polaires, suite à la disparition de la neige causée par le réchauffement climatique, le Parc National des Pyrénées a décidé de lâcher deux ourses polaires, sur son territoire, pour rejoindre les ours mâles béarnais, Néré et Cannelitto.

Les espaces vierges situés au fond du vallon de Bious-Artigues, sous la crête frontière, répondent à l’ensemble des critères retenus, par les scientifiques du parc, pour un tel lâcher : vastes étendues éloignées de l’activité humaine, fort enneigement, températures de plus en plus glaciales, contrairement au Pôle nord.

Le 22 mars, une mission exploratoire a constaté sur le terrain, une nouvelle et dernière fois, les potentialités d’accueil des plantigrades : froid vif intense (température ressentie de -15 à -20°), couche de neige généreuse, parois plâtrées, absence de présence humaine. Le reportage photo joint atteste des potentialités observées sur place.

C’en est donc fini avec les éternelles compagnes slovènes proposées aux ours pyrénéens. Les ourses polaires vont prendre la suite pour le plus grand bonheur de Néré et Cannelitto.

Des couples inhabituels vont se former : lui, tout de brun vêtu, elle tout de blanc. Devant une telle originalité, le monde entier a prévu de se précipiter, au fond de la vallée d’Ossau, pour voir les nouveaux « tourtereaux ». Les gites et hôtels affichent, par avance, complets. Toute la production de fromage de brebis est pré-réservée. Les guides se préparent à accompagner les nombreux curieux à la recherche des oursons nouveaux-nés. Ne dit-on pas qu’ils seront zébrés de brun et de blanc ! Réponse dans 195 à 265 jours après le lâcher (période de gestation des ourses blancs).

Le débat sur l’ours en Béarn va pouvoir enfin être clos, tout le monde trouvant son intérêt avec ces réintroductions.

– par Beñat64
1 avril 2018

crédit photo : Vegactu pour l’ours et Beñat64

Dans mon panier : les miroirs aux alouettes !

Dans mon panier !

Le consommateur, au moment de ses achats alimentaires en grande-surface, est pris dans la nasse impitoyable des « packagings » développés par les fabricants. Les emballages sont toujours plus attractifs pour déclencher la spontanéité des acheteurs. Un des axes visé est de vous faire croire que vu la taille de l’emballage et son « look », vous en aurez pour votre argent.

Préparant un raid en montagne de 6 jours, je cherche, parmi les rayons de mon hyper « favori », des barres céréalières aux amandes. Les boites proposées contiennent six barres. J’en achète deux ce qui me permettra une ration de deux barres par jour. Le plein d’énergie !
A mon domicile, il s’agit de regrouper les 12 barres. Les boîtes ouvertes, je constate que leur volume intérieur inoccupé est très important. J’essaye alors de mettre les 12 barres dans une seule boîte. Sans difficulté, 5 barres d’une boîte rejoignent les 6 déjà présentes dans l’autre. En poussant un peu, toutes rentrent. Les boîtes ne sont donc remplies qu’à 50 %. M’aurait-on « vendu du vent » ?

Même opération pour les céréales BIO du petit-déjeuner. A l’ouverture de l’emballage, beaucoup d’espace vide. Les céréales sont dans un sac transparent étanche gonflé et rempli que partiellement. La « gonflette » permet à la boîte de se tenir droite. Haute de 25 cms, large de 19 cms, elle n’a que 5 cms de profondeur. Un packaging tout en « facing » destiné à appâter le consommateur : un miroir aux alouettes. Bien entendu, le contenu de la deuxième boîte entre dans le sac transparent étanche de la première.

Si l’étiquetage des produits, les poids indiqués sont satisfaisants – le législateur est passé par là -, il est clair que les packagings connaissent peu (ou pas ?) de contraintes normatives qui conduit aux excès mentionnés. En faut-il ? Les détracteurs du trop de normes, trop de contrôles, diront que non.

En attendant que le débat soit tranché, il est clair qu’acheter en vrac est la meilleure façon de contourner les packagings trompeurs. Acheter en vrac permet aussi d’éviter de jeter des emballages couteux à réaliser puis à détruire. Des emballages émetteurs de CO2. Reste le hic : le vrac est malheureusement « balbutiant » pour de très nombreux produits, notamment pour des barres céréalières et des céréales.

Au terme de ce sujet, une réponse s’impose : ne pas se laisser entrainer par les miroirs du marketing et, concrètement, remplacer les barres aux amandes « made-in-aillleurs » par des kiwis béarnais et les céréales « made-in-EU » par du pain BIO de chez « Le Fromentier », installé à Nay et aux Halles de Pau.

– par Bernard Boutin

Catalogne – Une histoire de prénoms : Les indépendantistes ne seraient-ils finalement qu’un clan raciste ?

Dans notre région, les espagnols, on les connait bien. Le 20è siècle les a vu arriver, chez nous, en grand nombre à deux occasions : une première fois, quand il a fallu remplacer, par des ouvriers agricoles aragonais, navarrais, basques etc., les centaines de milliers d’agriculteurs et de bergers enrôlés, bon-gré mal-gré, pour aller mourir sur les fronts de la première guerre mondiale. La deuxième fois, ce fut lors de la « retirada » de 1939 (la retraite marquant la fin de la guerre civile).

Deux arrivées massives d’immigrés qui font que certaines communes de notre région disent avoir une population d’origine espagnole majoritaire – cas d’Oloron par exemple – .
Ces espagnols, ils avaient et ont pour prénoms* : Mariá, Dolores, Soraya, Luis, Fatima, Íñigo, Cristóbal, Isabel, Rafael, Alfonso, Juan, Ignacio, Álvaro ou exceptionnellement Dolors (prénom catalan) mais aussi Pedro, José etc.

La Catalogne, elle aussi a vu des immigrés arriver en très grand nombre du sud de l’Espagne et particulièrement de l’Andalousie. La guerre civile terminée, beaucoup de catalans de souche ont fui vers la France et l’Amérique du sud. Naturellement les espagnols du sud sont venus les remplacer. Au sud, ils « crevaient » de faim. Franco ne les a pas freiné. Au contraire, c’était pour le Généralissime une façon de régler ses comptes avec les anarchistes et républicains catalans qui s’étaient opposés fermement à sa « croisade libératrice ».

Par dizaine de milliers, ces espagnols du sud se sont implantés autour des villes industrieuses, et notamment sur les collines surmontant Barcelone. Ils y vivaient très pauvrement dans des taudis mais, petit à petit, ont fait souche au point de représenter une partie non négligeable de la population de la Catalogne espagnole. Sans eux, le développement industriel de la Catalogne n’aurait pas été ce qu’il a été. Tous ont pour prénoms : Mariá, Dolores, Soraya, Luis, Fatima, Íñigo, Cristóbal, Isabel, Rafael, Alfonso, Juan, Ignacio, Álvaro.

Là où le bât blesse dans cette histoire de prénoms, c’est quand on se penche sur ceux des membres du Govern (Gouvernement) de Carlos Puigdemont : Carles, Jordi, Oriol, Raül, Josep, Clara, Meritxell, Antoni, Dolors, Joaquim, Lluís, Santi. Pas un prénom « espagnol » ! Les immigrés de l’intérieur, pour Carlos Puigdemont, ne font pas partie de son projet. Son slogan pourrait être tout simplement : La Catalogne aux Catalans (de souche, bien entendu). Replis sur soi et recul en arrière gigantesque à l’heure de l’Europe.

On comprend aussi pourquoi la dite « majorité » silencieuse ne s’est pas exprimée pendant de longs mois. Pour beaucoup, deuxième ou troisième génération d’immigrés de l’intérieur, il était tout simplement impossible de s’exprimer face aux catalans de souche, arrogants, fiers et sûrs de leur fait. Depuis peu, c’est par centaines de milliers qu’ils descendent dans les rues de Barcelone. Les « silencieux » osent et montent en puissance. Jusqu’où cela ira t’il ?

En attendant, les élections du 21 décembre, prévue par le gouvernement central, sont assurément une bonne façon de laisser la démocratie s’exprimer et… possiblement renvoyer les indépendantistes à leur projet trop « nombriliste ».

Bernard BOUTIN

PS : * Incidemment les prénoms espagnols repris sont ceux du gouvernement Rajoy

Catalogne : Enfin le drapeau blanc !

credit : el Periodico de Catalunya

Il y a 35 ans, pour le compte de mon employeur, je montais une filiale à Igualda, petite bourgade industrielle, située entre Barcelone et Lerida. Il y a 35 ans, je découvrais que toute la population parlait une langue nouvelle pour moi : le catalan. Si j’arrivais à imposer l’espagnol dans les conversations, c’était uniquement accepté parce que j’étais français.

Les Catalans d’alors n’aimaient pas Madrid. De vieilles blessures nombreuses : la proclamation d’indépendance du « Président » Companys, le 6 octobre 1934, qui ne dura qu’une demi-journée. La volonté de vivre en république et non sous l’emprise des Bourbons, symbole de la perte lointaine d’indépendance du pays catalan, il y a plusieurs siècles déjà. La guerre civile espagnole qui se termine dans le réduit catalan. La fuite des élites. La main de fer franquiste qui tombe sur une Catalogne qui a osé lui tenir tête. L’anarchisme viscéral d’une partie de la population d’alors, source d’inspiration pour la CUP, d’aujourd’hui. Un tableau compliqué à comprendre.

Et Madrid, la royale, idéalement placée au centre des régions qui composent l’Espagne. Madrid l’orgueilleuse vers laquelle tout conduit. Madrid qui ne veut pas traiter d’égal à égal avec Barcelone. Pourtant, les deux villes ont la même taille de population : environ 3 millions d’habitants. Madrid qui met en place des statuts d’autonomie dans de nombreuses régions mais au fonctionnement chaque fois différent. Comme si l’organisation territoriale de la région Bretagne, Nouvelle Aquitaine et Occitanie devaient différer. Source de contentieux.

Madrid, qui sous Zapatero, passe un contrat fiscal favorable au Pays Basque et n’en fait pas de même pour la Catalogne. En schématisant : Victoria (capitale administrative du Pays Basque) préleve l’impôt et ne reverse à Madrid qu’un cote-part agrée pour les dépenses « nationales » pendant que Barcelone prélève l’impôt, reverse le tout à Madrid qui renvoie à Barcelone ce qu’elle pense lui devoir. Une simplification de présentation, pour un sujet complexe qui est l’une des sources majeurs du malentendu Barcelone-Madrid.

Traversée des Pyrénées 2013 : Refuge des Cortalets, au pied du Canigou. Le pic est un symbole pour toute la population catalane qui voit le Canigou depuis loin en Catalogne (espagnole). Il faut le gravir et y dresser l’estelada (drapeau catalan). A ma table, au refuge, une vingtaine de catalans espagnols, de Barcelone et ailleurs. Les enfants sont habillés aux couleurs de l’estelada. La rancoeur contre Madrid est à fleur de peau. Mon interlocuteur reviens, sans cesse, sur Madrid qui a un « pacte financier » injustifié, inacceptable, étouffant pour la Catalogne. Chauffé à blanc par la presse locale, il cite des chiffres impressionnants. Comment faire la part des choses ? Qui sait réellement l’état du déséquilibre fiscal entre Madrid et Barcelone ?

Election au Parlament de Barcelone en juin 2015 : Les indépendantistes obtiennent la majorité des sièges (72) mais pas la majorité absolue des voix (47,8%). Le découpage électoral favorise les zones rurales qui sont plus ancrée dans l’idée d’une Catalogne indépendante alors que les villes, et Barcelone en particulier, sont plus « unionistes ». La représentation au Parlement refléterait mal l’opinion publique qui serait partisan de rester dans le giron de l’Espagne. (A noter en la matière, la quasi absence de sondage sur le sujet de l’indépendance catalane alors que lors du référendum écossais, il n’y avait pas une journée sans que des sondages d’opinion ne soient publiés ! Etrange.)

Vacances du côté de Gérone 2015 : l’estelada inonde toujours plus la Catalogne. L’Espagne est absente du territoire. La guerre des drapeaux est perdue. La Guardia civile est cantonnée dans quelques villes. Les Mossos assurent la sécurité. L’intensité du problème gonfle. Madrid ne bouge pas. Madrid a tord.

Le Président de la Generalitat, Artur Mas, poursuivi par la justice pour corruption, cède sa place à Carles Puigdemont qui avec une majorité hétéroclite (droite catalane+extreme gauche) met en place le référendum d’indépendance interdit par Madrid. Il a lieu le 1er octobre. Résultat : 90,18 % pour l’indépendance (source : la Generalitat)

Pendant ce temps, Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, reste impassible. Il bombe le torse et annonce que seule la loi et la constitution doivent s’appliquer. Des centaines de milliers de catalans manifestent à Barcelone. M. Rajoy leur répond sans sourciller : « la loi, rien que la loi ». Un Rajoy qui n’a rien fait pour prévenir une situation qui se détériore depuis des années. Un Rajoy dont le parti populaire ne pèse plus que 7 ou 8% parmi l’électorat catalan. Un Rajoy à qui les catalans – mais aussi bien d’autres espagnols – attribuent volontiers le qualificatif de fasciste. Mal aimé, ne gouverne t-il pas en minorité ? Une position qui ne simplifie pas sa marge de manoeuvre à Madrid.

Le blocage est complet : Esteladas (drapeau catalan) en Catalogne contre Rojigualda (drapeau espagnol) dans le reste du pays. Populisme contre nationalisme. La nausée.

La nausée jusqu’à ce jour, samedi 7 octobre, où des dizaines de milliers de citoyens espagnols et catalans sont sortis de chez eux pour aller manifester, habillés en blanc, sous le slogan « Parlem – Hablamos ». Reste à voir si Mariano et Carles sont capables de s’asseoir autour d’une table. Rien n’est moins sur.

Bernard Boutin

Estelada au sommet du « Canigou »
Estelada sur la « Pica d’Estats » (plus haut sommet de Catalogne)

Finances publiques : nos impôts locaux doivent-ils financer (indirectement) les « Ventas » de La RHUNE ?

La Rhune vue depuis le col de Lizuniaga

Terminant une traversée des Pyrénées, l’ultime étape passe par La Rhune, dernier sommet à franchir avant l’arrivée à Hendaye. La Rhune : un sommet aux vues magnifiques à 360°, traversé en son milieu par une invisible frontière franco-espagnole. Au nord de cette frontière, la gare du célèbre train à crémaillère, installé en 1924, et les installations de Télédiffusion de France. Au sud, un bel alignement de « ventas » espagnoles, haut-lieux de vente d’embutidos (charcuterie), vins, spiritueux et autre spécialités ibériques.

En 2016, le célèbre train à crémaillère a enregistré un record de fréquentation : 364.029 passagers sont arrivés au sommet. Après avoir apprécié la vue, ils se sont précipités dans les « Ventas » à la recherche de bonnes affaires ou tout simplement pour trouver de l’eau ou des toilettes.
Il faut savoir qu’au sommet de la Rhune, il n’y a pas d’eau naturellement. Coté espagnol, elle est pompée depuis le bas. Côté français, la gare d’arrivée n’offre ni eau, ni toilettes. Les passagers du train ont donc comme seule solution de se précipiter dans les accueillantes « Ventas » basques espagnoles qui n’attendent que cela.

Le train, mis en place en 1924 par une filiale des Chemins de fer du Midi, est actuellement entre les mains du département des Pyrénées Atlantiques. Par délégation, l’EPSA (établissement public des établissements d’altitude) en est le gestionnaire. Devant l’âge vénérable du « vieux tortillard » à crémaillère, devant son succès, l’EPSA a décidé d’investir dans de nouveaux parkings, rails et trains (selon le dossier de presse : « Les 4 trains existants (1 train = 1 locomotive + 2 wagons) vont être complétés par 2 trains neufs ». Une nouvelle accessibilité au sommet devrait compléter l’opération. Au total, ce sont 35,9 millions d’euros publics* qui devraient être investis pour acheminer toujours plus de touristes… vers des commerces espagnols !

Les ventas au sommet de La Rhune

Que le Conseil Départemental soutienne l’emploi dans les vallées pyrénéennes en gérant les stations de ski de Gourette et la Pierre-St. Martin, on peut le comprendre puisque ce sont des commerçants locaux français qui en bénéficient mais par contre, investir 35,9 millions d’euros – de nos impôts – dont on est certain que les premiers à en bénéficier seront les propriétaires espagnols des Ventas de La Rhune, voilà qui interpelle.

Mais peut-être le Conseil Départemental a des arguments à faire valoir qui nous sont inconnus ! Il serait bien qu’il éclaire le public sur cette situation pour le moins surprenante pour les contribuables basques et béarnais des Pyrénées-Atlantiques.

Cette approche du projet sous l’angle fiscal, ne doit pas en faire oublier une autre, au moins aussi importante, sur lequel un ensemble d’associations du Pays Basque s’investit : la protection d’un site classé « Natura 2000 » qui est déjà sous forte pression avec l’augmentation constante des touristes et autres randonneurs qui grimpent à La Rhune. Pour découvrir le sujet, un lien vers France Bleu vous en dira plus : c’est ICI.

Le train à crémallière

Une approche patrimoniale se pose aussi : vu le caractère « authentique » des trains habillés de bois, fabriqués chez Soulé à Bagnères-de-Bigorre, ne faut-il pas prévoir de les classer à l’inventaire des monuments historiques lors de son centenaire en 2024 ? et surtout ne pas y toucher.

Indiscutablement, il y a beaucoup de raisons* pour questionner ce projet** et pas seulement des motifs de finances publiques.

– par Bernard BOUTIN

* pour le détail de l’investissement projeté, se reporter à l’article de Sud-Ouest du 7 juin 2017 : C’est LÁ 
** un projet qui n’est pas sans rappeler celui de M. Rousset en vallée d’Aspe pour la réouverture du « Canfranc » : Quid du « débat-public » ?

PS : Je dois de suite apporter des précisions suite à des informations trouvée sur le blog de l’ASSOCIATION ACTION CITOYENNE ENVIRONNEMENTALE (ACE) HENDAYE. Des toilettes seraient incluses dans le projet pour le sommet, de même un restaurant ou un bar au col de St Ignace. Ce bémol apporté, il n’en reste pas moins vrai que les premiers bénéficiaires seraient les Ventas. Connaissaient-vous des commerces français qui fonctionnent devant la frontière à Ibardin, au Somport ou au Pourtalet ? L’attrait de l’étranger… et les petits prix sont au sud de la frontière !

Une pétition a été mise en ligne par le collectif opposé au projet sur « change.org ». Plus de 4000 soutiens l’ont déjà signé. Si vous souhaitez y participer : c’est ICI

Depuis les pentes de La Rhune, la vue sur St Jean-de-Luz

ORGANBIDEXKA – Des rapaces et des hommes : bientôt 40 ans de passion !

L’observatoire, le « spot », à Organbidexka

1979 : quelques irréductibles ornithologues sans gêne s’installent, pour observer les migrations de rapaces, au col d’Organbidexka (« le petit chemin des charrettes » en basque) situé au-dessus de Larrau, juste sous les chalets d’Iraty, au beau milieu d’un territoire dense en palombières. Ils viennent de louer un droit de chasse au « nez et à la barbe » des chasseurs de palombes souletins. Méfiance réciproque. Glace qui prendra des années à fondre.

2017: les chasseurs ont (presque) disparu, pour cause de raréfaction des passages de palombes à cet endroit-là. Les « volatiles » ont migré plus à l’ouest de la chaine pyrénéenne. En 4 décennies, le site est devenu un des principaux d’Europe occidentale pour observer les oiseaux migrateurs. Un chiffre : 43.475 rapaces sont passés entre les pics d’Ohry et des Escaliers en 2016.
Pas franchement enthousiaste au-début, la « Commission Syndicale du Pays de Soule », qui gère le site des « Chalets d’Iraty », a finalement compris l’intérêt de cette activité qui, depuis le début de l’été jusqu’à tard dans l’automne, fait venir sur place ornithologues, scientifiques mais aussi simples bénévoles et touristes par centaines. Les chalets sont en effet à 100 m du point d’observation et la terrasse du restaurant donne une vue plongeante sans pareil sur l’alignement impeccable des observateurs qui scrutent et comptabilisent sans relâche depuis le lever du soleil jusqu’au coucher.
En ce lundi 21 août, vers 14h, plus de trente personnes sont là. Le spectacle est magnifique: les milans noirs et les bondrées apivores inondent le ciel. Ils ne sont pas seuls : des circaètes-Jean-le-Blanc, rapaces qui se nourrissent principalement de serpents et de lézards, quelques balbuzards (mets favori : le poisson), des éperviers, des busards cendrés et busards des roseaux, un aigle botté, un autour des palombes « mâle immature » (quelle précision !) etc. mais aussi des martinets et hirondelles sont observés.
Au milieu de tous ces oiseaux circulent des « autochtones » en quantité : principalement des vautours fauves mais aussi de petits éperviers et des faucons crécerelles.
Les années d’expérience ont permis la mise en place d’un protocole d’observation très précis où les membres de la LPO présents (Ligue de Protection des Oiseaux – plus de 50.000 adhérents) ont chacun leurs tâches : repérer, identifier (sexe et âge, juvénile ou immature), comptabiliser et enregistrer « en temps réel » les individus qui passent.

Ce jour, 2.149 oiseaux sont comptabilisés. Beaucoup pour le néophyte. Pas tant que cela pour les observateurs qui, le 7 août ont vu, en 4 heures, passer 13.268 milans noir ! Un rapace « opportuniste » qui s’adapte plutôt bien à l’univers de l’homme.
Un grand silence règne. Les longues-vues et jumelles suivent de près les oiseaux qui passent soit sur la gauche, sous sur la droite du promontoire d’Oxogorrigagne qui domine Larrau et sa vallée.
Sergio Barande, observateur depuis 37 ans, a traduit en mots simples les formes du terrain : la Pyramide, le Mamelon, le Crocodile, le Chapeau du Gendarme, la Selle etc. Dès qu’il repère au loin des oiseux qui « pompent », Sergio alerte, parfois avec humour, la troupe. C’est plus simple d’annoncer une « espadrille »(escadrille) vers la Selle ou le Crocodile que vers Léhenchégaratia, Mendikotzigue ou encore Saltéburia…
De temps à autre, une exclamation fuse : « le circaète a un serpent dans son bec ! » Toutes les têtes se tournent vers le rapace. Pas facile à distinguer ! Plus tard, ce sera un aigle royal qui s’en prendra à une cigogne.
C’est le jour des bondrées apivores : 632 comptabilisées. Vues de dessous, les couleurs sont variées, bariolées, souvent claires. A ne pas confondre avec des buses variables. Principale différence : l’un à la tête plutôt rentrée dans les épaules (la buse), l’autre l’inverse. Pas simple à différencier !
Les bondrées, stars du jour, sont bien plus belles à observer que le milan noir, autre star du jour, qui est tout de noir vêtu. Un austère séminariste basque ?
Pour les milans, on préférera attendre la migration, plus tardive, des milans royaux, au plumage magnifique et au vol sans pareil. Pour certains ornithologues, c’est le plus beau rapace à observer. Sergio préfère le gypaète barbu. Des gouts et des couleurs.

Une chose est certaine, sur le point d’observation d’Organbidexka, on ne s’ennuie pas. Une magnifique pièce de théâtre, à l’issue improbable, se déroule tout au long de la journée, dans un cadre de toute beauté. C’est à découvrir, ou redécouvrir, avec les passionnés de la LPO Aquitaine et, si vous voulez en savoir plus, malgré le silence et l’attention de tous, les ornithologues n’attendent qu’une chose : transmettre leur (saine) passion. N’hésitez pas à aller au contact.

Beñat Bernard Boutin

– Le programme de suivi de la migration s’inscrit dans le cadre du projet Lindus-2, cofinancé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) dans le cadre du programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre).


– Le site de la LPO Aquitaine : c’est ICI
– Les synthèses des passages comptabilisés à Organbidexka : c’est
– La formation à l’identification des rapaces en vol prévue à IRATY du 4 au 8 septembre 2017. Plus : c’est ICI
– Crédit photo rapaces : Topo Pyrénées
– Passez le curseur de votre souris sur les photos pour faire apparaitre les commentaires ou cliquez sur la première photo pour dérouler le diaporama.